Leadership responsable : des ambitions aux actions concrètes avec l’exemple de Bel
Face à des crises environnementales, sociales et économiques de plus en plus pressantes, la notion de leadership responsable s’impose comme une boussole essentielle. Mais que signifie réellement ce concept ? Il ne se limite pas à adopter des décisions éthiques ou à multiplier les initiatives vertueuses. Le leadership responsable, c’est l’art d’allier vision stratégique et engagement concret pour transformer les organisations, tout en répondant aux impératifs de durabilité. C’est une posture qui dépasse les horizons à court terme, intégrant les impacts environnementaux, sociaux et économiques dans chaque choix.
Mais comment, concrètement, conjuguer engagement, défis globaux et stratégie d’entreprise ? Élodie Parre, directrice Sustainability chez Bel, incarne cette alchimie complexe. Scientifique devenue leader dans le développement durable, elle traduit des idéaux en actions concrètes, à l’échelle d’une entreprise emblématique. À travers son intervention lors du module « Développer un Leadership Responsable » du certificat exécutif Piloter la transformation vers le développement durable d’HEC Paris, elle dévoile un parcours inspirant et les coulisses d’une transformation audacieuse menée par Bel, entre innovation, engagement et impact.
Une vision incarnée : Élodie Parre et le leadership responsable de Bel
Au cœur de cette transformation, deux histoires qui se croisent : celle d’Élodie Parre, scientifique de formation, et de Bel, un groupe familial emblématique.
Un parcours personnel au service d’une ambition collective
Elodie Parre commence sa carrière en explorant les mystères de la biologie moléculaire des plantes, étudiant les mécanismes qui permettent à certaines espèces de résister aux sécheresses et au stress hydrique. Mais cette carrière académique ne suffit pas à répondre à ses aspirations profondes. « J’avais envie d’agir, de sentir que ce que je faisais avait un impact concret et positif sur le monde », confie-t-elle.
Ce désir d’aligner ses convictions personnelles et son travail l’amène à intégrer, en 2007, l’un des premiers masters spécialisés en développement durable d’HEC. Cette formation devient un véritable catalyseur de changement, lui offrant à la fois une légitimité et les outils pour s’engager pleinement. « Ce master m’a permis de connecter mes idéaux à une vision stratégique, pour agir de manière concrète dans des environnements complexes », explique-t-elle.
Elle rejoint Bel en 2017, et s’emploie à transformer ses idéaux en actions concrètes. À travers son rôle de Group Sustainability Director, elle place les enjeux environnementaux et sociétaux au cœur de la stratégie du groupe.
« Mon ambition, c’est de bâtir des ponts entre nos valeurs, nos actions et notre impact, pour prouver qu’écologie et performance économique peuvent aller de pair ».
Bel : une entreprise familiale en transformation
Fondée il y a près de 160 ans, Bel incarne l’héritage d’une entreprise familiale profondément attachée à ses valeurs humaines. Connue pour ses marques phares comme La Vache qui rit, Babybel ou encore Boursin, elle évoque pour beaucoup des souvenirs d’enfance ou des moments de partage.
Mais aujourd’hui, Bel se réinvente. Portée par une stratégie ambitieuse de diversification, l’entreprise élargit son horizon avec des produits fruitiers (Pom’Potes) et des alternatives végétales (comme le Babybel végétal notamment). Cette transition ne repose pas seulement sur des chiffres, mais sur une vision : équilibrer à terme son portefeuille entre produits laitiers et non laitiers, pour répondre aux attentes d’un monde en pleine mutation.
Avec 31 sites de production répartis dans 15 pays, Bel joue sur la scène internationale tout en restant fidèle à son essence.
« Ce qui nous distingue, ce sont nos valeurs d’audace, d’engagement et de bienveillance, qui sont une boussole pour nos choix quotidiens », explique Élodie Parre.
Ces valeurs tissent un lien fort entre les collaborateurs, les partenaires et les consommateurs, incarnant l’ambition de Bel de devenir un leader responsable.
Le leadership responsable de Bel : de la vision à l’action
Un leadership responsable ne se décrète pas : il se construit, avec des objectifs ambitieux, une culture forte, et une action déterminée sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Bel en est le parfait exemple.
Des étapes clés pour structurer l’ambition
Depuis deux décennies, Bel trace un chemin clair vers une intégration progressive des enjeux de durabilité dans sa stratégie globale. Voici les jalons qui ont marqué cette transformation :
Face à des crises environnementales, sociales et économiques de plus en plus pressantes, la notion de leadership responsable s’impose comme une boussole essentielle. Mais que signifie réellement ce concept ? Il ne se limite pas à adopter des décisions éthiques ou à multiplier les initiatives vertueuses. Le leadership responsable, c’est l’art d’allier vision stratégique et engagement concret pour transformer les organisations, tout en répondant aux impératifs de durabilité. C’est une posture qui dépasse les horizons à court terme, intégrant les impacts environnementaux, sociaux et économiques dans chaque choix.
● 2003 : adhésion au Global Compact des Nations Unies. Bel devient l’un des premiers acteurs de sa taille et de son secteur à s’engager publiquement pour des principes d’éthique, de droits humains, d’environnement et de lutte contre la corruption. Cette étape marque un premier pas vers une approche plus structurée du développement durable.
● 2017 : élaboration d’une stratégie intégrée « de la ferme à l’assiette ». La stratégie évolue pour inclure l’ensemble de la chaîne de valeur, des pratiques agricoles des fournisseurs aux impacts environnementaux des produits finis. Cette vision globale permet de travailler sur des enjeux concrets, comme le soutien aux éleveurs pour une agriculture régénératrice, ou la réduction des emballages plastiques.
● 2020 : création du département Impact. En associant financier et extra-financier, ce département unique inscrit la responsabilité au cœur de toutes les décisions stratégiques. Les Chief Impact Officers s’appuient sur leurs outils, leurs compétences de partenaires du business pour non plus mesurer uniquement une performance financière mais bien la performance globale. Avec cette nouvelle corde à leur arc, l’objectif est que chaque décision du Groupe soit réévaluée au prisme de ces deux dimensions : innovation produits, investissements industriels, etc.
● 2024 : passage au statut d’entreprise à mission. Ce changement de statut incarne la volonté du groupe d’inscrire durablement ses ambitions dans son ADN :
« Passer au statut d’entreprise à mission, c’était une nouvelle étape naturelle et c’est une manière de garantir que nos engagements resteront au cœur de notre stratégie, peu importe les changements à venir. »
Parmi ses objectifs phares : réduire d’un quart ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035, conformément aux accords de Paris.
Outiller et former pour agir
Pour réussir cette transformation, Bel mise sur la formation et la sensibilisation. La fresque du climat est devenue un outil central pour sensibiliser les collaborateurs aux enjeux environnementaux. Cet atelier jeu pédagogique, qui cartographie les impacts du changement climatique, agit comme un électrochoc. « Après une fresque, on ne sort pas indemne », confie Élodie. « C’est intense, mais ça ouvre les yeux. »
Pour aller plus loin, certains collaborateurs sont formés comme animateurs de fresques. Cela permet non seulement de diffuser ces apprentissages à grande échelle, mais aussi de développer une culture commune autour des défis climatiques. Ce dispositif s’intègre dans un programme plus large intitulé « Je sais, j’agis, je deviens activiste », qui invite chacun à passer de la prise de conscience à l’action concrète sur son périmètre et aussi en dehors de l’entreprise.
Faire évoluer une organisation aussi vaste que Bel exige aussi des outils concrets. L’un des piliers est un outil intuitif d’empreinte carbone, conçu pour être utilisé par tous, qu’il s’agisse d’un chef de produit ou d’un directeur d’usine. Ce logiciel permet d’estimer et de visualiser rapidement les impacts carbone par produit, par région ou par usine et de les suivre dans le temps.
" L’objectif n’est pas d’avoir une précision chirurgicale, mais de permettre à chacun de comprendre et d’avoir le bon niveau de discussion", explique Élodie.
On s’appuie sur cet outil pour construire chaque année notre plan stratégique à 3 ans et voir ainsi comment nos actions viennent nourrir notre stratégie globale." L’outil, conçu pour être simple et attractif, aide les équipes à intégrer les considérations environnementales dès le début des projets.
Relever les défis collectivement
La route vers un modèle de leadership responsable est semée d’obstacles, mais aussi d’opportunités. Élodie Parre le souligne : « Être audacieux, c’est accepter que l'on n’a pas toutes les réponses, mais avancer quand même. »
Faire face à des enjeux globaux
Biodiversité, climat, relations avec la grande distribution : les défis sont vastes et complexes. Parmi eux, la biodiversité se distingue par sa difficulté à être mesurée et intégrée.
« La biodiversité, c’est partout, tout en dépend. C’est incroyablement diffus et difficile à quantifier », confie Élodie.
Pourtant, Bel progresse sur ce front en travaillant avec des outils comme le Science Based Target Network for Nature, qui aide à évaluer l’empreinte biodiversité et à identifier les zones d’action prioritaires.
Les négociations avec la grande distribution, elles, nécessitent un équilibre délicat entre rentabilité et responsabilité. « Valoriser des produits responsables dans un marché sensible au prix, c’est un défi quotidien », explique-t-elle. Pour y parvenir, Bel mise sur la co-construction : des contrats innovants, comme ceux développés avec Carrefour, incluent désormais des clauses financières et extra-financières alignées avec les engagements RSE des deux parties.
S’appuyer sur une approche collective
Pour relever ces défis, l’implication de toute l’organisation et de ses parties prenantes est essentielle. « On ne peut pas tout changer seuls, mais ensemble, c’est possible », rappelle Élodie. Cette approche collective repose sur une mobilisation de chaque collaborateur, des éleveurs aux distributeurs, en passant par les équipes commerciales et opérationnelles.
Cette dynamique repose sur des relais clés, à commencer par les Chief Impact Officers. Ces profils hybrides, , incarnent le modèle à « deux jambes » de l’entreprise : chaque décision est analysée sous un prisme financier et extra-financier.
Les commerciaux sont également formés pour intégrer la RSE dans leurs discussions avec les distributeurs. « Pendant longtemps, nos équipes commerciales ne parlaient pas de développement durable. Elles n’étaient pas à l’aise », raconte Élodie. Désormais, elles disposent d’arguments, de formations et d’accompagnements sur mesure pour défendre et incarner les engagements de Bel.
Pour ancrer cette dynamique dans la durée, le groupe développe des programmes comme « Je sais, j’agis, je deviens activiste ». Ce programme se structure en trois étapes : comprendre les enjeux, agir dans son périmètre professionnel, puis élargir son impact au-delà de l’entreprise.
« Nous voulons créer une véritable culture de l’activisme, où chaque collaborateur devient un acteur clé du développement durable », insiste Élodie Parre.
Chez Bel, cette collaboration s’étend au-delà des frontières de l’entreprise, en engageant des acteurs comme les ONG ou les fournisseurs. Par exemple, les éleveurs partenaires bénéficient de prix justes et d’un accompagnement vers des pratiques agroécologiques, une démarche qui renforce la durabilité de toute la chaîne de valeur.
Regarder vers l’avenir
L’avenir chez Bel repose sur l’exploration de nouveaux indicateurs extra-financiers, notamment dans des domaines comme l’eau ou la biodiversité. « Si le carbone est un bon point de départ, il ne suffit pas », souligne Élodie. Bel entend donc diversifier ses outils d’analyse pour évaluer ses impacts sous un angle plus global et interconnecté.
Enfin, le groupe ambitionne de continuer à inspirer un leadership durable. « Le plus grand défi, c’est de montrer qu’on peut conjuguer ambition durable et performance économique », conclut-elle. À travers son modèle à deux jambes – financier et extra-financier – et son approche ancrée dans des actions concrètes, l’entreprise trace une voie à suivre pour d’autres organisations.
Devenir acteur du changement
« Un bon objectif, c’est celui dont on ne connait pas encore tous les leviers pour l’atteindre l’atteindre. » Ces mots d’Élodie Parre sonnent comme une invitation à se dépasser. Ils rappellent qu’être un leader responsable, c’est naviguer dans l’incertitude avec audace, en mobilisant les équipes et en bâtissant des actions concrètes pour répondre aux défis globaux.
La formation Piloter la transformation vers le développement durable d’HEC Paris propose de plonger au cœur de ces enjeux. Ici, pas de grands discours théoriques, mais des outils concrets et des stratégies qui permettent de connecter des engagements environnementaux ambitieux à la réalité économique des entreprises. Les participants explorent des exemples inspirants et des approches éprouvées pour agir efficacement.
Ce qui frappe, c’est l’ancrage dans le quotidien : chaque participant repart avec des idées taillées sur mesure pour son organisation et des premières étapes claires pour enclencher le changement. L’objectif ? Faire de chaque leader un acteur du changement, capable d’impulser des transformations porteuses de sens et d’impact positif, au service d’un avenir durable.