Interview de Florent Sciberras, cofondateur de la startup Revyze
Rencontre avec Florent Sciberras, cofondateur de Revyze, la startup EdTech qui a levé 5,5M €Bonjour Florent, peux-tu te présenter ?
Florent : Je m’appelle Florent Sciberras et je suis co-fondateur et co-CEO de Revyze. Je m’occupe de la partie growth et community, mais aussi de la partie créateurs de contenu. Je viens de Paris et je suis ingénieur à la base. J’ai fait l’École Nationale des Ponts et Chaussées, puis un double-diplôme à HEC, en finissant par le MSc X-HEC Entrepreneurs. Ensuite, j’ai travaillé 10 ans chez Airbnb dans des rôles de Data, et j’ai été bras droit du Directeur Europe, puis Territory Manager pour la France, la Belgique, le Moyen-Orient et l’Afrique. Je suis passionné par l’éducation, Revyze, la technologie en général, la nature, la montagne. Mon expérience chez Airbnb m’a donné pas mal d’ambition, notamment quand j’ai vu qu’en 10 ans, on pouvait révolutionner tout un secteur à l’échelle mondiale. J’ai beaucoup appris au niveau du produit et du design, de l’importance de la culture, mais aussi à construire une entreprise et à toujours repousser les limites.
Qui sont tes associés et comment vous êtes-vous rencontrés ?
Florent : J’ai fondé Revyze aux côtés de Guillaume Perrot et Anatole Blanc, eux aussi diplômés d’HEC. Guillaume est co-CEO à mes côtés, et s’occupe de la partie Product et Design. Anatole est CTO, il s’occupe de la partie technique. J’ai d’abord rencontré Guillaume par l’intermédiaire d’un de mes très bons amis, Charles Gorintin, qui est cofondateur de la startup Alan. Je lui ai dit que je voulais créer une entreprise dans le secteur de l’éducation et il m’a répondu “ Il faut que tu rencontres Guillaume ! ” Il était stagiaire chez Alan à ce moment-là, et il voulait lui aussi créer une boîte dans ce domaine. On s’est très vite bien entendu, on s’est déplacés dans plein de lycées de France et de Navarre pour aller à la rencontre des élèves. Trois semaines plus tard, Anatole, l'un des meilleurs amis de Guillaume, nous a rejoint dans l’aventure. On partage beaucoup de choses en commun tous les trois. On a les mêmes valeurs, on aime beaucoup le sport, la nature et faire bouger les choses.
Peux-tu présenter votre startup Revyze ?
Florent : La mission de Revyze est de démocratiser l’accès à une éducation de qualité pour tous. C’est une plateforme de réseau social qui s’inspire de TikTok : des vidéos courtes et dynamiques diffusées par la communauté, que tout le monde peut partager. L’objectif est de fournir aux collégiens et lycéens des ressources accessibles pour apprendre, réviser et réussir à l’école, et notamment bénéficier du soutien de leurs pairs.
Avant de fonder Revyze, il y a bien eu 6 mois de recherche utilisateurs en allant dans les lycées. On a lancé l’application pour le baccalauréat de maths et français en avril-mai 2022. J’étais encore chez Airbnb à ce moment-là, et Guillaume et Anatole étaient étudiants à HEC. D’ailleurs, ils ont appris à coder pour créer l’app, c’était assez exceptionnel ! On a eu 20 000 utilisateurs en quelques semaines, ce qui nous a permis de lever des fonds et de lancer officiellement la startup en août 2022.
Aujourd’hui, on a plus d’un million d’utilisateurs, et un tiers des collégiens de troisième en France ont utilisé Revyze pour réviser leur brevet en 2024. Les vidéos de la plateforme enregistrent plus d’une dizaine de millions de vues et on a beaucoup d'élèves qui reviennent tous les jours sur la plateforme pour apprendre. On a aussi beaucoup d’élèves de quatrième et troisième, qui créent des vidéos pour aider les autres. Ils nous disent que ça leur fait du bien d’entendre des “merci” et que ça les aide à gagner confiance en eux.
Qu’est-ce qui vous a convaincu de lancer Revyze ?
Florent : L’élément déclencheur, c’est qu’on était vraiment convaincu par la mission de Revyze et de l’opportunité qu’elle saisissait. Quand on est allés à la rencontre de plus de 300 lycéens, on leur a tous posé une question : « C’est quoi votre façon préférée d’apprendre ? ». Ils nous ont répondu, « Personne ne m’a jamais posé cette question. » C’est là qu’on a su qu’on tenait quelque chose. On a compris que leur façon préférée d'apprendre, c’était avec leurs amis parce qu'ils sont comme eux : « Ils parlent comme moi, ils comprennent mon contexte. On se retrouve dans la vraie vie pour réviser, on regarde des petites vidéos, on échange sur les groupes Instagram de la classe… »
Il est clair que le système éducatif actuel ne répond pas à leurs besoins, et que personne ne sait vraiment leur parler. Les parents leur disent « T’as eu quoi comme notes aujourd’hui ? »... On ne met pas l’élève au centre et c’est là qu’on s’est dit qu’il y avait une super opportunité à saisir.
On a vu qu’il y avait 200 milliards de vues sur le hashtag ‘Learn on Tiktok’, mais que l’application n’était pas adaptée à cet usage. On a eu un premier MVP(1) avec plusieurs dizaines de milliers d’utilisateurs et c’est là qu’on s’est dit « Allez, on y va ! ».
(1) Le produit minimum viable (ou MVP : minimum viable product) est la version d’un produit qui récolte un maximum de retours utilisateurs avec un minimum d'effort.
Pourquoi le secteur de l’éducation ?
Florent : Le secteur de l’éducation, c’est un secteur qui a un impact sur tous les autres. C’est en amont de tout. Personnellement, j’ai eu beaucoup de chance de travailler chez Airbnb. J’ai réussi à en arriver là parce que mes parents m’ont beaucoup soutenu dans la réussite de mes études. Il y a une question de chance dans l’éducation, notamment celle d’avoir un entourage qui te soutient. Mais comment faire pour que cette chance puisse bénéficier au plus grand nombre ? Elle est là, aussi, la genèse de Revyze.
Avec Guillaume et Anatole, on a constaté que le système éducatif n’avait pas beaucoup bougé depuis 100 ans. Tu as un professeur, 30 élèves, une façon d’enseigner, 30 façons d’apprendre. Ce sont nos expériences personnelles, aussi, qui ont contribué à nous diriger vers ce domaine : ma mère est professeur, et la grand-mère de Guillaume était institutrice. Le plus gros challenge des professeurs, c’est de s’adapter à 30 personnes différentes.
On a vu aussi, via nos expériences professionnelles dans des startups tech - et sans surprises d’ailleurs - que la technologie est un levier majeur pour avoir de l’impact aujourd’hui. À ce sujet, l’éducation est un secteur où il y a un peu tout à faire. Un secteur, certes compliqué, mais passionnant.
Quels challenges majeurs avez-vous rencontrés dans le développement de votre startup ?
Florent : Des challenges, on en rencontre en permanence. Un de nos plus gros défis, c’était notre lancement aux États-Unis. On s’est lancés aux US en juin 2023, quand on était N°1 sur l'app store. C’était très dûr, le produit n’était pas prêt et la rétention(2) ne décollait pas. On n’a pas réussi à adapter le produit, on faisait trop de choses à la fois. Donc on s’est re-concentrés sur notre produit et sur notre marché initial, la France, pour développer un produit très solide avant d’envisager un nouveau marché.
En France, on a développé un nouveau projet qui nous a permis de gagner des points de rétention : Sur le modèle de Duolingo, on a lancé un produit appelé « Capsules », à savoir une série de vidéos et de quiz qui permet aux utilisateurs de réviser pour préparer leurs contrôles. On a également intégré un système de récompense où les utilisateurs gagnent des « flammes » s’ils reviennent chaque jour sur la plateforme, et qu'ils visionnent plusieurs vidéos et répondent correctement aux quiz.
(2) La courbe de rétention montre comment le nombre d'utilisateurs actifs évolue dans le temps.
Vous avez récemment levé $6M, toutes nos félicitations ! Que peux-tu nous dire de cette levée de fonds ?
Florent : Nous avons levé 6 millions de dollars, soit environ 5.5 millions d’euros, auprès des fonds Speedinvest et Moonfire, et plusieurs business angels et investisseurs : Ilkka Paananen (cofondateur de Supercell), Sebastian Knutsson et Riccardo Zacconi (cofondateurs de King / Candycrush), Nickey Skarstad (directeur des produits, Duolingo)... Motier Ventures et Station F ont également participé à ce tour de table.
Nous sommes ravis d’avoir l’opportunité d'apprendre d’eux pour rendre Revyze aussi addictif que Brawl Stars ou Candy Crush, et aussi sociale que Tiktok ! Cette levée de fonds va avant tout nous servir à recruter des développeurs et des designers, donc une véritable équipe technique, pour construire cette première application mondiale d'apprentissage social pour les GenZ et GenAlpha. L’idée est dans un premier temps de consolider notre produit en France sur la partie Learning avec des créateurs de contenu, puis d’ajouter une couche de Social autour de ça. Une fois qu’on aura atteint un bon taux de rétention, on envisagera la monétisation et le développement à l’international.
Qu’est-ce que tu as retenu de ton expérience à HEC ?
Florent : Alors moi, je suis diplômé de la Grande École (H.12), j’ai fait le programme X-HEC Entrepreneurs et ensuite j’ai intégré l'Incubateur HEC Paris avec Revyze. J’ai vécu une super expérience à HEC, particulièrement via les nombreuses personnes que j’ai rencontrées. Des personnes extraordinaires qui sont aujourd'hui de très bons amis. C’est surtout ça qui reste à la fin, et dans le temps. Ils ont créé de nombreuses start-ups, que ce soit Frichti avec Julia Bijaoui ou Front, la start-up de Mathilde Collin, mais aussi Montagne en Scène avec Cyril Salomon. C’est vraiment très enrichissant d’avoir pu intégrer cet écosystème et, de facto, d’avoir pu construire cet entourage. En tant qu’entrepreneurs, on s’inspire tous collectivement et on voit ce qu’on peut apprendre les uns des autres.
Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à un étudiant qui envisage d’entreprendre et lancer une startup ?
Florent : Je leur dirais que ça va être très long, très dûr, que ça va prendre beaucoup d’énergie… Mais que ça va en donner beaucoup plus en retour ! N’abandonnez jamais et soyez obsédé par votre mission. Il faut vraiment vous positionner sur un sujet qui vous passionne. Vous ne devez pas entreprendre pour l’argent, mais pour l’impact positif que vous allez avoir, et vous verrez qu’il y aura sûrement de l’argent comme conséquence de votre impact !
Ayez de l’ambition, ayez une vision forte. Cela vous aidera à recruter les meilleurs, et à tenir la barque dans les moments difficiles. Ne vous laissez pas décourager par ceux qui vous disent “ça marchera jamais”, il y en aura beaucoup. Parlez aux utilisateurs, toutes les semaines, et itérer vite. C’est la clé. Associez-vous et recrutez des gens passionnés par votre mission, qui apprennent très vite, partagent vos valeurs, et avec qui vous avez envie d’aller boire un verre.