Shenzhen: un nouvel eldorado pour les startuppeurs d’HEC Paris ?
Vingt-neuf mois après avoir signé un accord de partenariat avec l’université SUSTech de Shenzen, HEC Paris a co-organisé un webinaire intitulé « Bienvenue à Shenzhen, là où les miracles se produisent ». Présidé par Nathalie Lugagne, professeure associée à HEC Paris basée à Hong Kong, l’événement a rassemblé l'investisseur David Baverez (H88) et le chef d’entreprise Laurent Le Pen, venus partager leurs expériences et donner des conseils à tous les étudiants intéressés par l'une des villes les plus dynamiques de la Chine d’aujourd’hui.
« Il faut entraîner votre cerveau à penser le contraire de la mentalité européenne si vous décidez d'investir ici », conseille d’emblée David Baverez, qui mène à la fois une carrière de business angel/demon et celle d'essayiste et d'auteur. « Le cours de l'histoire est en train de changer, l'Occident doit désormais apprendre de la Chine, s'il veut avoir une chance dans la nouvelle économie mondiale ». La vision précise et percutante de David Baverez s’appuie sur ses huit années d'expérience comme investisseur privé à Hong Kong, dont il a raconté l’essentiel dans son ouvrage « Paris-Pékin Express » (éditions François Bourin, 2017), qui a pour objectif de faire mieux comprendre la nouvelle Chine.
L'ancien étudiant d'HEC était l'un des deux orateurs invités le 27 octobre dernier à la première série de conférences organisée par HEC Paris et SUSTech pour lancer un nouveau programme France-Chine. « C'est une formidable plate-forme pour renforcer l'engagement de notre université dans la recherche, l'innovation et l'entrepreneuriat », a salué le Dr. Li Xu, directeur par intérim de l’institut commun SUSTech – HEC Paris. Classée parmi les dix premières universités de Chine continentale dans le World University Rankings du Times Higher Education, la faculté a contribué à la création de l'Institut SUSTech-HEC Paris pour le management global et l'entrepreneuriat au début de l'année. « Nous sommes ravis de co-organiser ce webinaire », indiquait pour sa part Inge Kerkloh-Devif, directrice exécutive du centre IDEA d'HEC Paris. « Shenzhen et sa région constituent une région exceptionnelle en termes d’opportunités entrepreneuriales. Ce programme conjoint apporte des possibilités très concrètes aux étudiants des deux écoles. Il renforce également la confiance mutuelle entre nos deux pays. »
Une vision "à la Blablacar"
L'autre invité, Laurent Le Pen est le fondateur et le PDG d'Omate, une plate-forme de technologies portables. Travaillant à Shenzhen par intermittence depuis 13 ans, il a mis son départ de France sur le compte de l'opportunisme et de la sérendipité : « Shenzhen est désormais une ville de designers industriels, ce n'est plus l'usine du monde. Elle se développe rapidement, et j'invite donc toutes les jeunes pousses potentielles à essayer de trouver ici des partenaires locaux fiables pour développer leurs activités. Il est possible de bâtir des start-up très innovantes dans un marché très compétitif, ou bien dans un marché de niche - et, s'il vous plaît, combattez les clichés : les Chinois ne sont pas du tout hostiles au café ou au bon fromage ! »
Les deux intervenants ont tenu à souligner les formidables opportunités que la Chine offre actuellement aux entrepreneurs. « Ne venez pas ici avec une attitude de type Uber, venez plutôt avec une vision à la Blablacar : c'est-à-dire une économie partagée et inclusive », a suggéré David Baverez. « Ce que nous découvrons ici, c'est que l'approche B2B est fondée sur le concept de connectivité. Dans ce pôle industriel, on comprend mieux que quiconque que la croissance du PIB passe par une connectivité progressive. La connectivité par de meilleurs réseaux de transport entre les villes, une meilleure connectivité au sein des villes elles-mêmes, et une meilleure connectivité entre les individus et leurs appareils connectés. »
« L'argent pour la valeur »
Nathalie Lugagne, ancienne doyenne associée d’HEC Paris en charge des programmes Executive Education, a souligné les avancées considérables de la ville de Shenzhen au cours de la dernière décennie : « C'était un petit village de pêcheurs ! Aujourd'hui, il est en concurrence avec des villes comme Tokyo, et peut-être même bientôt avec la Silicon Valley. Il y a dix ans, sa croissance représentait 0,1% de celle de Hong Kong, aujourd'hui elle a dépassé celle de sa puissante voisine. Et la recherche et l'innovation issues de notre partenariat avec SUSTech prouvent que Shenzhen continue à se renforcer. »
Pour David Baverez, l'état d'esprit est aussi une question philosophique : « Les entreprises françaises doivent comprendre qu'ici, ce n'est pas le rapport qualité-prix qui compte, mais plutôt "l'argent pour la valeur". Cela signifie que la satisfaction du client est essentielle, et que les points de vente locaux doivent alimenter cette satisfaction. » L'investisseur a également insisté sur le fait que la Chine dématérialise sa production et s'oriente vers un modèle de société sans argent liquide. « Et enfin, il y a la question des points de vente : en Chine, ils se décloisonnent, en fusionnant la vente au détail et les médias. Les magasins ne vendent pas des produits, ils en font la promotion. »
Des cultures divergentes pour la prise de rendez-vous
Pour montrer l'importance des médias sociaux, Laurent Le Pen a voulu rappeler l'utilisation de Wechat dans les milieux d'affaires chinois : « Toutes les transactions importantes se font par le biais de cette plate-forme. Contrairement à ce que l'on pense en France, c'est un outil très professionnel et efficace : pour communiquer, pour payer, pour partager des documents... ». « Et pour prendre des rendez-vous ! » a ajouté David Baverez. « En France, vous devez attendre deux mois pour un rendez-vous, ce qui est considéré comme impoli et non professionnel en Chine. Ici, je prends des rendez-vous pour le jour même. » La conclusion de ces deux professionnels expérimentés ? « Laissez votre culture d'entreprise française derrière vous si vous voulez comprendre la Chine et sa flexibilité ! »
La prochaine session SUSTech-HEC Paris aura lieu le 18 novembre prochain.
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