Un dîner avec Matthieu Ricard
Après des échanges passionnants avec la présidente de la BCE Christine Lagarde et le prix Nobel d’économie Daniel Kahneman, les conférences HEC Talks ont eu l’honneur d’accueillir le 27 octobre dernier un profil original : le moine bouddhiste, auteur, traducteur et photographe Matthieu Ricard. Plusieurs centaines d’étudiants ont pu partager ce moment d’exception sur le campus de Jouy-en-Josas, apprécié par près de 20.000 personnes grâce aux retransmissions en direct de la conférence sur Youtube, Facebook et LinkedIn. Retour sur ce moment d’exception avec Maxence, rédacteur pour KIP, qui a pu partager le dîner de Matthieu Ricard, juste avant le début de sa conférence.
(© Ciprian Olteanu - Madetoshow.com)
Cet article a été écrit par KIP, le média des étudiants d’HEC Paris
Le 27 octobre dernier, nous avons eu l’honneur de pouvoir dîner en compagnie de Matthieu Ricard, l’interprète français du Dalaï Lama. Photographe, essayiste, moine bouddhiste, docteur en génétique… il faut plus que quelques lignes pour décrire l’incroyable parcours de cet homme à l’allure modeste. Derrière ses lunettes rondes qui ne sont pas sans rappeler Gandhi, nous découvrons un homme qui a décidé de tout quitter pour aller s’installer au fin fond des montagnes de l’Himalaya.
Son histoire atypique et ses valeurs altruistes imposent immédiatement un profond respect, et nous plongent dans un silence obligé quand il commence à parler. Ses paroles et ses gestes sont simples, à l’image d’un homme sans masque, véritable, qui a depuis longtemps abandonné les apparences pour défendre les valeurs en lesquelles il croit. Qui est cet homme ? Pourquoi fascine-t-il autant ? Autant de questions qu’un simple dîner ne suffirait pas à éclaircir. Une chose est sûre, son passage à HEC ne sera pas passé inaperçu.
Une inspiration et un altruisme à partager
Mais que vient faire ce moine bouddhiste à HEC, bastion immuable du capitalisme et de la « fast life » ? Tenter de nous convaincre, nous, étudiants en école de commerce, avec des valeurs bouddhistes, c’est comme se jeter dans une fosse aux lions affamés, avec la volonté de les rendre végétariens. Et pourtant, il vient affronter les fauves, armé de son humour et de ses enseignements, prêt à convaincre. Son message est simple : nous pouvons rendre notre monde meilleur en étant plus altruiste envers nos prochains.
Voici donc pourquoi il a quitté son ermitage pour revenir à son pays natal : il veut convaincre. Convaincre que la solution d’un monde meilleur viendra d’un monde plus altruiste. C’est pour ça qu’il écrit, qu’il photographie : son ambition est de faire porter cette conviction par-delà les montagnes où il réside et ainsi convaincre le monde. Et qu’y-a-t-il de plus sensé de passer par là où l’on forme des futurs leaders ?
Mais Matthieu Ricard n’est pas là pour nous donner des leçons. Comme tout bon professeur, il veut qu’on expérimente nous-mêmes, pour en tirer nos propres enseignements. Être altruiste nécessite avant tout de penser à soi. Contradictoire me diriez-vous ? Si nous ne sommes pas heureux, en adéquation avec qui nous sommes, comment peut-on se préoccuper d’autrui ? Le bonheur c’est se défaire du superficiel et comprendre ce qui nous plaît vraiment. Ce n’est qu’une fois que nous nous connaissons vraiment que nous pouvons enfin prendre le temps d’aider les autres.
Plus qu’une pensée, un mode de vie
Une question que nous nous posions tous intérieurement ce soir-là : comment faire pour se connaître ? Comment faire pour arriver au stade du bonheur qui permet enfin de s’intéresser aux autres ? Dans un monde où nous avons rarement le temps de réfléchir, où on nous parle sans cesse de sens mais sans réellement en comprendre la profondeur, rien n’est plus flou que notre raison d’être. En tant qu’étudiant à HEC, je ne peux que le confirmer : nos pensées, nos sentiments sont sans cesse brouillés par la marche quasi inarrêtable de notre quotidien. Notre horizon est flou, peu d’entre nous savent vraiment où se diriger.
La réponse de Matthieu Ricard à cette question immensément complexe est étonnamment simple : cette réponse ne peut venir que de notre profonde intimité. La première étape est d’évacuer toutes nos pensées, précisément de ne pas trop réfléchir, car nos convictions les plus certaines n’ont pas à être trouvées : elles sont présentes, naturellement, mais nous ne prenons pas le temps de les écouter. C’est pourquoi Matthieu Ricard nous exhorte à nous retrouver, seuls, dans la nature, à évacuer toutes les pensées envahissantes et inutiles, pour simplement trouver au fond de nous-mêmes ce qui nous correspond tant.
Ces mots, remplis de sagesse, sont ceux d’un homme qui passe une grande partie de la journée à méditer, assis devant les montagnes de l’Himalaya. Sa spiritualité est au service de sa cause : nous aider à apprendre et à mieux nous connaître. A l’entendre, nous sentons avec quelle force il a appliqué depuis des années les conseils qu’il prodigue. De sa voix forte mais posée, nous saisissons peu à peu avec quelle puissance cet homme est en harmonie avec lui-même : une vie simple, reposante, au service d’une pensée mature qui ne peut que nous laisser songeurs.
Ses valeurs, celles qu’il essaye de nous transmettre, sont directement inspirées d’un homme qui l’a guidé et qu’il admire, celui dont il parle avec les yeux brillants : le Dalaï Lama. Depuis maintenant plus de 20 ans son interprète, il nous le décrit comme un homme profondément altruiste, préoccupé par les affaires du monde. Il nous parle d’un homme qui s’adresse avec le même ton aux agents d’entretien de l’hôtel où il loge comme aux plus grands dirigeants de cette planète. C’est cette simplicité qu’on retrouve chez Matthieu Ricard, et qui nous laisse sans voix. Nous avons beaucoup à apprendre de sa philosophie, de cette sagesse que des années de méditation ne suffiraient pas à égaler.
Une rencontre d’une incroyable richesse
Nous n’allons pas tous devenir moines bouddhistes demain pour autant. Le monde ne sera peut-être pas sauvé seulement grâce à l’altruisme, mais une chose est sûre, c’est qu’il ne le rendra que meilleur. La mission de Matthieu Ricard est parfaitement remplie : sa voix porte une sagesse qui nous laisse songeurs. Cette rencontre nous fait relativiser : qu’est ce qui est vraiment important pour nous et notre bonheur ?
Cette question du bonheur et de l’altruisme est trop souvent ignorée, même dans les meilleurs établissements d’enseignement comme HEC. Et pourtant, ici, 71% des étudiants trouvent qu’il existe “une course à la popularité” (1) : il faudrait sûrement que d’autres Matthieu Ricard viennent pour qu’ils puissent à leur tour nous éclairer de leur sagesse. Apprenons à être plus altruistes et apprenons à trouver ce qui nous rend plus heureux. A ce titre, ce repas partagé avec Matthieu Ricard, suivi de sa conférence, n’ont fait que nous donner un aperçu du grand chantier que nombre d’entre nous devons engager pour mieux nous connaître.
Maxence pour KIP
- Enquête QPV HEC : Section 6 - Satisfaction générale.
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