Eloquentia@HEC Paris : l'éloquence lycéenne fête ses cinq ans à La Cigale
Le 28 septembre dernier, six finalistes se sont affrontés pour le titre prestigieux de Meilleur(e) Orateur(ice) Lycéen(ne) de l’Année. Cet événement - le plus grand concours national de prise de parole - marquait l’apogée d’un programme de formation intense et passionnante à la prise de parole organisé par Eloquentia et HEC Paris. Retour sur cette soirée, qui s’est tenue pour la première fois dans la mythique salle de La Cigale à Paris, et qui a mis en lumière la passion, le talent et l'engagement de jeunes orateurs.
Les maîtresses de cérémonie Mélina Callou et Sofia Fataicha lancent le concours avec une fougue et un talent dignes de La Cigale. © Alexandre Quillard
L’émotion était à son comble pour cette cinquième finale d’Eloquentia@HEC qui, pour la première fois, se tenait à La Cigale au cœur de Paris. Cette salle de concert partage avec HEC Paris une rare longévité remontant aux années 80… du 19ème siècle ! En effet, il y a précisément 136 ans, La Cigale à Pigalle entonnait son premier chant devant près de 1 000 spectateurs. Plus d’un siècle plus tard, presque autant de personnes ont rempli les deux étages de la salle pour acclamer les six jeunes finalistes qui ont rivalisé d’éloquence tour à tour sur les planches de la scène. Que d’avancées depuis les débuts d’Eloquentia@HEC version 2018.
Cet évènement phare de la rentrée était le point culminant d’un programme qui s’articule autour de la notion du « vivre ensemble » incorporant des lycéens issus de toutes les classes sociales. Il a démarré en février avec le recrutement d’élèves issus de 56 lycées de métropole et d’Outre-mer. Puis, les 77 lycéens sélectionnés parmi les centaines des candidats ont convergé vers le campus d'HEC Paris en juillet dernier. Pendant une semaine, ces jeunes passionnés de prise de parole ont bénéficié du Summer Camp, une formation intensive dispensée par 26 intervenants et professeurs, et qui a mobilisé toutes les équipes d’Eloquentia et de la Mission HEC Egalité des chances ainsi que les équipes logistiques. Au programme, plus de 30 heures de formation comprenant des entraînements en expression scénique, en rhétorique classique, du slam, de la poésie, des exercices de voix et de respiration, de la technique vocale, ainsi que du coaching pour l'écriture des discours. Le tout s'est déroulé dans une ambiance ludique et sportive favorisant les échanges, l'épanouissement personnel et l’exploration des valeurs du vivre ensemble telles que la mixité, le respect, la solidarité, l’égalité et la fraternité.
Les finalistes et leurs histoires poignantes
L'objectif de ce programme était de libérer le potentiel de chaque participant, de les aider à prendre confiance en eux et à affirmer leur voix dans le monde de la parole. Ce concours national unique en son genre offre aux jeunes lycéens l'opportunité de s'exprimer sur des sujets qui leur tiennent à cœur et de défendre leurs convictions avec conviction et talent.
Le 15 juillet, six élèves parmi les 12 demi-finalistes ont brillamment atteint la finale à La Cigale. Charlotte Minéo, Fayma Youssouf, Emma Wurst-Reyraud, Ruben Diot, Jaassia Tape et Abdallah Sémiai ont démontré une passion dévorante pour la prise de parole sous toutes ses formes : plaidoirie, slam, stand-up, poésie, théâtre, et bien d'autres encore. 10 semaines plus tard, ils se sont trouvés à déclamer devant 840 spectateurs sur l’un des trois sujets sélectionnés pour la finale : « Le meilleur est-il à venir ? », « Faut-il envier les fous ? » et « L’individu est-il au service du collectif ? » Et c’était au jury de quatre personnes de les départager : « Pour le choix du vainqueur, c’était très subjectif, » avoua après coup Bertrand Périer, membre du jury et professeur à HEC, dont l’art de l’éloquence lui sert tous les jours en tant qu’avocat au Conseil d’Etat. « On n’était pas tous d’accord et on a réfléchi avec notre cœur : qui est-ce que l’on aime ? Mais, ce que je retiens de l’ensemble c’est la richesse de tous les messages qui ont été passés sur le dialogue, sur le respect, sur la bienveillance. »
Un sentiment partagé par une autre membre du jury, Elisabeth Moréno : « La passion, la passion, la passion, voilà ce que j’ai retenu, » a dit l’ancienne ministre-déléguée à l’Egalité entre les femmes et les hommes. « Je peux vous dire que je connais beaucoup d'adultes qui ne sont pas capables de tenir un discours avec autant de cœur, autant de corps et autant de tête, de ce que j'ai vu ce soir. » Pour Elisabeth Moreno, il y avait en ce jeudi étoilé un exemple inspirant pour les enfants de milieux modestes : « Ce programme a vu l’ascension de beaucoup d’enfants de migrants. Et ça donne espoir à toutes les personnes qui pensent que, parce qu’elles viennent de loin, elles n’ont pas la possibilité de se faire entendre. Et ça, ça n’a pas de prix. »
Du désespoir à l’espoir
Des mots qui incarnaient le parcours de la gagnante du concours, la franco-comorienne Fayma Youssouf. La plus jeune des finalistes a su captiver le jury par la sincérité et la force de son discours. Pendant les huit minutes allouées, Fayma a ainsi partagé avec courage et émotion une partie de son histoire et celle de son entourage, marquée par des défis sans nom. S’attardant sur le mot « espoir », elle dressa un tableau terrifiant de l’enfance d’une jeune fille venue d’ailleurs : « Le désespoir de cette fille en voyant la France à ses huit ans, devant quitter ses parents qui ne voulaient que son bien. Se retrouvant dans une famille qui ne l’accepte pas jusqu’à la maltraitance. A faire ses devoirs sur le capot des voitures, car un rôle de mère l’attendait. A aller à l’école avec des Ray-bans car l’œil au beurre noir débordait. Ou avoir un trou dans le crâne car on lui avait arraché une natte pour le simple refus d’obéir aux menaces, vu son caractère tenace. »
Malgré ces défis, Fayma a su puiser dans son for intérieur et dans le soutien de sa mère pour forger son identité et sa passion pour l'éloquence. Dans une interview après le concours, Fayma révéla que c'était la première fois qu'elle abordait publiquement son histoire, et que cette expérience était une étape cathartique pour elle et sa mère, présente en salle. « Je me suis dit c’est maintenant ou jamais, » avoua la Franco-Comorienne. « Même mes proches n’étaient pas au courant de cette histoire. Je me suis dit : ‘Mets toutes tes chances de ton côté. Et là, j’ai tout déballé. Et ça a servi, me semble-t-il. » Pour Jammeh Diangana, le discours était emblématique de l’esprit Eloquentia. Ce membre du jury était un participant de l’édition universitaire Eloquentia 2018 et il s’est dit soufflé par la pugnacité de Fayma Youssouf : « Elle a réussi à se mettre à nu. Une histoire vraie, très touchante, livrée sans notes, sans trembler. J’avais l’impression que, voilà, on est vraiment dans le partage. »
La gagnante Fayma Youssouf applaudie par les médaillés de bronze (Ruben Diot) et argent (Emma Wurst-Reyraud, 3ème à partir de la gauche), ainsi que deux membres du jury Bertrand Périer et Elisabeth Moréno. © Alexandre Quillard
L'évolution du concours à travers le regard des anciens participants
Selon Jammeh Diangana, le concours a considérablement évolué au fil des années, attirant un nombre croissant de participants et devenant plus exigeant. Le comédien de Nanterre (son film « Banlieues 2» est sortie la veille de la finale) insista sur l'importance du storytelling et du partage d'expériences authentiques dans les discours des participants. « Eloquentia a vraiment évolué. Ce concours a su s’adapter au mouvement et à la jeunesse à laquelle il fait honneur. Pour ma part, il a été un tremplin essentiel pour ma carrière d'acteur, démontrant que rien n'est impossible quand on croit en ses rêves. Et l’évolution de ce concours va accélérer ce type de trajectoire : il y a beaucoup plus d’exigence, on est témoin de l’éloquence pure et dure. La moitié des finalistes déclamait sans notes, des textes de huit minutes qu’ils jouaient vraiment, en interprétant d’une manière juste, en articulant avec verve. »
Le jury Eloquentia@HEC 2023. De gauche à droite, Bertrand Périer, Elisabeth Moréno, Jammeh Diangana et Fatma Chouaieb. © Alexandre Quillard
Lors de cette finale d’une grande intensité, ce n’était pas que le jury qui a été impressionné par la qualité des discours. Pour le directeur général d'HEC Paris, Eloïc Peyrache, cette soirée a démontré l'énergie « de dingue » et la passion des élèves : « C’était époustouflant et le public leur a rendu cette énergie-là de manière assez sidérante. Quand on voit ce qui s'est passé ce soir, on voit qu’il y a de beaux destins qui ont changé. Et, en même temps, on voit que ces jeunes se sont soudés et ont pris autant de plaisir, gagnants ou perdants. »
Ainsi, ce concours semble aller au-delà d'une simple compétition : il représente une véritable expérience de croissance personnelle, de partage et de solidarité entre les participants. Eloquentia@HEC 2023 a ainsi prouvé son importance en tant qu'événement phare dans le domaine de l'éloquence et de la prise de parole, offrant une plateforme à des jeunes lycéens talentueux et passionnés pour partager leurs idées, leurs convictions et leurs histoires.
Pour voir l’intégralité de la finale, cliquez sur le lien dédié.