Agilité et innovation, deux facteurs-clés de réussite pour le business en Afrique
Pour souligner une nouvelle fois son engagement à mettre en lumière le développement économique du continent africain, HEC Paris a organisé la toute première édition de l’Africa Business Day il y a quelques semaines, clôturant ainsi la deuxième édition des AfricaDays@HecParis2018.
L’Africa Business Day, co-organisé par le pôle Carrières de l’école, le MBA Africa Club et l’association HEC Africantilles, avec le soutien de la Direction Internationale, est un événement d’une demi-journée qui rassemble une douzaine d’entreprises ayant des activités en Afrique et les étudiants qui envisagent une carrière professionnelle sur le continent africain.
L’atmosphère était incontestablement optimiste lors de ce nouvel événement d'HEC destiné à encourager les participants à investir dans l’avenir économique du continent africain. Le président du MBA Africa Club, Stéphane Nuetsha, a donné le ton dès le début en déclarant : "l’événement d’aujourd’hui ne traite pas de la pauvreté, de la famine ou de la corruption en Afrique. Aujourd’hui, il s’agit de faire comprendre au monde qu’il y a plus à faire sur le continent que ce que certains pourraient penser. L’Afrique est un lieu où, par-dessus tout, on peut conjuguer affaires prospères et bien vivre".
Les statistiques ne contredisent pas les dires de Stéphane Nuetsha. L'African Business Day (ABD) est lancé dans un contexte où les chiffres montrent que le financement total de l'écosystème technologique et entrepreneurial du continent a augmenté de plus de 300% par rapport à 2017. "Nous pensons que 2018 restera une année décisive dans l'histoire de l’écosystème des start-up africaines", selon Weetracker. Le site a également relevé la hausse de 200% des transactions conclues au cours de la même période. "C'est ce qui se passe aujourd’hui", a déclaré Yinka Adegoke, rédacteur en chef de Quartz Africa, dans son premier éditorial de 2019. Il ajoute : "Alors que la richesse des écosystèmes est de plus en plus dissociée de l'État dans leurs économies locales". Les chiffres de la Banque mondiale montrent que six des dix pays ayant les croissances économiques les plus dynamiques du monde en 2018 sont en Afrique.
Productivité agricole
Aucun des intervenants à la conférence n'a toutefois minimisé les défis auxquels l'Afrique est confrontée aujourd’hui. Selon le média panafricain The Africa Report, 18 millions de nouveaux emplois doivent être créés d'ici 2035 et environ 75 milliards de dollars investis dans le secteur des infrastructures pour répondre aux demandes d'amélioration de l'efficacité des entreprises. "Nous devons relever des défis intersectoriels vitaux", a insisté Moulay Lahcen Ennahli, l’intervenant principal et invité d’honneur. Il est le vice-président Afrique de l'Ouest d'OCP (Office chérifien des phosphates), un des leaders mondiaux des exportations de phosphate. OCP est le sponsor de ce premier Africa Business Day et des AfricaDays 2018. Moulay Lahcen Ennahli a énuméré les priorités à traiter : la sécurité alimentaire, l'éducation, l’accès aux capacités de paiement et la disponibilité des matières premières.
L'ancien ingénieur a déclaré que le développement de l'agriculture dépend de la résolution de tous ces défis. "Nous utilisons un proverbe chez OCP :« Nourrir le sol pour nourrir la planète ». L’Afrique possède 60% des terres arables disponibles dans le monde. Nous devons augmenter leur productivité". Moulay Lahcen Ennahli a pris l'exemple du mil : « c'est la céréale la plus cultivée en Afrique, mais le rendement est quatre fois plus élevé en Chine ! Pour réduire la faible productivité, OCP adopte une approche globale de la chaîne de valeur des cultures dans les 16 pays où nous sommes présents. Et nous plaçons les petits exploitants au centre de notre stratégie d’intervention. Pour cela, nous avons besoin de faire collaborer toutes les parties prenantes: réseaux publics, privés et de développement. Les économistes ont constaté une croissance dans tous les secteurs : énergie, transports, infrastructures, finances, numérique - c'est pourquoi nous croyons en l'Afrique." Et se tournant ensuite vers les étudiants : "Vous êtes ici des acteurs du futur, des talents capables de tout changer et de faire la différence dans la création d'une autre histoire."
Trouver et garder le meilleur
Les cinq membres de la table-ronde qui ont été invités à débattre de la manière dont les entreprises cherchent à attirer, recruter et, surtout, conserver les talents en Afrique ont fait écho à cet appel. Animée avec aplomb par Nene Etomi, étudiante nigériane-américaine en MBA, la table-ronde comprenait des représentants d'Orange, Talent2Africa, Engie et CMA CGM. « Quand quelqu'un qui connaît et aime le continent part à l'étranger et acquiert une éducation de classe mondiale, nous avons besoin de cette personne pour qu'elle nous aide à construire une Afrique meilleure », a déclaré Nene Maïga, directrice de cabinet du directeur général d'Orange Afrique et Moyen-Orient, en s'appuyant fièrement sur ses années d'expérience sur le terrain au Mali et au Sénégal. La dynamique diplômée d'HEC Grande Ecole (2012) a su être convaincante dans son plaidoyer pour un retour en Afrique: "J'ai longtemps travaillé à la Défense et, croyez-moi, c'était beaucoup plus ennuyeux que de travailler en Afrique de l'Ouest. On innove en Afrique plus rapidement que dans n’importe quelle autre région au monde. Tout le monde a un téléphone portable par exemple", avant de préciser son propos : "le défi consiste à réduire au maximum le taux d'analphabétisme en rendant les technologies sophistiquées aussi simples et accessibles que possible. Nous avons besoin d'innovation, de compétences et de partenariats solides. Orange travaille avec des start-up, des universités et des écoles de toute l'Afrique afin d’investir à long terme dans l’avenir des téléphones portables et leur capacité à exploiter le plus simplement possible l’intelligence artificielle et les données."
Pour Elizabeth Colfer, c’est en matière de technologie financière et d’adaptabilité que l’Afrique est la plus prometteuse. La responsable du développement des talents chez Engie BU Africa a également créé des partenariats avec de jeunes entrepreneurs et des écoles de commerce pour "aller à la source et identifier de jeunes talents". "Notre méthode est centrée sur l'acculturation mutuelle", a-t-elle déclaré. "Nous remettons les clés aux gens sur le terrain en invitant des expatriés dans des missions de 3 à 5 ans pour encourager un transfert de technologie. Engie est à la recherche de personnes agiles, pragmatiques, prêtes à prendre des risques. L’Afrique est un formidable terrain d’apprentissage pour faire le travail."
Explorer les opportunités d'emploi
Le débat a été suivi par un salon de l’emploi et un cocktail networking. Les étudiants des programmes MBA, Grande Ecole et Masters d'HEC ont été accueillis dans les salles de classe du bâtiment S où une douzaine d’entreprises basées en Afrique s’étaient installées. Les secteurs d’activités représentés étaient divers et variés. Mabel Udoh, responsable mondiale du développement et de l’attraction des talents chez Puma Energy, a décrit les investissements de sa société dans 49 des 54 pays du continent : elle a répondu aux questions stimulantes des étudiants du Master SASI (Master in Sustainability and Social Innovation) d'HEC sur les questions environnementales et a prédit un excellent équilibre entre le travail et la vie personnelle aux nouveaux arrivants.
Sarah Pariser (H16), diplômée d'HEC, a quant à elle vanté les mérites d'Enko Education, un réseau d'écoles internationales dans sept pays africains, qui s'est rapidement développé depuis qu'Eric Pignot (H03) a cofondé l'entreprise en 2012. "Nous recrutons des stagiaires, des spécialistes en marketing et des diplômés du MBA qui peuvent contribuer à la croissance de notre entreprise", a-t-elle indiqué. Enko Education envisage d'ouvrir 30 écoles supplémentaires dans 20 pays africains d’ici 2024, en tirant parti des résultats qui ont permis à ses élèves d’être diplômés dans certaines des plus grandes universités du monde.
Débats animés
Plus loin dans le couloir, Abdoulaye Dicko a participé à un échange animé avec Hugues Vincent-Genod, qui travaille pour I&P sur le lancement de nouveaux fonds à impact en Afrique depuis 2013. Abdoulaye Dicko fait partie du programme de « Master en Gestion des systèmes d'information stratégiques ». Il a déjà une solide expérience en entrepreneuriat dans son pays d'origine, le Mali, après avoir exploité sa solide formation en informatique et transformation numérique pour fonder ITS Mali en 2009. "J'ai passé dix ans à développer une entreprise basée sur un système unique de suivi électronique pour les entreprises nationales de camionnage qui importent des marchandises au Mali", a-t-il expliqué. "Mais les défis de la corruption, de l’instabilité politique et de l’intervention de l’État rendaient la poursuite de la tâche extrêmement difficile." Il a poursuivi : "comment I&P répond-il à de tels défis ?" Vincent-Genod, co-auteur du manuel de l'ouvrage « Investir dans les petites entreprises africaines en croissance », explique : "Ce n’est pas toujours facile, c’est pourquoi, chez I&P, nous travaillons souvent de manière discrète. Nous collaborons très étroitement avec les entreprises, en les renforçant par le biais de consultations gratuites sur une période allant jusqu'à un an. Nous sommes également très prudents dans certains secteurs comme la construction et l’agriculture. En ce qui concerne la corruption, nous sommes intransigeants, les entreprises que nous accompagnons doivent faire preuve d'une transparence totale dans leurs transactions commerciales."
Pour Alicia Farlin-Bagosora, étudiante en première année du programme Grande Ecole, l’Africa Business Day (ABD) a été une révélation : "j’explore les possibilités de retourner dans le pays de mes parents depuis un moment maintenant", indiquait-elle lors du cocktail qui a suivi la manifestation. "Cette soirée m'a donné beaucoup de pistes à explorer. Les entreprises présentes semblent véritablement avoir des stratégies de recrutement de qualité dans des écoles comme la nôtre. J'ai vu beaucoup d'étudiants réagir positivement à leurs présentations, pas seulement pour des projets commerciaux. Par exemple, une personne espère se rendre au Congo Kinshasa pour exploiter sa formation antérieure en médecine". Imaginerait-elle faire de même avec les compétences en finance et en conseil qu'elle a pu acquérir à HEC ? "Bien sûr, pourquoi pas ? Ils demandent des jeunes diplômés avec de l’agilité et des idées, je crois que j’ai les deux."
Le salon des carrières semble déjà avoir porté ses fruits pour Stéphane Nuetsha. Le Camerounais vient de terminer son MBA en finance et stratégie. Quelques semaines après l'ABD, il a été recruté pour diriger la branche Afrique de l'Ouest de la compagnie maritime CMA CGM, basée à Ouagadougou, au Burkina Faso. Une avancée remarquable pour l’ingénieur qui s’engage, pour reprendre les termes de la devise de la société, à "transporter le futur".
Lancés en 2017 par la Direction Internationale d'HEC Paris, avec la Direction Global Initiatives et la Direction de la Communication, cette initiative, fortement soutenue par les étudiants du MBA Africa Club et de l’Association AfricAntilles du programme Grande Ecole, connait un succès certain, qui confirme un intérêt grandissant pour le continent africain.
La 3ème édition des AfricaDays prévoit plusieurs événements tout au long de l’année. Les premières dates sont déjà fixées, pour la grande conférence qui aura lieu le 2 et 3 avril 2019, et l’Africa Business Day, prévu à l’automne.