Eloquentia@HEC fait mouche au Bataclan de Paris
Eloquentia@HEC fait mouche au Bataclan de ParisPour sa sixième édition, Eloquentia@HEC a débarqué au Bataclan pour sa finale. Six lycéens, trois filles, trois garçons, sont venus avec leurs talents et leur fraîcheur pour tenter de remporter le titre de meilleur.e orateur/oratrice lycéen.ne 2024. Après le retentissant succès de l’édition 2023 à la Cigale, qui allait porter la couronne de la précédente lauréate, Fayma Youssouf ?
Dans une ambiance électrique et pleine d’émotion, le rideau s'apprête à tomber sur la scène emblématique du Bataclan ce soir du 2 octobre 2024. Six finalistes se tiennent dans les loges étroites backstage, chacun portant le poids de ses espoirs et de ses efforts accumulés tout au long d’un concours Eloquentia@HEC auquel certains se sont préparés depuis un an. C’est la sixième édition d’un programme qui leur a permis de se révéler par la parole, un véritable art au cœur de ce concours national. Avant même que la décision du jury ne tombe, une phrase légère mais prémonitoire du finaliste Martin Abikanlou résonne : « On l'a déjà dit, mais tout le monde peut être fier de soi et même si j'ai gagné, faut pas partir. Ce qui est vraiment important, c'est que nous avons tous fait réfléchir par l’éloquence que l’on a apprise, par les messages que l’on a tous transmis. »
Oui, l’ambiance en coulisses est à la fois détendue et nerveuse. Les finalistes échangent quelques mots, entre rires et encouragements, soulignant les liens qui se sont tissés tout au long de cette aventure linguistique. Joséphat Kabamba Mboma - qui finira deuxième, malgré - ou peut-être un peu grâce ? – aux larmes juste après sa prestation - revit quelques moments de sa perf’ : « Dès le début, mon daron pour la première fois, il m'a appelé fiston. Il a crié ‘C'est mon fiston !’ Ouah, c'est mon père ! Ça m’a un peu déconcentré. Mais c'est bon, j'ai commencé directement mon truc et tout s’est bien passé ». Le soutien de sa famille, tout comme pour les autres finalistes, est palpable.
Les fantômes du Bataclan
©Clément Chouleur
Juste avant l’annonce des résultats, Eloïc Peyrache, Doyen d'HEC Paris, prend la parole pour exprimer son admiration envers le parcours des jeunes. « Cette année, ils étaient 120 à participer au Summer Camp, et nous avons dû choisir 6 finalistes parmi eux. Il y a 7 ans, jamais nous n’aurions imaginé être ici, au Bataclan. Cet événement nous rappelle l’importance de la parole et de la liberté d’expression. » déclare-t-il.
Ses mots trouvent un écho avec ceux de Bertrand Périer, juriste reconnu pour sa passion pour l’art oratoire. Un des cinq membres du jury Eloquentia, il évoque la magie du Bataclan mais aussi les fantômes du passé avant d’annoncer les résultats : « On ne peut pas pénétrer dans cette salle sans penser à ce qui s’y est passé. Ici, des gens ont payé de leur vie l’obscurantisme et le fanatisme. Mais, voici que, ce soir, on nous a livré la plus belle des réponses. Et, comme les cinq éditions précédentes d’Eloquentia, ça me plonge dans le bonheur de la langue française, de l’éloquence, au sens le plus vrai, c’est-à-dire, le beau pour exprimer le juste, » dit-il avec émotion.
Une mission pour tous les jeunes
Pour Alicia Izard, Directrice Générale d'Eloquentia, la jeunesse a prouvé cette année encore qu’elle avait beaucoup à dire. « Notre mission, notre vocation, c'est de permettre à la jeunesse de prendre confiance en elle, de se révéler, de s'émanciper par la prise de parole, » explique-t-elle. « Et ça, on le fait notamment au travers du concours lycéens Eloquentia@HEC, par une formation à la rhétorique, à l'expression scénique, au Slam, à la poésie, aux techniques vocales et de respiration. » Et Alicia confie aux journalistes après le concours : « Depuis plusieurs années, nous ressentons une appétence croissante chez les jeunes pour la prise de parole. Ils ont des choses à dire, et ce concours leur permet d'exercer cette capacité dans un cadre bienveillant. Cette finale au Bataclan est un symbole fort, un lieu de tolérance et de dialogue. » Et, comme le programme dans son ensemble, cet événement est aussi symbolique d’égalité des chances : rien qu’en 2024, Eloquentia@HEC a accueilli des lycéens de 86 lycées répartis dans 12 régions et 32 départements. Presque deux-tiers des lycéens étaient boursiers ou originaires de Quartiers Prioritaires de la Ville.
La parole, un outil d'émancipation pour tous
Pour Véronique Ehrhard (H82), vice-présidente de l’association HEC Alumni, cette édition 2024 d’Eloquentia a encore une fois prouvé que la jeunesse avait des choses à dire. « L’éloquence est un outil formidable d’émancipation personnelle et professionnelle », souligne-t-elle. « Ces jeunes nous ont montré une capacité à allier technique et sincérité, ce qui est essentiel dans la société d’aujourd’hui. Le choix a été difficile, mais chaque finaliste a prouvé sa valeur », ajoute-t-elle avec fierté. Interrogée sur l’évolution du programme, Véronique partage l’ambition d’ouvrir ce concours à encore plus de jeunes : « J’aimerais voir 400 finalistes un jour. Il est crucial de continuer à offrir cette opportunité à un maximum de jeunes pour qu’ils puissent se révéler à travers la parole ».
Eloquentia@HEC, plus qu’un simple concours, est devenu un tremplin pour ces jeunes orateurs en herbe. Chacun des finalistes, qu’il ait gagné ou non, repart avec une nouvelle confiance en lui et des perspectives élargies. Comme le rappelle Hélène Bermond, en charge de l’égalité des chances à HEC : « Ce programme leur a permis de découvrir des cultures, des idées et des parcours différents, mais surtout de prendre confiance en eux, » confie aux journalistes la responsable d’HEC.
Guillaume Le Dieu de Ville, cofondateur de Lingueo et Directeur Exécutif du HEC Startup Launchpad, a également insisté sur le lien entre l’éloquence et la confiance, non seulement pour s’exprimer mais aussi pour entreprendre. Il se réjouit du talent des finalistes et insiste sur la difficulté de les départager en tant que membre du jury : « La manière de transmettre une idée est primordiale. En écoutant ces finalistes, j'ai vu des talents bruts que j’aimerais voir rejoindre notre incubateur dans quelques années. Ils ont déjà ce super pouvoir : convaincre par les mots. » S’ensuit une invitation à tous les finalistes à venir sur le campus partager leur don d’éloquence.
Le rappeur Youssef Swatt's : comme aller à Disneyland
Parmi les jurés, le rappeur belge Youssef Swatt's, vainqueur de Nouvelle École 2024, a également partagé son admiration pour les lycéens en lice. « J'ai toujours aimé les mots, et ce soir, je me suis senti comme un enfant à Disneyland en les voyant jouer avec les mots comme ils l'ont fait. Cela m'a donné envie de continuer à écrire et à me produire sur scène, » a-t-il confié. Pour lui, le concours Eloquentia@HEC est bien plus qu’un simple exercice académique, c'est une source d'inspiration pour tous.
Des mots qu’incarnent Fayma Youssouf. La lauréate de l'édition précédente et également membre du jury cette année, insiste que cette récompense lui a fait prendre énormément de confiance et de maturité : « Depuis 2023, j'ai pu participer à une soirée de mentorat pendant laquelle j'ai fait un discours devant des chefs d'entreprise, » nous confie cette élève de 1ère. « Bientôt, j'aurai l’occasion de faire un autre discours devant d’autres entrepreneurs. L'année dernière, ce concours m'a ouvert de nombreuses portes. Voir ces jeunes se révéler de la sorte sur scène, avec autant d'assurance, c'est incroyable, rien ne les empêche de faire le même. Ils peuvent être fiers d'eux. »
©Clément Chouleur
Martin Abikanlou : un triomphe mêlant humour et tendresse
Finalement, après de longues minutes de délibérations, le verdict tombe. C’est bien Martin Abikanlou, élève en terminale au lycée Bellevue à Toulouse, qui est sacré grand vainqueur. Sa performance a captivé le jury par sa sincérité et sa capacité à jongler avec l’humour et l’émotion. Pendant sa joute oratoire, il a évoqué une lettre d’amour déchirée envoyée à une certaine Louise lorsqu’il avait huit ans. Pince sans rire, dans un costard d’un autre temps, Martin a fait rire et émouvoir le public, tout en titillant le jury qui l’a réservé la troisième place dans l’ordre de la joute oratoire. « T’as vu ce que tu rates, Louise ? » a-t-il lancé, un sourire en coin, sous les applaudissements du public.
Joséphat Kabamba Mboma, qui décroche la deuxième place, a ému le public avec une prestation marquée par l’intensité et l’émotion. Élève en première au lycée Évariste Galois à Persan, Joséphat rêve de travailler dans le secteur du luxe et de décrocher un Master en marketing. Sa joute oratoire, pleine de sincérité, a su capter l’attention du public en convoquant avec force des symboles républicains comme la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » Déterminé à prouver que rien n’est impossible, il a su transformer son rêve d’enfant en une démonstration de la puissance des mots, une victoire personnelle sur ceux qui n’ont jamais cru en lui.
Mariam El Ghaouty, quant à elle, monte sur la troisième marche du podium grâce à une prestation tout aussi impressionnante. Élève en première au lycée international de Palaiseau Paris-Saclay, elle est encore incertaine sur son avenir professionnel, mais voit dans l’éloquence un outil puissant pour se révéler. Durant la finale, Mariam a exploré la thématique des émotions, les présentant comme des reflets de notre humanité profonde. Sa capacité à exprimer ses réflexions avec calme et assurance a touché le jury, tout en révélant une maturité prometteuse.
©Clément Chouleur
Mais la soirée appartient au vainqueur Martin Abikanlou et ses deux parents qui n’ont rien raté de sa prestation. Lors de son discours de remerciement, Martin, ému, prend le micro que l’on lui tend. Il confie, les mains tremblantes : « Je ne sais pas quoi dire… Merci à tout le monde, à mes parents, à mes amis qui ont cru en moi… et surtout à Louise, même si elle n’est pas là ce soir », conclut-il avec une pointe d’ironie. Pour ce jeune Toulousain, la victoire n’était pas une fin en soi mais une étape dans son parcours personnel et scolaire qui s’annoncent étincelant.