HEC et Eloquentia lancent le premier concours national d’éloquence des lycées, Eloquentia@HEC
42 élèves venus de 18 lycées français se sont réunis sur le campus d’HEC Paris pendant une semaine en ce début d’été 2018, avec comme point culminant un concours d’éloquence. L’objectif : désigner les deux meilleurs orateurs de la première édition d’Eloquentia@HEC, un concours organisé conjointement par HEC Paris et la Coopérative Indigo. C’était le point culminant d’une semaine d’immersion pédagogique dédiée à la prise de parole en public pour des lycéens venus de toute la France. Une première pour l’école de commerce, où l’égalité des chances est considérée comme une priorité. Le concours a bénéficié du soutien de la Fondation HEC.
Stéphane de Freitas est un artiste de « street art » qui voue son art à la rencontre des opposés. Cette même philosophie est au cœur de l’activité de son association, La Coopérative Indigo, l’indigo étant une couleur issue du mariage harmonieux du rouge et du bleu : « une association fondée en 2012 sans but lucratif qui souhaite innover dans la réflexion et la création de lien social, » note-t-on sur son site. De cette passion est né, à l’Université de Seine-Saint-Denis, un programme éducatif dédié à la prise de parole en public, notamment par des jeunes.
Le peintre ne s’attendait probablement pas au succès fulgurant que connaît son initiative, popularisée notamment par le long métrage « A voix haute : la force de la parole », réalisé par ses soins en 2016. « Depuis son succès sur Youtube, sur France 2 et dans les salles de cinéma, les demandes affluent, c’est ahurissant » , nous avoue Pablo Kerblat, manager des programmes lycées-collèges à La Coopérative Indigo, « on croule sous les sollicitations ». Cela explique pourquoi, près de deux ans après la sortie du film, en ce soir du 18 juillet 2018, plus de 200 personnes sont présentes dans l’amphithéâtre 206 d’HEC pour témoigner d’un nouveau chapitre de cette aventure.
Des formations HEC pour une jeunesse solidaire
Le concours attire des lycéens provenant de lycées franciliens et de la région Rhône-Alpes. Pour la première fois, ils ont participé ensemble à un concours d’éloquence qui trouvera son aboutissement fin novembre 2018, dans une joute oratoire organisée sous la coupole de l’Académie Française. « Ce soir à HEC, » glisse Bertrand Périer, chargé d’enseignement à HEC, avocat et membre du jury, « nous avons été les témoins privilégiés d’une rencontre de deux mondes que l’on aurait pu considérer comme étanches, mais qui en réalité se trouvent à dialoguer dans un échange fructueux et fécond. »
Bertrand Périer est un adepte de ces formes d’exercice, se définissant comme « un accoucheur de mots, parfois aux forceps, mais le bébé est toujours beau. » Dès les débuts d’Eloquentia, Stéphane De Freitas l’associe aux séances d’art oratoire. « Nous franchissons une étape grâce à cette semaine passée à HEC, » poursuit Bertrand Périer. « Ces jeunes nous ont amené une vraie fraîcheur, de la spontanéité et de la joie. Leurs messages pendant ce concours ont été puissants, qu’il s’agisse du vivre ensemble, de la douleur de l’amour, de la liberté d’expression, du bonheur ou de tous les autres sujets choisis ce soir. Ils se sont approprié cet amphithéâtre avec leur slam, leurs chants, leurs discours – ils ont posé leurs tripes dans le 206 ! » La passion et la vivacité de ce natif de Clamart ont été une constante depuis le démarrage d’Eloquentia il y a six ans (comme le témoigne son effet catalyseur dans « A voix haute »). Au-delà des techniques de la joute oratoire, des lycéens issus de milieux radicalement différents ont appris la vie de groupe autour du goût pour les mots. Tous vainqueurs de concours dans leurs lycées respectifs, les 42 élèves ont connu une semaine d’immersion pédagogique (notamment des ateliers dédiés à la prise de parole) animée par HEC. La semaine s’est achevée par des rounds éliminatoires pour accéder à la finale. «Tout le monde s’est donné à fond, » raconte Hélène Bermond, déléguée à l’Egalité des chances à HEC. « C’était extrêmement difficile de les départager tant le niveau général était haut. Ce que j’ai apprécié, c’était cette alchimie au sein du groupe, l’esprit d’entraide, de solidarité qui allait au-delà de la compétition. »
Le vivre ensemble et les plaies d’amour
Les huit finalistes présents ce soir-là à HEC dans l’amphithéâtre ont eu une dizaine de minutes pour convaincre le public et les six membres du jury de leur sincérité comme de leur maîtrise des mots. « Où es-tu, liberté, » questionne Ambre Dujeu, « tes belles ailes ne sont-elles pas trop lourdes ? » Abdramane Camara cite Rousseau pour réfuter l’idée que le vivre ensemble est une utopie, et il pense même en avoir trouvé un exemple sur le campus d’HEC. Quand à Esther Lentza Joseph, venue de Sarcelles, elle convainc avec verve le postulat que la liberté d’expression est à l’épreuve des balles : « chez moi, seul le mot liberté est synonyme de cauchemar. Mais elle ne doit pas avoir de limites et je la prends dans mes bras, » conclut-elle dans un monologue passionné, et sans notes. « Notre mission, » s’enthousiasme Camille Mognetti, défendant l’idée que les plaies d’amour sont mortelles, « est de trouver, vivre et distribuer l’amour, il faut agir ! » Tandis qu’Eunice Assamoi se lance pour sa part dans un gospel chanté à pleins poumons avant d’affirmer que le bonheur est un choix : « j’ai décidé de m’accepter telle que je suis : noire et handicapée. Pour moi, conclut l’élève du lycée Suger à Saint-Denis, « le plus grand handicap c’est de renoncer au bonheur. »
Etaient présents dans cette exercice de plaidoyers Clément Madoré, Solenn Laurent et Marion Deschartres. Mais le choix des membres du jury s’est finalement fixé sur Camille et Eunice, qui représenteront les lycées nationaux dans la finale prévue au mois de novembre. Elles rejoindront six étudiants, lauréats des sélections universitaires, lors d’un concours final dans quatre mois, qui sera peut-être sous la coupole de l’Académie Française pour la deuxième année consécutive. « Ces lycéens ont la même volonté de faire passer un message, de dire une personnalité, d’exprimer une révolte ou une conviction, » martèle Bertrand Périer. « Ils partagent aussi la diversité de formes par lesquelles ils communiquent, que ce soit le stand-up, le slam, les déclamations oratoires ou le théâtre. Certes, il leur manque encore parfois un peu de maturité ou l’art de la nuance. C’est un peu brut mais tout est en germe, et ils apprennent avec une rapidité éblouissante. »
HEC Paris promet d’amplifier le nombre de lycéens en 2019
« Regardez, mes mains tremblent encore, » dit Ibrahim Bechrouri, ancien finaliste du concours, enseignant à l’Université Paris 8, chercheur doctorant à Columbia University, et membre du jury, « elles tremblent parce que vos paroles m’ont touché, au plus profond de moi. Cette jeunesse nous a montré qu’elle est résolue, intègre, et courageuse. Je vous ne le cache pas : j’ai passé une des meilleures soirées de ma vie ! »
Une soirée qui n’a pas non plus laissé indifférent Eloïc Peyrache, directeur délégué de l’Ecole HEC : le spécialiste des enjeux de la transmission d’information sur le marché du travail a annoncé à la fin de la soirée que l’édition 2019 d’Eloquentia@HEC verra le nombre de lycéens participants à cette semaine s’amplifier considérablement.. « C’est un véritable cadeau que nous fait HEC », avoue Bertrand Périer après coup. « Cette école avait déjà une belle tradition oratoire . Ce programme permet de construire des passerelles et ainsi banaliser les différences entre ces deux mondes. Mais aussi d’approfondir et de catalyser des talents naissants. » Un projet qui consolide ainsi les propres liens entre ce passionné des mots et HEC Paris, des liens qui remontent à 1997 lorsqu’il a reçu un diplôme de la Grande Ecole, avant de devenir avocat au Conseil d’Etat. Et un projet où, selon Hélène Bermond, le vivre-ensemble n’est pas une utopie. Au contraire, guidées par HEC et Eloquentia, des joutes mêlant éloquence, théâtre, slam, plaidoyers et discours peuvent faire naitre une belle solidarité au-delà des différences.