La fabrique des start-up
Le cinquième et dernier ouvrage du directeur du MSc Médias, Art et Création (MAC), Thomas Paris, co-écrit avec Jean-François Caillard, plonge le lecteur dans les différentes composantes de l’économie entrepreneuriale et lui offre les clés pour maîtriser et faire croître la valeur des nouvelles structures de l’économie.
Tout a commencé il y a un an. Jean-François Caillard propose à Thomas Paris, un ancien camarade de promotion de l’Ecole polytechnique, d’écrire un ouvrage sur les dessous de la stratégie entrepreneuriale à l’ère de la croissance exponentielle des start-up. Comment, se demande cet investisseur et administrateur de plusieurs start-up de référence, faire comprendre les coutumes et les codes de ce nouvel environnement ? Comment créer les bonnes pratiques nécessaires pour stabiliser et faire croître une start-up ? Quels secrets peuvent nous livrer les succès des « licornes », mais aussi celui des GAFAM ou des BATX ? Par quels moyens éviter ce qu’ils nomment « un darwinisme d’une vitesse stupéfiante » ? Selon les auteurs de La Fabrique des start-up, la moitié des 500 plus grandes entreprises mondiales pourrait disparaître du classement d’ici 2028. Et enfin, quelles leçons les industries créatives peuvent-elles donner aux start-up pour les rendre pérennes et industrialisables ?
Pour Thomas Paris, professeur affilié à HEC Paris, ces questions ne sont pas nouvelles. En 2011 déjà, il contribuait à l’ouvrage Innovation et création d’entreprise – De l’idée à l’organisation, dans lequel il écrit un chapitre intitulé Comment les start-up apprennent-elles ? Et depuis 15 ans, ce chercheur au CNRS organise des séminaires mensuels sur le développement d’entreprises comme Pixar, ou la recette du succès d’entrepreneurs créatifs comme Jean Nouvel.
« Le processus d’industrialisation de l’entrepreneuriat s’est accéléré, surtout ici en France, et il me semblait utile de décortiquer la chaîne de valeur pour proposer des sources d’inspiration concrètes à l’intention des nouveaux startuppeurs » explique-t-il, lors d’un long entretien qu’il nous a accordé.
Start-up et création : même combat
Depuis 2013, Thomas Paris dirige le master Médias, Art & Création (MAC) à HEC dans lequel le management et la création sont au cœur de son enseignement. « La start-up et les industries créatives ont une même caractéristique : on n’a aucune garantie sur ce que sera le résultat, si cela fonctionnera ou pas. Les outils qui émergent dans l’écosystème de la création d’entreprise sont très similaires à ceux qui structurent les industries créatives. Regardons, par exemple, le start-up studio. À son origine, il y a une personnalité qui a réussi dans la création d’entreprise et qui a de nombreuses idées qu’elle est incapable d’opérer seule. Elle se dote donc d’une équipe pour « démultiplier » sa capacité créative. C’est la même logique que l’on retrouve dans les entreprises de création. Le créateur apporte ses idées et son savoir-faire, et accompagne le développement des projets. » Thomas Paris cite l’exemple de l’éditeur qui apporte son regard pointu sur la sélection de projets d’œuvres (dans le domaine de la musique ou des jeux vidéo par exemple), tout en ajoutant l’intuition ou la conviction qui l’ont propulsé sur la route du succès initial.
La Fabrique des start-up foisonne d’exemples tirés d’industries de la création comme le luxe, la musique, les jeux vidéo, la gastronomie ou l’architecture. Thomas Paris évoque un exemple français : « Prenons le Bureau des Légendes (NDLR, une série télévisée française à grand succès, diffusée sur Canal+). Jusqu’ici, le créateur français gardait la main sur l’ensemble du processus – l’écriture, la réalisation, le montage, etc. Mais dans le cas du Bureau des Légendes, il fallait démultiplier sa capacité de création pour faire non pas une fiction de 90 minutes, mais une dizaine d’heures par an. Le réalisateur, Éric Rochant, a dû résister à la tradition française qui veut que le créateur soit démiurge, ce qui est culturellement très difficile. Dans ce cas, il accepte d’abandonner une part du travail en étant le garant d’une vision d’ensemble. Il s’appuie sur les autres pour l’écriture, tout en conservant la validation. Il est très présent pour le choix d’acteurs dans le casting, mais délègue la réalisation à de bons techniciens. » Thomas Paris poursuit : « Et ce n’est pas fini. Même si le créateur accepte la culture de la division du travail, l’écosystème doit suivre. La chaîne de télévision est productrice et doit lâcher du lest par rapport au créateur pour aller plus vite. Elle doit s’engager sur 2-3 saisons avant de voir le résultat de la première saison. Le Bureau des Légendes repose ainsi sur une organisation plus « industrielle », sans connotation péjorative, au contraire. »
Eviter les écueils
Cette forme de vision à long terme a été comprise depuis longtemps aux Etats-Unis, insiste l’auteur : « Les Américains ont admis que l’abondance est une forme de nécessité. Lorsqu’ils développent une série, ils en ont déjà testé des dizaines auparavant. La plupart sont des pilotes qui terminent leur vie à la poubelle, ce que l’on ne sait pas faire en France. »
Dans leur ouvrage, Thomas Paris et son co-auteur Jean-François Caillard ne promettent pas une boîte à outils pour leurs lecteurs. « Pas plus que je ne la fournis à mes étudiants dans le mastère MAC, » poursuit le directeur du diplôme. « Car je dois leur faire sentir ce qu’est la création, ses caractéristiques propres, pour les encourager à devenir des managers intelligents. Je commence par déconstruire leurs idées sur la demande, qui n’existe pas dans la création. Ensuite, je les aide à prendre conscience de ce qu’est le management de la création, quels sont les écueils qu’il faut éviter quand on met en place l’organisation de la création. »
Certains diplômés du MSc MAC que dirige Thomas Paris, et non les moindres, semblent avoir intégré les conseils qu’on peut retrouver dans La Fabrique des start-up. Martin Duplantier (architecte), François Bodson (directeur de studio Ubisoft) et Pierre Ziemniak (scénariste, ancien producteur pour le Bureau des légendes) figurent parmi la longue liste de diplômés du master Médias, Art & Création d'HEC qui ont pris conscience de ce délicat équilibre entre création et management, dans des carrières aussi variées que remarquables.
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