Le CDL-Paris en quête de start-up technologiques
Au mois d'avril dernier, HEC Paris a lancé une campagne de recrutement de 25 entreprises travaillant sur le thème du climat : elles rejoindront le Creative Destruction Lab (CDL-Paris), récemment lancé. D’une durée de huit mois, ce programme destiné aux entreprises scientifiques et technologiques en phase de démarrage s'organise autour de cinq sessions à objectifs, conçues pour optimiser les performances de ces leaders technologiques, grâce à des interactions avec des entrepreneurs expérimentés. CDL-Paris permet ainsi à HEC Paris de devenir le septième établissement d’enseignement à rejoindre le réseau du Creative Destruction Lab, fondé à la Rotman School of Management de l'Université de Toronto.
© Creative Destruction Lab
Que peuvent avoir en commun Backrub (connu plus tard sous le nom de Google), et Arm plc ? Ces deux entreprises technologiques sont nées dans des laboratoires de recherche universitaires, la première à l'université de Stanford, la seconde à Cambridge. Ces succès phénoménaux ont convaincu l'équipe du Creative Destruction Lab (CDL) de l’étendue du potentiel encore à découvrir au sein des universités. Organisation canadienne à but non lucratif, le CDL s’attache depuis plus de 8 ans à tirer parti de l'énorme potentiel des meilleures universités mondiales, en s’unissant à des ingénieurs et des scientifiques spécialisés dans les technologies de pointe. Les universitaires auraient en effet un horizon beaucoup plus vaste pour développer des technologies, 20 à 30 ans, tandis que les investisseurs font des projets à 10 ans, au maximum. La combinaison de ces deux visions a fait du CDL le meilleur programme d'entrepreneuriat du monde universitaire ces dix dernières années.
L'idée a germé dès 2012, lorsqu’Ajay Agrawal, professeur à l'université Rotman, a tenté de répondre à une question fondamentale : pourquoi est-il plus difficile de monter des start-up en dehors de la Silicon Valley ? La réponse qui revenait sans cesse ? La présence trop peu fréquente, sur le marché, d’une capacité d’analyse entrepreneuriale de qualité. « Les ingénieurs ont une grande expertise dans le domaine technique, mais ils manquent de capacité d’analyse entrepreneuriale », explique le fondateur du CDL. « Ils sont régulièrement confrontés à des listes de centaines de choses à faire pour développer leur entreprise mais ne peuvent pas toutes les réaliser, et doivent donc faire des choix. Le "judgment" est la capacité à établir des priorités dans cette liste ».
Près de 5,9 milliards de dollars en valeur
Huit ans plus tard, les différentes implantations du CDL ont permis l’émergence de solutions au succès incontestable. « Je voulais voir ça de mes propres yeux, alors je suis allé assister à la cinquième et dernière phase, à Toronto », rappelle Thomas Åstebro, directeur académique du CDL-Paris. « C'est là que les entrepreneurs de tous les sites partenaires se réunissent en juin, chaque année. C'est la dernière ligne droite et j'ai pu voir un accélérateur fonctionnant avec une vitesse, une intensité et une qualité totalement différentes de ce que nous connaissons en Europe. Le programme m'a vraiment entraîné, j’ai complètement mordu à l’hameçon. »
Les succès du CDL parlent d'eux-mêmes. L'organisation a contribué à la mise sur le marché réussie d'entreprises scientifiques et technologiques de pointe, qui ont créé au total près de 5,9 milliards de dollars en valeur, et environ 1800 emplois. Plus de 1500 chefs d'entreprise venant de plus de 30 pays ont jusqu'à présent participé aux programmes du CDL, et l’ascension fulgurante d'entreprises comme Energy X, Favor, North et Roadbotics témoigne de leur réussite. Un véritable exploit, après toutes ces années où placer monde universitaire et entrepreneuriat dans la même phrase faisait le même effet qu’un mélange d'huile et d'eau. Un rapport du MIT a montré que moins d’1% des recherches universitaires ont été converties en entreprises viables, ce qui a suffi à persuader Ajay Agrawal d’explorer de nouvelles voies pour transformer ces millions de dollars de potentiel économique non réalisé en entreprises qui réussissent.
Focus sur le climat
L'équation nouvelle proposée par le CDL s’appuie sur cinq sprints de huit semaines visant à transformer les start-up de haute technologie en entreprises finançables et évolutives. Cela est rendu possible grâce au mentorat de grands entrepreneurs, aux conseils pratiques de chercheurs et d'économistes de renommée mondiale, aux avis de quelques-uns des meilleurs étudiants mondiaux et à un accès unique à des business angels et à des sociétés de capital-risque pour lever des capitaux. Cette alchimie particulière se crée au fil de cinq sessions intenses d'une journée, suivies de sprints décisifs.
Chaque école ou université engagée dans le CDL s’intéresse à une région du monde en particulier. Le champ d’action du CDL-Paris s’étend à l'Europe continentale et à l'Afrique. Au moment où le Brexit complexifie le champ d’action géographique de l'université d'Oxford (qui gère l'autre programme CDL en Europe), HEC semble pour sa part être dans une position idéale pour permettre au CDL de s’installer rapidement dans les communautés business du continent européen. « Nous bénéficions actuellement d’excellents résultats dans les classements mondiaux, qui nous permettent d’attirer les meilleurs candidats et mentors pour le programme », ajoute Thomas Åstebro. « A cause de la crise sanitaire, l'économie mondiale et ses chaînes d'approvisionnement vont subir un choc énorme. Le CDL-Paris a un rôle important à jouer dans la construction de formes d'entreprises nouvelles et alternatives, notamment pour ce qui concerne le climat et les autres questions environnementales. »
Gravir des montagnes
La première promotion se concentrera en effet sur les défis posés par la transition d'une économie polluante à une économie plus propre. « Nous recherchons des entrepreneurs ayant des compétences technologiques approfondies, et qui peuvent transformer l'économie », poursuit Thomas Åstebro. « Les start-up qui partagent la philosophie d'HEC seront sélectionnées d'ici à la fin du mois d'août, et la liste de ces participants à haut potentiel sera annoncée un mois plus tard. »
La première session démarrera le 27 octobre prochain, à Paris. Sofia Hmich est convaincue qu'elle pourra s’appuyer sur la longue tradition française en matière de recherche scientifique, reconnue mondialement. La fondatrice de Future Positive Capital est une des pionnières du programme CDL-Paris : « le CDL offre ce dont les entreprises à vocation scientifique ont vraiment besoin : des conseils concrets et fondés sur l'expérience pour accélérer leur entrée sur le marché ». Pour parvenir jusqu’à la finale prévue à Toronto au mois de juin 2021, les 25 entreprises devront gravir des montagnes au cours de chacun des quatre sprints. « Après chaque session, ils repartent pendant huit semaines, et doivent revenir avec de solides améliorations », précise Thomas Åstebro. « Les 25 start-up sélectionnées seront accompagnées par les meilleurs étudiants d'HEC Paris, dont l’implication dans le programme fait partie intégrante de leur cursus de MBA. Pour eux, il s'agit d'une expérience forte et particulièrement enrichissante, qui leur permet d’interagir avec des innovateurs d’avant-garde, de proposer leurs idées et de voir ensuite certaines d’entre elles donner naissance à des améliorations concrètes. »
Le programme dispose d'un budget opérationnel d’un million et demi d'euros. Après une première édition consacrée au climat, ses directeurs envisagent de consacrer l’édition 2021 à la santé ou à la sécurité.
Lire aussi :
- « Creative Destruction Lab : le programme d’amorçage s’implante à Paris » (communiqué de presse – nov. 2019)
- « Le Creative Destruction Lab d'HEC Paris lance le CDL Climate » (communiqué de presse – juin 2020)