Les Français plébiscitent la réduction des dépenses publiques dans un contexte budgétaire sous haute tension
Les Français plébiscitent la réduction des dépenses publiques dans un contexte budgétaire sous haute tensionC’est la question des finances publiques qui aura provoqué la chute du gouvernement Barnier le 4 décembre 2024, suite à un vote de censure par l’Assemblée nationale, en réaction au 49.3 pour faire adopter sans vote le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette question des dépenses publiques et des choix budgétaires pour réduire le déficit de la France, sous le regard des agences de notation internationales et de la Commission européenne, est au centre de la dernière livraison du Baromètre des Décideurs HEC Paris - Viavoice pour BFM Business et L’Express publié le 26 novembre 2024.
Moins de dépenses publiques pour moins d’impôts
Pour la première fois depuis des années, le baromètre des décideurs de novembre met en lumière un basculement significatif de l’opinion française en faveur d’une réduction des dépenses publiques. À la question « Pour réaliser un total de 60 milliards d’économies sur l’année 2025, diriez-vous qu’il faudrait davantage réduire les dépenses publiques ou davantage augmenter les prélèvements obligatoires ? », 53 % des répondants du grand public et 50 % des décideurs privilégient la réduction des dépenses publiques, tandis que seuls 13 % des Français et 15 % des décideurs préfèrent une augmentation des prélèvements (p.18).
Ce résultat s’inscrit dans un contexte économique et budgétaire tendu. En 2023, le taux de dépenses publiques en France atteignait 57 % du PIB, tandis que le taux de prélèvements obligatoires représentait 43 %. L’objectif initial du gouvernement Barnier – à travers le projet de loi de finances (budget de l'Etat) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (budget de la Sécu) était de ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025, un défi crucial alors que la France est sous surveillance renforcée de Bruxelles pour son déficit excessif. Cependant, les prévisions budgétaires ont été revues : au lieu des 4,4 % de déficit anticipés pour 2024, il devrait atteindre 6,1 %, en grande partie à cause de recettes fiscales bien inférieures aux attentes.
Plus de libéralisme ou moins d’Etat ?
Selon François Miquet-Marty et Adrien Broche de Viavoice, il ne faut pas y voir une soudaine appétence des Français pour "une irrépressible culture libérale" mais trois phénomènes se conjuguent selon eux:
- L’ampleur de la dette publique, sur laquelle le Premier ministre Michel Barnier a insisté et à partir de laquelle il a bâti son discours de politique générale ;
- Le niveau atteint par les prélèvements, après une longue période d’inflation, apparaît de moins en moins soutenable et leur éventuelle augmentation bien souvent inacceptable ;
- La qualité et la performance des services publics laisse volontiers à désirer aux yeux des citoyens.
Faut-il y voir en revanche une tendance vers moins d'Etat, dans le sillage de la nomination par le Président élu des Etats-Unis Donald Trump, d'Elon Musk au poste de Ministre de l'efficacité gouvernementale" (‘Department of Government Efficiency) avec pour mission de "démanteler la bureaucratie" américaine ?
Le message de félicitation du ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, à Elon Musk pour son projet de réduire l'État fédéral à son minimum avait en tous cas soulevé un tollé politique.
Des mesures budgétaires jugées inéquitables par une majorité de Français
Malgré cette préférence marquée pour la réduction des dépenses, les propositions budgétaires du gouvernement Barnier pour réduire le déficit public sont majoritairement perçues comme inéquitables du point de vue des revenus et quant à leur impact sur le niveau de vie.
76 % des décideurs et 75 % des Français estiment que les ajustements prévus sont « inéquitables » et ne respectent pas une juste répartition des efforts (p.17).
En parallèle, face à des mesures budgétaires visant à baisser les dépenses publiques dans certains secteurs et augmenter de manière ciblée le niveau des prélèvements obligatoires, les Français se considèrent majoritairement « plutôt perdants » (69 % des décideurs et 61 % du grand public) face à ces politiques (p. 16).
Un moral économique des décideurs au plus bas
Ce climat budgétaire tendu dans un contexte de crise politique depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin par le Président de la République Emmanuel Macron s’inscrit dans un contexte économique particulièrement morose. Le moral des décideurs, est en chute (ndlr : un nouveau mode de calcul de cet indice rend toutefois la comparaison limitée).
À titre d’exemple, 77 % des décideurs et 76 % des Français anticipent une dégradation de leur niveau de vie au cours des douze prochains mois, tandis que 56 % des décideurs jugent que leur situation financière personnelle va se détériorer.
En conclusion, le Baromètre des Décideurs met en lumière un paradoxe : une volonté collective de réforme budgétaire face à une dette perçue comme préoccupante, mais une défiance persistante envers les mesures concrètes mises en œuvre. Dans ce contexte, rétablir la confiance et garantir l’équité des efforts resteront des défis majeurs pour les décideurs politiques à l’aube de l’année 2025.
Consultez l'intégralité des résultats du Baromètre de décideurs de novembre 2024
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