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"Qu'est-ce qui cloche dans cette offre d'emploi ?" HEC Paris challenge ses étudiants sur les pratiques de recrutement équitable

Avec ce nouveau challenge de deux jours mené par Charles Autheman, expert en affaires et droits de l'homme et enseignant à HEC Paris, les étudiants de M1 qui viennent d'entamer leur deuxième année sur le campus sont initiés à des questions majeures en matière de gestion stratégique, de ressources humaines, de droit international et d'éthique. Les 1er et 2 septembre 2023, devant des professionnels de trois multinationales françaises, une cohorte de 40 étudiants a été confrontée à l'un des défis contemporains les plus pressants en matière d'économie et de droits humains : les pratiques de recrutement déloyales.

Charles Autheman and his class for the HEC Challenge about Business and Human Rights

© Frédéric Voirin

 

Auteur/Author of this article: Frédéric Voirin

"Les étudiants d'HEC ont désormais la possibilité de se plonger dans certains des défis les plus pressants en matière de droits humains et de législation du travail et de discuter de la manière de concilier les impératifs commerciaux et le respect des droits fondamentaux au travail". Avec ces mots, Charles Autheman, conférencier à HEC et consultant pour l'organisation internationale du travail, résume son nouveau cours autour du Business et des droits humains, intitulé "is this something wrong with this job opportunity?" (y a-t-il quelque chose qui cloche avec cette offre d'emploi ?), qui vise à sensibiliser les étudiants d'HEC au recrutement équitable.

 

Les objectifs de cette session de sensibilisation de deux jours sont d'aider les étudiants à se familiariser avec la migration de la main-d'œuvre, de mieux comprendre les questions liées au recrutement et d'être en mesure d'identifier collectivement comment les entreprises peuvent participer activement à la garantie d'un recrutement équitable des travailleurs, en particulier des travailleurs migrants.

Après avoir lancé le programme HEC imagine en 2022, en utilisant la paix comme moteur de transformation des entreprises et visant à soutenir les étudiants des pays déchirés par la guerre, HEC Paris continue de revisiter les pratiques commerciales avec ce défi de deux jours à la rentrée. Les étudiants d'HEC sont invités à penser le recrutement différemment, en mettant l'accent sur les vulnérabilités des travailleurs migrants et l'expertise qualitative de professionnels des ressources humaines.

Un challenge de 2 jours pour penser le business différemment

Une cohorte très internationale de 40 étudiants M1 (deuxième année) d'HEC a participé à cette activité, programmée dès leurs premiers jours sur le campus et avant qu'ils ne commencent officiellement les cours pour leur nouvelle année académique. Cette activité a pour but de les aider à travailler sur des situations commerciales concrètes mais aussi à s'engager dans un travail d'équipe, certains étudiants arrivant pour la première fois à l'école tandis que d'autres reviennent après une première année sur le campus.  

La première question posée aux étudiants était de savoir qui s'identifiait comme "migrant". Bien que de nombreux étudiants soient originaires d'autres pays que la France (Espagne, Italie, Maroc, Liban, Côte d'Ivoire, Guinée ou Chine), aucun d'entre eux ne s'est identifié comme "migrant". Il s'en est suivi une discussion passionnée sur la migration, les déplacements forcés et volontaires, et les principales caractéristiques de la migration de travail.

Charles Autheman a détaillé certaines des spécificités pédagogiques de son nouveau cours à HEC Paris. "Nous examinons avec les étudiants les questions de mobilité : comment les travailleurs migrent à travers le monde, comment ils sont recrutés dans leur pays d'origine pour travailler dans un pays de destination". L'expert du "Business and Human Rights" a clarifié les concepts avec des explications simples mais directes : "Le recrutement des travailleurs migrants peut très bien fonctionner, c'est ce que nous appelons le recrutement équitable, mais il peut aussi se faire de manière déloyale, ce qui peut conduire à des abus en matière de travail. Nous essayons donc de comprendre l'ensemble du processus et ce que les entreprises peuvent faire pour éviter et remédier à ces situations injustes pour les travailleurs (migrants)".

Selon Charles Autheman, l'introduction de ces questions relatives aux entreprises et aux droits de l'homme dans l'enseignement de la gestion est plutôt nouvelle : "de nombreuses initiatives sont prises dans les entreprises pour lutter contre les abus sur le lieu de travail, mais il est plutôt rare de voir des actions pédagogiques comme ce défi au sein des écoles de commerce. Nous devons (ré)éduquer les futurs professionnels de l'entreprise, et c'est une grande chance d'avoir des populations étudiantes aussi diversifiées à HEC pour le faire !"

"Beaucoup d'entre nous sont en fait des migrants"

 

 

Une nouvelle approche axée sur les vulnérabilités des travailleurs migrants

Charles Autheman a coanimé ce challenge inédit avec Lucy Siers, assistante de recherche au NYU Stern Center for Business and Human Rights, en utilisant une ressource pédagogique qu'il a conçue avec des professeurs d'autres écoles de commerce dans le cadre d'un partenariat entre l'Organisation internationale du travail (OIT) et la communauté des écoles de commerce.


Il a également accueilli plusieurs professionnels des ressources humaines et du droit du travail pour aider les étudiants à appréhender les concepts clés. Eliza Marks de l'organisation internationale du travail s'est jointe à eux à distance pour informer les étudiants des principales tendances liées à la migration de la main-d'œuvre et à la vulnérabilité accrue des travailleurs migrants face au travail forcé. Les étudiants ont ainsi participé à un exercice visant à identifier les indicateurs du travail forcé, en repérant correctement des situations telles que la tromperie, la servitude pour dettes ou la rétention de documents d'identité.

Les conférenciers ont informé les étudiants sur le nombre croissant de victimes du travail forcé et ont partagé les données des dernières estimations en la matière. Selon l'Organisation internationale du travail, près de 30 millions de personnes sont prises au piège du travail forcé dans le monde. La majorité de ces victimes se trouve dans le secteur privé (voir graphiques ci-dessous) et les travailleurs migrants courent trois fois plus de risques que les travailleurs non migrants de se retrouver dans une situation de travail forcé.

Statistics of the International Labour Organization

Statistics of the International Labour Organization (2021)

 

“Près de 30 millions de personnes sont prisonnières du travail forcé dans le monde actuellement”

 

Le recrutement déloyal et le paiement de frais de recrutement ou de coûts associés peuvent conduire à ces situations dramatiques de travail forcé. Pour illustrer ce que peut coûter à un travailleur migrant l'obtention d'un emploi, Charles Autheman montre le reçu d'une agence de placement privée qui aide les gens à se faire recruter moyennant le paiement de frais de recrutement. Le conférencier explique que "de nombreuses personnes émigrent pour fuir la pauvreté et doivent souvent emprunter de l'argent pour accéder à un emploi. Certains travailleurs se retrouvent dans un cercle vicieux de servitude pour dettes". Pour illustrer cette situation, il montre des rapports récents sur la servitude pour dettes des travailleurs philippins ou sur la façon dont des étudiants malaisiens sont victimes de la traite des êtres humains à des fins d'exploitation de leur travail.

Ces exemples permettent aux élèves de comprendre que le travail forcé peut prendre différentes formes. Les victimes sont souvent piégées dans des emplois peu rémunérés qu'elles ne peuvent quitter parce qu'elles ont été manipulées pour s'endetter ou qu'on leur a confisqué leurs documents d'identité. La pauvreté, l'analphabétisme, la discrimination et la migration sont quelques-uns des facteurs qui rendent les travailleurs plus vulnérables au travail forcé.

Des solutions concrètes proposées par les étudiants et challengées par des experts d'entreprises

Dans le cadre de ce challenge, les étudiants explorent les subtilités des pratiques de recrutement en mettant l'accent sur les vulnérabilités des travailleurs migrants. Parallèlement aux cours magistraux et aux discussions en classe, ils sont répartis en groupes de six pour travailler en équipe et concevoir des stratégies concrètes auxquelles les entreprises peuvent adhérer pour prévenir, atténuer ou remédier aux pratiques de recrutement déloyales.

Ainsi, trois invités, qui ont été confrontés à des défis spécifiques au sein de leurs entreprises respectives, partagent avec les étudiants les scénarios réels qu'ils et elles ont rencontrés ou sont encore actuellement confrontés. Le deuxième jour, les étudiants sont invités à résoudre ces défis et à présenter leurs recommandations spécifiques, basées sur les nouvelles connaissances acquises pendant ce cours.

À la fin du défi, le jury d'experts invités siège et discute des pitchs soumis par les étudiants sur chaque cas d'entreprise. Cette année le jury était composé de Henriette Mc Cool, Social Innovation & Human Rights Manager chez Vinci, Karima Cherifi, HR and internal communication VP for Americas, Middle East and Africa chez Nexans (assistée à distance par sa collègue Nervana Taha, HR and administration director for Nexans in the GCC), et Mathias Brachet, Human Rights Project Manager chez Schneider Electric.

Selon Charles Autheman, "la partie la plus amusante de cette activité était que les étudiants devaient résoudre des situations commerciales concrètes (liées au recrutement de travailleurs migrants) auxquelles les conférenciers invités avaient été confrontés. Ils ont ensuite dû présenter leurs solutions aux conférenciers et ont finalement appris ce qui s'était réellement passé dans chaque entreprise".

 

“Les étudiants doivent résoudre des cas pratiques concrets en rapport avec le recrutement de travailleurs migrants”

 

Les trois experts invités traitent régulièrement des questions liées aux travailleurs migrants et au recrutement et tentent de relever les défis auxquels leurs entreprises sont confrontées. Plus précisément, les défis portaient sur la refonte des relations avec les agences de recrutement pour les activités de Vinci au Qatar, la mise en place de comités mixtes entre employeurs et travailleurs chez Nexans et l'élaboration d'orientations internes sur le recrutement de travailleurs migrants pour le personnel des ressources humaines de Schneider Electric.

Charles Autheman and his class for the HEC Challenge about Business and Human Rights

 

Pour conclure ce challenge de deux jours, les conférenciers et les experts invités ont donné des conseils aux participants. Tous ont rappelé aux étudiants de ne pas oublier que derrière les chiffres se cachent des vies réelles, celles des travailleurs, de leurs familles et de leurs communautés. Les professionnels ont également souligné que certaines solutions sont très simples et ne nécessitent pas nécessairement des applications technologiques sophistiquées ou des développements coûteux. Ces solutions simples sont autant une réponse pratique à la réalité qu'une nécessité, étant donné que de nombreux professionnels des droits humains au sein des multinationales travaillent au sein de petites équipes avec un budget limité.

Charles Autheman conclut le cours par un dernier conseil : "Méfiez-vous des solutions simples. Gérez vos émotions. Remettez en question le statu quo. Entrez en contact avec vos pairs. Formez-vous et formez les autres."

“Méfiez-vous des solutions simples”

Avec les retours positifs des étudiants et leurs grands sourires en sortant de la salle de cours, ce défi illustre ce que Charles Autheman avait dit quelques mois plus tôt, lors du sommet 2023 ChangeNow : "HEC construit des ponts entre les programmes engagés et ses cours". Ce nouveau challenge permet en effet de sensibiliser les étudiants aux problèmes urgents du monde du travail et de leur donner des outils concrets pour prendre des décisions professionnelles. L'avenir nous dira comment les étudiants et étudiantes mettront en œuvre ce qu'ils et elles ont appris et, espérons-le, participeront à faire de la migration de la main-d'œuvre une force positive pour les entreprises et les travailleurs du monde entier.