Reed Hastings partage sa vision de l’aventure Netflix
22 ans après l’avoir cofondé, Reed Hastings a dévoilé aux étudiants et collaborateurs d'HEC les ingrédients de la réussite mondiale de Netflix, et les défis à venir. La soirée a attiré un public nombreux et enthousiaste à l’idée de découvrir l’histoire de cet empire du streaming, qui a transformé l'industrie des médias.
Reed Hastings avait déjà décrit sa décision de créer Netflix comme une « absurdité » qui lui aurait demandé « un niveau de confiance quasi irrationnel » : « pour être entrepreneur, il faut avoir l'impression d’être capable de sauter d'un avion parce que vous êtes persuadé de pouvoir attraper au vol un oiseau qui passerait par là », ajoutait-il alors. « Cela peut paraître absurde, et la plupart des entrepreneurs finissent par s’écraser parce que l'oiseau ne passe pas. Mais parfois il passe. »
En cette douce soirée du 16 septembre, sur le campus d’HEC, le quinquagénaire à l’allure débonnaire préfère décrire son parcours comme « une série d'événements heureux ». Netflix, selon Reed Hastings, est né de l'accumulation « d’idées épouvantables ». « Je suis un peu obsessionnel », avoue-t-il devant un amphithéâtre Blondeau plein à craquer : « une fois, j’avais fait un business plan détaillé pour une "souris à pied" pour mon ordinateur portable, afin de gagner du temps. Mais j'ai découvert que les sols sont souvent très sales, et puis j'ai très vite eu des crampes à la jambe. » Sans être découragé par des échecs répétés, l'entrepreneur américain avoue avoir exploré des projets « idiots », dont l'un, Pure Software, a pourtant fini par décoller en 1991. « L'humour noir m'a toujours aidé à relever ces défis. Dans l’entrepreneuriat, il est impossible d'éviter l'échec. Vous devez juste accepter que ça ne marchera probablement pas. Mais vous apprendrez beaucoup. »
Netflix en France
Reed Hastings évoque ensuite sa philosophie des affaires, ses projets philanthropiques et les défis futurs du secteur du divertissement : présents sur scène, trois étudiants, Agnès Ignace (EMBA), Arnaud Steinfels (MBA) et Rozenn Révois (Grande Ecole), ont relayé directement les questions du public. Celles-ci concernaient aussi bien les politiques de recrutement du PDG, que ses méthodes de management iconoclastes (notamment le controversé « keeper test ») et sa riposte face aux offensives d’Apple et Disney. « J'évite les métaphores guerrières », reconnaît l’ancien ingénieur devant un auditoire captivé. « Je vois mes concurrents dans le secteur du divertissement davantage comme des athlètes sur une piste de course. On se bousculera peut-être un peu, mais on n'essaiera pas de faire trébucher les autres. »
Le PDG de Netflix était présent sur le campus de Jouy-en-Josas le jour même d'un buzz médiatique autour de l'accord conclu par sa société avec Canal Plus. En réponse à une question d'Arnaud Steinfels sur les opportunités professionnelles chez Netflix, Reed Hastings a ensuite affirmé que les diplômés d'HEC pourraient jouer un rôle dans le développement des contenus et la gestion d'un bureau Netflix qui devrait ouvrir à Paris fin 2019. « Il y a des créateurs formidables en France et les films français marchent bien dans le monde entier. Avec nos 6 millions d'abonnés actuels, nous pouvons encore progresser, sans empêcher d’autres acteurs de se développer. Regardez par exemple la performance d’HBO depuis notre arrivée sur le marché du streaming. »
Créer hors du bureau
Le géant du streaming a connu une croissance phénoménale (150 millions d’abonnés dans le monde) depuis sa création en 1997 et présente aujourd’hui une valeur nette de 3,2 milliards de dollars. Mais Reed Hastings aperçoit certains dangers à l’horizon : « le divertissement audiovisuel fait partie intégrante de la psychologie humaine. Des entreprises comme Disney respectent les mêmes règles que nous. Mais je crains qu'une compagnie pharmaceutique n'invente une pilule qui pourrait offrir un meilleur divertissement que nos films. Des changements de ce type, ou l'utilisation abusive de l'intelligence artificielle, pourraient changer nos marchés et nos comportements - pour le pire. »
Le PDG basé en Californie apprécie les nouveaux défis : « Netflix est une entreprise très flexible. Dans l’affontement avec Blockbuster, nous nous sommes bien défendus. Nous allons maintenant concurrencer Disney en investissant dans des films d'animation. » Reed Hastings et son équipe de Netflix trouveront peut-être l'inspiration hors du bureau, dans des endroits qui sont, selon lui, bien plus favorables à la créativité : sous la douche, en vacances ou simplement en faisant un jogging.