HEC Paris et Hubert Joly créent une chaire dédiée au Purposeful Leadership
Hubert Joly, PDG de Best Buy, et HEC Paris ont signé un accord le 4 juillet dernier pour créer la première chaire de l’école financée par une personne physique, qui sera dédiée au Purposeful Leadership . Diplômé d’HEC en 1981, Hubert Joly, récemment distingué par Barron comme l’un des trente meilleurs PDG au monde, a fait un don de 3,7 millions d’euros pour financer la création de la Joly Family Endowed Chair in Purposeful Leadership . Rodolphe Durand, professeur en stratégie et politique d’entreprise, a été désigné pour être le premier professeur titulaire de cette chaire.
« Cette chaire est née de 25 ans de réflexion sur une question simple : pourquoi travaillons-nous ? » : avec des mots simples et directs, Hubert Joly a enthousiasmé une salle comble lors de la dernière édition des Matins HEC, organisée par HEC Alumni, en partageant sa vision du Purposeful Leadership . « Je crois que la quête de sens habite chaque individu, » a-t-il déclaré après avoir signé l’accord de don avec son ancienne école. « Je crois aussi qu’une entreprise est une organisation humaine où des individus collaborent à un projet, et que connecter cette quête du sens avec l'objet de l'entreprise doit être une priorité majeure pour les entreprises. Je suis convaincu que la finalité d’une entreprise doit être de contribuer au bien commun. Cette philosophie a des implications profondes sur la façon dont les dirigeants devraient agir, leur rôle, les gens qu’ils servent… Pour toutes ces raisons, je me réjouis de pouvoir travailler avec les professeurs et les équipes d’HEC pour faire progresser la recherche et l’enseignement sur le thème du Purposeful Leadership en entreprise. »
Cette philosophie a accompagné Hubert Joly tout au long d’une des plus remarquables carrières dans les affaires internationales. Ses nombreux succès au cours des trois dernières décennies ont fait de son nom un synonyme de « spécialiste en redressement d’entreprises », encore illustré par sa réussite aux commandes de Best Buy depuis six ans. Les résultats obtenus depuis l’arrivée d’Hubert Joly en 2012 à la tête de l’entreprise américaine ont été étonnants. Il y a six ans, Best Buy, leader mondial de la distribution de produits et services électroniques grand public, était en grave difficulté à cause de l’impact sectoriel d’Amazon. La plupart des spécialistes pensaient que l’entreprise allait suivre le triste destin d’autres acteurs et disparaître, comme Circuit City, Radio Shack et CompUSA. Le chiffre d’affaires était en déclin, la marge opérationnelle avait reculé jusqu’à 3,4%, et la valeur de l’action de Best Buy avait chuté en-dessous de 15 dollars. On pourra comparer ces éléments aux résultats obtenus en 2017 : un chiffre d’affaires en hausse de 7%, une marge opérationnelle grimpant à 4,4%, et le cours de l’action multiplié par 5 à 75 dollars. Pendant cette période entre son redressement et sa nouvelle croissance, Best Buy a pris le temps nécessaire pour exprimer plus clairement ses objectifs : « nous sommes guidés par un but plus élevé, c’est-à-dire essayer d’enrichir la vie de chacun par la technologie, », a ainsi déclaré Hubert Joly aux Echos. « Au lieu de vendre des produits, nous voulons maintenant vendre des solutions et bâtir des liens. Cela nous ouvre toute une gamme de nouvelles opportunités de croissance, car nous libérons une demande latente en comprenant plus profondément les besoins de nos clients et en les aidant à découvrir ce qui est possible. »
Le Purposeful Leadership : un concept en plein essor
Devant une salle comble d’hommes d’affaires et de chercheurs réunis au Pavillon Gabriel, Hubert Joly a attribué une grande partie du redressement de son entreprise à la mise en œuvre du Purposeful Leadership . Et il est convaincu que cette nouvelle approche du leadership est en train de se propager un peu partout. « Lisez par exemple la lettre récemment écrite par le PDG de BlackRock Larry Fink, le gestionnaire financier le plus important au monde, ou la déclaration conjointe de Warren Buffett et Jamie Dimon, et vous pourrez sentir qu’une étape a été franchie. En insistant sur l’objet d’une entreprise ou son rôle social, l’activité lucrative n’est plus une fin en soi, c’est juste un impératif. Quand on combine cette approche avec une démarche encourageant les employés à trouver du sens dans leur travail, on trouve le Purposeful Leadership. Et pour couronner le tout, il se trouve que tout ceci permet de meilleures performances, qu’elles soient commerciales ou financières. »
Ce sont ces mêmes idées auxquelles Peter Todd a voulu donner la priorité au sein d’HEC Paris. « Depuis 2008, cette quête du sens en entreprise est un impératif pour nous , » a rappelé le Directeur Général d’HEC Paris devant des journalistes après les Matins HEC. « Nous demandons à nos étudiants : "Pourquoi vous lancez-vous dans cette carrière ?" ou bien " Quels principes, quelles pratiques vont guider votre action, vous les leaders de demain ?’ Au cours de la dernière décennie, nous avons eu plus de 40 chercheurs permanents dans notre Centre Society & Organizations (S&O), dirigé par Rodolphe Durand. Leurs découvertes ont créé une vraie impulsion dans le monde académique. »
Apprendre de nouvelles valeurs aux étudiants d’HEC
Rodolphe Durand a été désigné comme premier professeur titulaire de la Joly Family Endowed Chair in Purposeful Leadership . « Je suis profondément honoré d’être nommé à ce poste , » a déclaré le directeur académique du Centre S&O aux journalistes présents lors de la conférence de presse. « Cette Chaire constitue une occasion formidable pour notre école. Elle va accélérer notre travail visant à rassembler des collègues de domaines différents à HEC, en allant bien au-delà de la recherche sur le leadership. Cette forme de fertilisation croisée sera un catalyseur pour faire avancer la théorie du leadership, car elle reste aujourd’hui trop éloignée de la réalité. La recherche sur le Purposeful Leadership nous permettra aussi de comprendre comment il peut apporter des avantages concurrentiels et environnementaux à une entreprise qui l’intègrerait dans sa stratégie centrale. »
Auteur d’un grand nombre de publications dans les meilleures revues académiques, Rodolphe Durand a aussi mis l’accent sur la nécessité d’apprendre de nouvelles valeurs aux étudiants d’HEC : « nous allons travailler à la création de contenus permettant de familiariser les étudiants au Purposeful Leadership à un stade très précoce de leurs études. Jusqu’à maintenant, notre population estudiantine a été trop conformiste, en suivant les sentier battus une fois diplômés. Nous souhaitons faire évoluer cela en approfondissant les objectifs fondamentaux de leurs futures carrières. »
Le court-termisme n’excuse pas la mauvaise gestion
Ces réflexions ont plu à Hubert Joly, qui a de son côté souligné la nature inépuisable du travail sur le Purposeful Leadership : « cela touche tant d’aspects du monde des affaires : comment choisir les dirigeants, comment transformer une entreprise, comment développer une entreprise, comment définir une stratégie, comment envisager le développement humain, le rôle de la diversité, la place de la responsabilité sociale d’une entreprise… Chaque domaine du management est concerné. »
Interrogé sur la pression que peuvent exercer les actionnaires sur les entreprises pour maximiser leurs bénéfices, Hubert Joly a livré ses réflexions : « Les investisseurs sont intelligents. Ils comprennent ce dont une entreprise a besoin pour avoir du succès à long terme, comment une main-d’œuvre motivée et engagée amènera des résultats opérationnels positifs qui conduiront ensuite à des meilleurs résultats financiers. C’est aussi notre responsabilité de dirigeants de tenir compte de tous nos actionnaires. Le court-termisme ne peut pas être un prétexte pour la mauvaise gestion. »
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