Guillaume Mallen, VP de Lazard
Alumni Story
Pouvez-vous vous présenter ?
J'ai fait une prépa école de commerce sans avoir d’idée précise de ce que voulais faire ensuite. Et c'est un peu par hasard que je suis tombé dans ce métier-là : un professeur m'a donné envie de découvrir la finance d'entreprise et la banque d’affaires. Ce qui m'a attiré, c'est surtout l'aspect très complet du métier, qui demande de solides compétences analytiques, mais qui permet aussi de réfléchir sur des problématiques stratégiques assez larges, à des moments cruciaux pour la vie des entreprises. J'ai donc commencé par un stage de césure en banque d'affaires, chez BNP Paribas à l'époque, que j’ai rejoint en tant qu’analyste M&A juste après mes études. Quelques années plus tard, j'ai voulu découvrir ce qu'était le métier dans une banque conseil indépendante, avec une approche différente, et c'est comme ça que je suis arrivé chez Lazard.
Qu'est ce qui diffère entre les deux approches justement ?
Lazard n’est pas une banque de bilan : la seule chose qu'on propose à nos clients, c'est du conseil, par conséquent on est obligés de se différencier là-dessus, et c'est ce qui fait pour moi la richesse du modèle. Dans les banques universelles, les activités de financement représentent une partie importante de l’activité. Ces établissements ont un levier sur leurs clients dans la mesure où, comme ils les financent, ils obtiennent plus facilement un rôle de conseil sur les opérations M&A, tandis que Lazard se doit d'arriver avec des idées plus originales et avec un vrai angle différenciant pour pouvoir être sélectionné. Ce modèle indépendant, et l'absence de conflit d'intérêt qui en découle, est particulièrement apprécié par les clients – on observe d’ailleurs depuis la crise des subprimes une augmentation de la part de marché des banques indépendantes par rapport aux banques intégrées. On a beaucoup d'atouts à proposer ; la qualité du conseil et l’absence de conflit d’intérêt permet de nouer une relation de confiance forte sur le long terme avec le client.
Pour revenir à vos débuts, comment avez-vous senti le décalage entre votre formation et vos premières expériences ?
L'école de commerce forme bien pour ce type de métiers. Il y a un bagage technique minimum qui est requis au niveau analyste, mais les connaissances techniques permettent de faire un bout du chemin seulement. Le reste ne s’enseigne que par l’expérience, et c’est l’exposition aux dossiers qui complète la formation. Il y a une deuxième chose également, c'est que la nature du métier change beaucoup au fil des années. Quand on commence en tant qu'analyste, on est surtout dans l'exécution, on travaille sur des modèles financiers, de valorisation, on construit des présentations pour des clients, et plus on grandit dans ce métier, plus on développe une approche commerciale, le but étant, quand on devient associé-gérant, de sourcer de nouveaux dossiers, en passant un peu moins de temps sur l'exécution. Les qualités qu'on demande à un analyste ne sont évidemment pas les mêmes que celles d’un associé- gérant et il y a toute une évolution qui se fait entre un travail assez technique quand on débute vers un travail plus commercial lorsqu'on évolue dans la structure.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce métier ?
C'est un métier qui apporte énormément de diversité. Il n'y a pas deux situations qui se ressemblent, ce qui fait qu'il n'y a jamais de routine. Ce qu'on recherche aussi en rejoignant ce métier, c'est d'avoir une courbe d'apprentissage très rapide qui permet de progresser très vite et d'être exposé très jeune à des situations qui vous font progresser.
Pouvez-vous présenter votre poste plus précisément ?
Je suis directeur dans l’équipe M&A généraliste, ce qui correspond au grade Vice President dans une dénomination anglo-saxonne. J'ai une dizaine d'années d'expérience en M&A. A ce niveau d’expérience, notre rôle est d'être la cheville ouvrière et l’interlocuteur principal pour nos clients sur chacun des dossiers. Sur l’exécution des dossiers en cours, j'organise un peu la vie de l'équipe, constituée en général de deux à trois juniors, et mon rôle, c'est de m'assurer que le deal avance, dans un calendrier donné, qu'on anticipe les demandes des clients et qu’on fournit bien les bons documents au bon moment. Dans une journée type, une bonne partie du temps est consacrée à l'exécution de mandats en cours. Et un tiers de mon temps est passé sur des problématiques marketing, de développement soit de nouveaux clients, soit de nouvelles situations pour des clients existants.
Concrètement, comment fonctionne une équipe projet chez Lazard ?
Le « sur-mesure » est la règle. On ne fonctionne pas en silo comme dans beaucoup de banques, où chaque équipe est spécialisée et bien distincte des autres. En interne c'est une belle opportunité pour travailler avec des gens différents. Quand on conseille une entreprise pour faire une acquisition le plus vite possible dans un calendrier court, avec les problématiques de confidentialité qui vont avec, on intervient généralement en "équipe commando". Les équipes projets sont de toutes petites équipes, on est souvent une poignée de cinq ou six personnes à travailler sur des transactions parfois à plusieurs milliards, ce qui est moins le cas dans les grandes banques universelles qui sont plus structurées et qui impliquent souvent de nombreuses équipes spécialisées entre Paris, Londres et New York. Ce qui est apprécié chez nos clients c'est le fait d'avoir quelques interlocuteurs de confiance qui maîtrisent tous les aspects d’une transaction de A à Z. La confiance de nos clients est pour nous quelque chose de primordial, c'est la raison qui fait qu'ils se tournent vers nous.
Quelle est justement la valeur ajoutée d’une banque comme Lazard pour vos clients ?
Pour nos clients, les opérations de M&A ont souvent des implications fortes, notamment lorsqu’elles sont transformantes. Elles permettent d’accélérer la croissance de l’entreprise et de conquérir de nouveaux marchés. S’entourer des meilleurs conseils est capital pour maximiser les chances de succès. Même nos clients les plus sophistiqués, qui disposent d’équipes de M&A en interne, s’entourent de conseils pour leurs opérations les plus stratégiques. Le modèle de Lazard est seulement basé sur la qualité du conseil, l’engagement auprès des clients, le capital intellectuel, et la discrétion. Pour se différencier, nous devons mettre au service de nos clients tout le réseau et toute la palette de conseils dont Lazard dispose.
Comment se construisent les relations avec les clients chez Lazard ?
La chance qu'on a chez Lazard, c'est de pouvoir travailler avec certains grands comptes et d'avoir une relation de proximité très forte avec eux. Je pense bien sûr au CAC 40 mais aussi à un certain nombre de grandes entreprises françaises ou étrangères. Cette proximité et cette relation de confiance qui ont été construites dans la durée nous permet de nous positionner sur de grandes opérations. Certains clients font appel à nous très régulièrement : s’ils ont été bien conseillés et bien accompagnés dans le passé, ils reviennent vers nous et ils viennent chercher chez Lazard cette relation de confiance, de proximité, l'excellence d'exécution et la qualité du conseil qu'ils ne trouvent pas forcément ailleurs. Lazard fait partie des pionniers qui ont inventé ce métier. Ce qui fait l'une des forces de Lazard également, c'est d'avoir toute cette expérience accumulée, d’avoir travaillé sur toutes ces opérations depuis des décennies : il y a un savoir-faire qui est un peu unique et qu'on ne retrouve pas forcément ailleurs. Notre légitimité tient également à notre ancienneté sur la place, et à notre histoire. On essaye donc de cultiver cette excellence et la qualité du conseil qui est au cœur de notre ADN.
Donc cette relation de confiance, vous la construisez surtout avec vos clients français ?
Notre modèle était transatlantique et est devenu complètement mondial. Il y a de plus en plus de deals transfrontaliers. On a donc à la fois le modèle conseil indépendant qui est celui d'une boutique M&A mais aussi la présence mondiale avec un réseau très fort dans 27 pays, on couvre toutes les grandes places financières, on est très forts aux Etats-Unis par exemple. On a également en France de grands champions nationaux qui sont des vecteurs d'internationalisation : certains de nos clients ont une empreinte mondiale et donc nous sommes naturellement amenés à les accompagner sur leurs opérations à l'étranger, qui requièrent des compétences spécifiques, parfois des connaissances de droit boursier d'une place différente. La proximité avec la cible aide également : on est un peu ce pont entre l'acquéreur et le vendeur. C'est nous qui sommes en première ligne, et on assiste nos clients dans les négociations. Le fait d'avoir des équipes locales, ça a une grande valeur pour exécuter des deals transfrontaliers. Lazard a des équipes dans 43 villes dans 27 pays, partout où le marché M&A est important. Quand on travaille au bureau de Paris, on peut être amené ponctuellement à avoir des déplacements à l'étranger. Il y a aussi des possibilités de détachement de plus longue durée qui peuvent durer un an ou deux où on envoie des gens dans d’autres bureaux de Lazard.
C'est propre à Lazard ?
Ce qui est spécifique chez nous c'est que la plupart des grandes banques universelles ont des bureaux à Londres et à New York et de plus petits bureaux dans les autres marchés. Lazard, à l’inverse, a de vraies présences locales. Sur le modèle conseil indépendant, il s'agit de la banque la plus internationale qui est indépendante. Si on regarde les transactions annoncées pour le compte de clients français en 2018, Lazard se classe au premier rang des banques d’affaires.
Quel est le profil idéal du jeune banquier ?
Nous recherchons avant tout des profils complets et équilibrés, avec une forte curiosité intellectuelle, des compétences analytiques et une aisance avec les chiffres, mais aussi de bonnes capacités d’expression, à l’oral comme à l’écrit. Le métier d’analyste nécessite une maîtrise des bases techniques en finance d’entreprise, notamment sur les méthodes de valorisation. Ensuite, il faut surtout une bonne dose de motivation, une envie d’apprendre, et une capacité à évoluer et progresser dans un environnement où on n’est pas « sur- managé ». Lazard permet d’avoir très vite beaucoup d’autonomie et de responsabilités, mais il faut avoir le profil « tout terrain » !
Quels conseils pourriez-vous donner à des étudiants attirés par la Banque d'affaire ?
Je n'ai qu'un conseil à leur donner, c'est de venir tenter l'expérience, qu'ils soient diplômés ou en cours de cursus. C'est un métier qui offre vraiment plein d'opportunités, qui a plein d'attraits, également quelques inconvénients mais qui je pense se fait à fond. Il vous apporte une polyvalence, une maitrise technique, des compétences également commerciales qui peuvent vous servir quel que soit ce que vous ferez par la suite. Il y a des gens qui font quelques années en banque d’affaires et qui ont envie de faire autre chose ensuite, c'est possible. A titre personnel, c’est un environnement dans lequel je me suis épanoui. Pour réussir, il faut avoir le goût de l’effort, et garder en tête qu’il se s’agit pas d’un sprint, mais d’un marathon !
Propos recueillis par Oualid Branine, étudiant à l'Université Paris 2 Panthéon-Assas