La place des femmes en demi-teinte dans l’ESS
Analyse et pistes de réflexion sur la représentation des femmes et l’équité salariale dans l’ESS par Raphaëlle Chaygnaud-Dupuy, Responsable de programme de l’Accélérateur ESS.
65,9% de femmes dans l’ESS en Ile-de-France, contre 41.3% dans le privé hors ESS. Faut-il s’en réjouir ?
La réponse est en demi-teinte. D’un côté on peut saluer les employeurs d’avoir plus que dépassé la parité dans ce secteur, au nom d’une diversité bienvenue dans le monde du travail. De l’autre, il faut faire attention à bien analyser ces chiffres avant de crier victoire. Comme le souligne très justement la CRESS, « une des explications possibles de ce phénomène réside dans le fait que certains métiers qui regroupent une majorité de nombre d’emplois dans l’ESS, comme le personnel enseignant (21 300 emplois) et les aides-soignants (17 000 emplois), sont traditionnellement féminisés. » Ces métiers sont malheureusement peu valorisés, comme la crise a permis encore davantage de le mettre en lumière. Et cela a une incidence sur l’écart de salaire entre les hommes et les femmes. Ces dernières gagnent 18.2% de moins en moyenne pour un temps plein (contre 14.8% dans le privé hors ESS).
Par ailleurs, si les femmes sont nombreuses, cela ne signifie pas pour autant qu’elles sont au pouvoir. Seules 22,3% des femmes sont cadres quand 31,7% des hommes le sont. Comme toujours, l’enjeu n’est pas uniquement d’embaucher plus de femmes, mais surtout que plus de femmes trouvent leur juste place au sein des organisations, y compris dans l’ESS.
Nous avons demandé quel était le pourcentage de femmes dans leurs effectifs aux entreprises que nous accompagnons dans l’Accélérateur ESS d’HEC Paris. Les résultats illustrent bien que les grandes tendances sectorielles persistent même dans l’ESS. En effet certains métiers restent plus féminisés, ESS ou pas. Ainsi dans la promotion 2, nous avons une moyenne de 48% de femmes dans les effectifs, de 29% dans la promotion 3 et de 51% dans la promotion 4. Ces moyennes changent de promotion en promotion du fait de la présence, ou de l’absence, parmi les entreprises accélérées de métiers où les femmes sont majoritaires (communication, textile, assistance sociale, entretien) et de métiers où les hommes sont plus présents (informatique, recyclage, BPT, maintenance, transport). Dans le monde du travail français, 50% des femmes se concentrent sur 12 familles professionnelles, quand 50% des homme se concentrent sur 20 familles professionnelles. Un travail reste donc à faire sur les représentations des métiers, qui mériteraient d’être « dé-genrés » pour atteindre la parité.
Une autre piste serait de parler d’« équité salariale » et non plus seulement d’« égalité salariale », comme le proposait déjà en 1951 l’Organisation Internationale du Travail . Comme hommes et femmes n’occupent pas les mêmes emplois du fait d’une ségrégation professionnelle, l’idée est d’offrir un salaire identique pour des emplois différents mais ayant une valeur comparable. On changerait ainsi de slogan, de « A travail égal, salaire égal » à « un salaire égal pour un travail de valeur égale ».
Enfin, il serait sans doute bon que ce type de réflexion ne soit pas l’apanage d’une unique journée par an. Sans doute peut-on profiter de la caisse de résonnance du 8 mars pour continuer à mettre les sujets sur la table le reste de l’année. Partant ?
Pour poursuivre la lecture et trouver le détail sur des leviers d’action : le rapport triennal 2021-2024 sur « l’égalité femmes-hommes dans l’ESS » publié par la Secrétariat d’Etat chargé de l’Economie Sociale, Solidaire et Responsable.
1 Tous les chiffres sont issus de l’Observatoire Régional de l’ESS- CRESS IDF d’après INSEE DSN 20
2 Source : https://www.cressidf.org/wp-content/uploads/2021/12/panorama2021_VF.pdf…;
3 Chiffres à décembre 2021
4 Chiffres au moment de la candidature au programme à l’été 2020
5 Chiffres au moment de la candidature au programme à l’été 2021
6 Source : https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/ddd_f…;
7 Convention (n° 100) sur l'égalité de rémunération, 1951 : http://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_IN…;