Les moines, une source d’inspiration face aux défis contemporains ?
Avoir la chance de voir son travail publié… C’est la récompense que s’est vu remettre Clémentine Perier, non pas écrivaine de profession, ni même écrivaine pour le loisir, mais plutôt étudiante du Master X-HEC Entrepreneurs. Chaque année, le prix HEC Entrepreneurs récompense la meilleure thèse professionnelle parmi les diplômés du Master. A la clé, une publication du travail de recherche - revisité bien entendu - chez Atlande et une belle carte de visite pour les vainqueurs. De quoi motiver les étudiants à donner le meilleur d’eux-mêmes dans ce travail de longue haleine !
Cette année, c’est la thèse de Clémentine Perier “ À l'école des moines, réinventer l'économie ”, qui a interpellé les membres du jury, composé de Philippe Lemarchand, Camille Andrieu, Pierre-Emmanuel Aubert, Noëlle Bellone, Ambroise Collon, Thomas Galloro, Déborah Levy, Philippe Mondan, Elham Nabil, Laura Tenoudji, Isabelle de Tinguy et Jeanne Courouble, qui est à l’initiative de ce prix.
Une thèse singulière née d’une période tout aussi particulière
“ Avant même d’entreprendre ce travail de recherche, je portais déjà un réel intérêt à la question du sens du travail, à la gestion du temps, à l'épanouissement au travail ou encore au travail manuel, et me suis demandée comment explorer concrètement ces questions, ” confie la lauréate, qui a réalisé l’intégralité de sa scolarité à HEC Paris. L’univers monastique s’impose naturellement à Clémentine qui, durant sa sortie quotidienne autorisée pendant le confinement, longe les murs d’une abbaye et s’interroge sur la vie et l’organisation derrière l’édifice. Après des semaines d’échanges avec pas moins de 15 moines et moniales, Clémentine rédige une thèse qui conquerra les membres du jury.
Le rapport fascinant des moines face au travail
L’ouvrage “ À l'école des moines, réinventer l'économie “ aborde les différentes formes d’économie monastique, la résilience des moines face aux défis contemporains, et décrit ce modèle si original fait d’ancrage dans le local, de résilience et de quête de transcendance.
Lorsque l’on demande à la diplômée d’HEC Paris ce qui l’a le plus inspirée dans ce travail de recherche, Clémentine nous parle des bases historique et économique de la vie monastique, ou encore des trois postures des moines.
Les aspects historique et économique de la vie monastique qui démontrent très distinctement que les moines ont été les façonneurs de l’économie ont en effet captivé l’auteure.
Les moines ont été les premiers à disrupter le travail, traditionnellement accompli par les esclaves, en y apportant du sens. L’homme pouvait ainsi s’accomplir dans le travail. Ils ont été des précurseurs dans les questions liées aux rapports au salaire, à la hiérarchie, à la manière de s’organiser au quotidien, mais aussi dans la création de modèles innovants, notamment dans beaucoup de modèles aujourd'hui plébiscités dans l'économie sociale et solidaire.
- Clémentine Perier
La vie monastique est-elle utopique ?
Une fois le cadre posé, comment transposer le rapport au travail développé par les moines et moniales dans le monde de l’entreprise ? “ La question était de savoir si cette confrontation s’avérerait utopique, tout en sachant qu’il y aurait forcément des limites, ” précise l’autrice.
Pour y répondre, Clémentine s’est davantage attachée à inspecter la posture que les moines adoptent face au modèle plutôt qu’au simple fait de créer un modèle dans le monde séculier (non monastique). “ Ce qui gagne à être approfondi, c'est la vision intégrale que les moines ont de l'écologie : spirituelle, environnementale, humaine, sociale…, et l’approche holistique dans leur rapport à eux-mêmes. “ Cette posture, qui vise à gagner en harmonie de vie et à trouver du sens dans le travail, résonne profondément pour Clémentine. “ Cela leur permet de créer un impact harmonieux dans tout ce qu’ils entreprennent. “
Les trois attitudes monastiques, une source de réflexion pour l’auteure
De son travail de thèse, Clémentine retient surtout la manière d’être des moines et des moniales, et leur attitude déclinée en trois principes clés, notamment le tout premier, la discretio, à savoir l’art du discernement. “ Les moines doivent constamment réinterroger la règle monastique datant du 5ème siècle vis-à-vis du modèle actuel, ce qui les pousse à adopter une posture permanente d’adaptabilité, de résilience et de créativité. ”
Le principe de ‘fécondité’, qui prévaut sur la productivité : les fruits que portent un projet comptent plus que la rapidité ou l'efficacité avec lequel il est accompli. “ Les moines, et surtout les moniales, s’attachent davantage à la gestation et à l’impact positif du projet qu’à la recherche d’efficacité, ” précise Clémentine.
Enfin, l'incarnation. Pour les moines, avant de chercher à théoriser, à dogmatiser une idée, un projet ou un modèle, on le met à l’épreuve de la réalité. “ C'est ce qui les rend totalement anti-bullshit ! Et nous en avons besoin à une époque où parler de ‘sens du travail’ peut-être galvaudé et superficiel, “ ajoute l'auteure.
De la thèse à l’ouvrage, un travail gratifiant
Une fois le prix décerné, la seconde partie du travail commence avec la vulgarisation de la thèse professionnelle. Pour les accompagner dans cette nouvelle sphère de l’édition, les étudiants vainqueurs sont accompagnés par Philippe Lemarchand, Éditeur chez Atlande, enseignant en relations internationales à Science Po., journaliste, écrivain et entrepreneur. “ La thèse revêt quelque chose de besogneux. Avec cette perspective de publication, on apporte de la couleur, avec une échéance précise, ” explique Philippe, pour qui un livre apporte un supplément d’âme et doit rester une carte de visite.
Si en 2016 le tout premier ouvrage comptabilisait pas moins de 5 000 corrections, le processus s’est nettement amélioré depuis. Pour Clémentine, il s’agissait surtout de donner envie et de rendre accessible l’univers monastique avec son regard et sa plume. “ J’ai eu la chance de travailler avec Marie Buffet, correctrice chez Atlande, et qui est familière avec le monde monastique. Cette confrontation positive m’a beaucoup aidée à compléter certains aspects du livre, comme la création d’un glossaire par exemple. “ Quant à la préface, celle-ci est signée par Cécile Renouard, religieuse de l’Assomption, directrice scientifique du programme CODEV à l’ESSEC et cofondatrice du campus de la transition.
A tous ceux qui ont été interpellés par le thème particulièrement original de l'ouvrage de Clémentine Perier “ À l'école des moines, réinventer l'économie “, celui-ci est disponible aux Éditions Atlande.