Faut-il voir un glacier fondre pour repenser le monde ?
A peine arrivés en première année, les étudiants L3 d’HEC Paris ont participé du 21 au 24 août à Chamonix à un séminaire obligatoire sur la quête de sens et la sensibilisation au réchauffement climatique. Face à une mer de glace profondément asséchée, ces jeunes tout juste sortis de prépa ont été lancés dans une quête de sens innovante qui doit les amener à réfléchir sur place et bien au-delà de ces 4 jours à la finalité du monde du travail, aux conditions pour une économie plus humaine, plus respectueuse de l'environnement et les guider au mieux pour trouver leur voie dans leur parcours d’engagement individuel.
HEC Paris young students discovering an icecave in Mont-Blanc (© Julie Dobiecki)
Auteur/Author of this article: Frédéric Voirin
« Avant lundi 12h11, début du séjour à Chamonix, j’étais persuadé qu’on allait se faire greenwasher par HEC ». Paul Barrault, 20 ans et étudiant fraîchement admis en première année au sein de la première école de commerce d’Europe, désamorce d’office tout doute sur l’impact positif que ce séjour de sensibilisation dans les Alpes a eu sur sa prise de conscience écoresponsable.
A peine sortis de prépa et déjà lancés dans une quête de sens collective et environnementale
« Les étudiants sortent d'années difficiles, studieuses de classe préparatoire, et on avait envie que ce soit à la fois une respiration, et une ouverture de leurs horizons » avec ces mots Julie Thinès, Directrice des programmes académiques et de la scolarité d'HEC Paris résume brièvement ce qui peut devenir pour certains ou certaines l’aventure d’une vie. Ainsi, dans la poursuite de leurs ainés camarades éco-furieux d’HEC Transition qui militaient en décembre 2022 pour démarrer rapidement la transition écologique en produisant moins mais mieux, les étudiants L3 fraîchement admis à HEC Paris ont dû réfléchir à leur propre condition de jeunes apprenants en école de commerce, à leurs modes de vie actuels et projectifs mais aussi à la finalité de leurs futurs métiers et aux défis sociétaux et environnementaux qu’ils pourraient engendrer.
Grâce à ce séminaire de rentrée lancé en 2019 par l’institut Society and Organizations d’HEC Paris et centralisé à Chamonix pour l’ensemble des promotions L3 en 2021, et conformément au nouveau curriculum de l’école axé sur la transition écologique et sociale les jeunes générations d’étudiants HEC apprennent à mieux se connaître et à mieux appréhender le monde dans des situations exceptionnelles, mais aussi à préserver l’environnement qui les entoure.
« Ce séminaire est une respiration et une ouverture des horizons pour ces étudiants fraîchement sortis de prépa »
En guise de toute première expérience d’étudiants à HEC Paris, ces jeunes sont en effet plongés, loin du plateau de Saclay sur les sentiers escarpés du Mont-Blanc, dans une série d’activités mettant à l’épreuve leur résilience individuelle mais surtout leur capacité à surmonter des défis en équipe. Au programme de ce parcours imaginé par Blaise Agresti, ancien membre du peloton de gendarmerie de haute-montagne et cofondateur du cabinet de conseil Mountain Path : 6 kilomètres de randonnée avec 800 mètres de dénivelé, course d’orientation, escalade, excursion par cordée de 15 jusqu’au glacier ou encore l’expérience d’une nuit en refuge sans douche, ni eau potable.
Ces étudiants qui n’ont pas encore mis les pieds sur le Campus de Jouy-en-Josas expérimentent d’office la fragilité de la montagne mais aussi leurs propres fragilités et des situations extrêmes comme des exercices de simulations de secours en montagne. Les nouveaux admis à HEC côtoient des professionnels engagés à impact positif comme des guides alpins, secouristes et médecins qui les poussent à s’interroger sur le sens de la mission personnelle et collective.
Quel type de citoyen, de collègue, de leader ont-ils envie d’être ? A quelle société et quelle économie ont-ils envie de contribuer demain ? Qu’est-ce qui fait le sens et la réussite de l’action individuelle ou collective ? Quels modes de vie et de consommation alternatifs devrions-nous adopter pour un monde durable ?
Ce séminaire inoubliable pour ces jeunes de 20 ans est le point de départ d'une réflexion personnelle sensée les aider à trouver leur voie, et réfléchir aux enjeux sociaux et écologiques, à la finalité positive du travail, du leadership et de l'entreprise et à des modèles alternatifs pour une construction d'une économie plus humaine et plus respectueuse de l'environnement.
Un séminaire de leadership et de sensibilisation écologique face à un glacier qui s’écroule
Ces expériences et rencontres amènent donc les étudiants L3 d’HEC Paris à prendre conscience de leurs limites et défis personnels mais aussi au dépassement de soi et à relever nos défis sociétaux collectifs.
Yasser Mouaqqat, jeune étudiant L3, explique que ce séminaire lui a “permis de comprendre comment nos actions personnelles influencent la société et l’environnement, notamment en montagne”. Avant d’arriver à HEC, ce jeune homme se demandait comment son expérience sur le campus allait donner sens à son parcours personnel et professionnel. “Je voulais m’engager au maximum dans les cours et ateliers proposés par HEC, et dans la vie associative afin de trouver ce sens. Maintenant je mesure qu’une action irresponsable peut peser sur l’environnement et peut par exemple faire fondre des glaciers et que s’engager dans le secourisme peut sauver des centaines de vie.”
Sous la forme d’un itinéraire à travers la vallée, ce parcours montagnard initiatique mène la cohorte jusqu’au glacier du massif du Mont Blanc mais surtout à la rencontre d’experts comme Laura Gattini, glaciologue et Ludovic Ravanel, géomorphologue. Ceux-ci leur expliquent que le glacier fond habituellement de 4,3 mètres chaque année sauf en 2022 qui marque un déplorable record de 16 mètres de fonte.
Les étudiants, qui même à 2000 mètres d’altitude ressentent la chaleur accablante de la canicule, constatent de leurs propres yeux la roche affleurer au-dessus de la glace et prennent conscience des grands défis environnementaux en touchant du doigt les conséquences du réchauffement climatique.
Marie Mallet, ancienne élève de « Ginette » (prépa versaillaise du lycée privé Sainte-Geneviève), était initialement très sceptique sur le sens de ce séminaire obligatoire mais, face au glacier rachitique, revoit avec lucidité son ressenti : "se retrouver devant trois cailloux et dans une grotte où l’on n’a même pas froid, c’est terrible ".
Clou du funeste spectacle, alors que la glaciologue explique l’effet catastrophique du réchauffement climatique sur le milieu de la montagne, les élèves assistent en direct à l’écroulement de la face nord de l’aiguille du Midi. "Une expérience définitivement plus impressionnante que les chiffres » ironise le glaciologue Ludovic Ravanel. Et en effet, pour Yasser Mouaqqat retient cet éboulement comme “le moment le plus marquant du séjour, car il nous a montré en direct la gravité de la situation, et ce genre d’événements est de plus en plus fréquent."
"Se retrouver devant trois cailloux et dans une grotte où l’on n’a même pas froid, c’est terrible ".
Un séminaire de rentrée qui se poursuit au long court sur le Campus
Ascension périlleuse sur des chemins escarpés, nuits courtes en refuge et grosses suées caniculaires, ce séminaire n’avait donc, cette année encore, rien d’une sinécure. Et pour couronner le tout, les étudiants doivent encore fournir des efforts académiques une fois revenus sur le Campus…et ce jusqu’à la fin de l’année suivante !
En effet, de retour sur le campus de Jouy-en-Josas, les étudiants prennent du recul pendant trois jours sur l’expérience vécue à Chamonix et réfléchissent aux questions qu’elle a suscitées pour l’intérêt général mais aussi sur leur engagement personnel. Yasser Mouaqqat, jeune L3, explique d’ailleurs qu’il était “déjà intéressé par les problématiques sociales et environnementales contemporaines avant d’arriver à HEC, mais le parcours engagement [l]’a encore plus sensibilisé” et lui permet d’avoir un levier d’action pour s’engager pendant sa scolarité (engagement associatif, stage terrain).
Ces premières réflexions estudiantines sont ensuite effectivement enrichies par des conférences de rentrée - visionnables en cliquant sur cette page - animées par des experts de la transformation de nos modes de vie comme Emma Haziza, hydrologue et spécialiste des changements climatiques, Rob Hopkins, initiateur du mouvement des villes en transition ou encore François Gemenne, expert en gouvernance du climat et migrations environnementales, auteur principal du GIEC et nouveau directeur académique du Master Sustainability and Social Innovation d’HEC Paris.
Sur ces bases, les L3 débutent ensuite un travail de recherche effectué avec l’aide d’un directeur de mémoire, approfondissant des enjeux tels que l’ambition, la gestion des crises et de l’incertain, la recherche de sens et la radicalité, la vulnérabilité et l’authenticité du leader.
Pour compléter leur parcours engagement à HEC Paris, les étudiants réaliseront un engagement citoyen de 30 heures de bénévolat au sein d'une structure d'intérêt général, suivront un cours fondateur pour "agir sur les enjeux planétaires", mais aussi un stage de terrain de 3 semaines en entreprise ou association, sans qualifications requises ou responsabilités managériales.
Pour clore ce parcours engagement, ils rédigeront un mémoire final global se nourrissant des expériences, des rapports écrits et des rencontres vécues au cours de l'année, invitant à l'introspection et à la réflexion sur la mission des organisations. Yasser Mouaqqat espère ainsi via son parcours engagement “œuvrer pour la transition sociale et environnementale.”
Romain Briat, expert du leadership éclairé, directeur exécutif du Centre Purpose d’HEC Paris et responsable pédagogique du parcours engagement résume ainsi l’objectif fondamental de ces questionnements quasi existentiels : « Là où les étudiants trouveront leur joie, ils trouveront une meilleure capacité d'agir, et généreront un meilleur impact pour les personnes autour d'eux et pour le monde ».
« Là où les étudiants trouveront leur joie, ils trouveront une meilleure capacité d'agir, et généreront un meilleur impact pour les personnes autour d'eux et pour le monde ».
Dans la continuité de la réforme de son curriculum axé sur la transition écologique et sociale, sans forcément voir un glacier fondre pour repenser nos modes de vie mais bel et bien consciente de sa responsabilité vis-à-vis des enjeux du monde actuel et soucieuse de contribuer à une économie plus durable et respectueuse du vivant, HEC Paris étend son parcours éducatif écoresponsable. Avec une première année placée sous le signe de l’ouverture en sciences sociales (parcours engagement des L3) et un second cycle (Master M1 et M2) axé sur le développement de solutions au travers d’un parcours entrepreneurial, HEC Paris se réinvente sous le signe de la transition écologique et ancre pleinement ses actions dans la raison d’être de l’école.
Ainsi l’école continue d’avoir un impact sur le business et la société grâce à la recherche, à l’enseignement et l’entreprenariat et espère contribuer ainsi à un monde plus inclusif, plus durable et plus prospère.