Le programme “Purposeful Leadership” prend son envol
Un an après la création de la Joly Family Endowed Chair in Purposeful Leadership, HEC lance son programme en trois ans sur la quête de sens et le leadership, destiné à l'ensemble de la Grande Ecole, en commençant par la promotion 2019. Une initiative innovante visant à aider les étudiants à se connaître et à fédérer au service du bien commun.
Parmi les étudiants fraîchement sortis des classes préparatoires, très peu auraient pu anticiper un tel démarrage à leur scolarité au sein d’HEC Paris : une intégration par la question du sens. Le tout début d’une réflexion que les étudiants sont invités à mener depuis leur entrée jusqu’à leur sortie d’HEC. L’objectif, porté par Rodolphe Durand et Cécile de Lisle (respectivement titulaire et directrice exécutive de la chaire) au sein du centre Society & Organizations d’HEC Paris, est de sensibiliser les étudiants et de les faire réfléchir, par l’expérience et en s’appuyant sur les sciences humaines, aux enjeux du sens pour eux-mêmes, pour fédérer et pour porter la mission de l’entreprise. Un parcours conçu pour aider l’étudiant, tout au long de sa scolarité, à placer ce qui a du sens pour lui au cœur de sa relation aux autres, de son projet professionnel et de la raison d’être de l’entreprise. Un parcours pour l’aider à concevoir le sens, la raison d’être, comme un bien partagé qui engage et aligne l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise. Un parcours pour le faire réfléchir à ce qui a du sens pour lui, et à la manière dont il pourra aider ses équipes à vivre ce qui a du sens pour eux dans leur travail et à révéler ainsi pleinement leur potentiel.
Expérimenter
Ce programme a démarré par un séminaire de quatre jours, organisé fin août sur trois sites inspirants, loin du campus de Jouy-en-Josas. Tout juste sortis de deux (ou trois) années intenses de prépa, les 400 étudiants de première année (L3) du programme Grande Ecole y ont été encouragés à chercher le sens de leurs choix et de leurs engagements, mais également sensibilisés aux grands enjeux sociaux et environnementaux et à la responsabilité des entreprises par rapport à ces enjeux.
Cette découverte a eu lieu au Mont-Saint-Michel, à Saint-Cyr Coëtquidan et à Chamonix, autour de 3 axes : l’authenticité (« Être soi »), l’esprit d’équipe (« Être avec ») et la mission, la raison d’être des organisations (« Être pour »). Trois lieux qui favorisent également la découverte des enjeux sociaux et environnementaux cruciaux dans les responsabilités à venir de ces jeunes.
Être soi : savoir se trouver, malgré les sables mouvants
Dans la baie du Mont Saint-Michel, Rodolphe Durand s'est préparé à l'arrivée des 120 étudiants. « Ces jeunes n’ont pas vraiment eu le temps de réfléchir à leur projet de vie pendant ces deux-trois dernières années, » explique-t-il. « Ici, au Mont-Saint-Michel, on les aide à être plus eux-mêmes. La façon dont ils sont recrutés impose des contraintes externes, ils sont parfois conformistes, souvent semblables. Notre travail ici consiste à les aider à trouver leur individualité. En révélant leurs différences, on leur permet de travailler sur un projet personnel et professionnel, en somme un projet de vie. »
François Lamotte d'Argy a vécu ce parcours vers la quête de soi. Après une école de commerce parisienne et une carrière professionnelle au Canada. une série d’évolutions dans son système de valeurs l'ont ramené en Normandie, la région de ses grands-parents, où il est devenu guide indépendant. « Un programme comme celui-ci aide les jeunes à se reconnecter à des vraies valeurs, centrées sur la connaissance de soi et l'appréciation de la nature, » explique-t-il en marchant devant le groupe d'étudiants d’HEC. Ils avaient auparavant dû marcher pieds nus dans les sables de la baie du Mont-Saint-Michel, sous un soleil ardent. François Lamotte D'Argy a proposé des exercices de survie pour combattre les sables mouvants, de marche à marée montante et de détection de la pollution créée par l'homme. « Ces étudiants doivent réfléchir à la finalité de leur engagement professionnel. Aux liens entre l’activité économique et ses conséquences pour le monde qui nous entoure. Ils doivent laisser l’individualisme de côté et penser collectif pour le bien de la société. »
« Que faites-vous de vos échecs ? » s'enquiert Antoine Guggenheim, du cabinet Sis-up (pour Serve, Inspire, Search). Il regarde les visages perplexes d'une douzaine de participants assis en demi-cercle près du sentier du GR 223, surnommé « le plus beau kilomètre de France ». Nombre d'entre eux reprennent leur souffle après la randonnée de sept kilomètres au-dessus des falaises de Champeaux, qui donnent sur la baie du Mont-Saint-Michel. « Oui, l'échec est un nouveau concept pour beaucoup d'entre nous ici, car nous avons connu la réussite jusqu'à aujourd'hui. C'est pourtant une partie essentielle de notre humanité et cela peut être un tremplin vers le leadership et l'empathie. »
Des mots qui ont une résonance particulière pour Hubert Joly. En 2018, il s’est rapproché de son ancienne école pour créer une chaire approfondissant une conception de l’entreprise qui l'a aidé à transformer Best Buy et Carlson Wagonlit Travel au cours des dix dernières années. « Il faut être fidèle à soi-même, y compris à ses faiblesses », a-t-il avoué aux étudiants d’HEC : « Dans mon cas, j'ai passé des années à corriger une grosse erreur : confondre un désir de performance avec un désir de perfection. La plus grande force d'un leader est d'accepter ses propres vulnérabilités, comme celles de ses employés. »
Être avec : un objectif commun
A une centaine de kilomètres du Mont Saint-Michel, Xavier Boute a emmené 140 étudiants à l’Ecole spéciale militaire (ESM), en Bretagne, dans le Morbihan. « A St-Cyr, les étudiants apprennent la structure du commandement, le leadership », explique-t-il. « Cela se traduit par des déplacements, du dépassement de soi, des épreuves. Les exercices sont toujours orientés vers l’action collective. Ce n’est pas à proprement parler un stage commando, mais on pousse les étudiants vers la prise de décision collective dans la difficulté, quand on est fatigué. Dans ces situations, on n’a pas les mêmes réflexes, ni la même patience ou le même sens de l’organisation ». L’objectif du programme est de faire expérimenter à l’étudiant le fait que développer son « leadership », c’est apprendre à donner le meilleur de soi pour aider les autres à donner le meilleur d’eux-mêmes, pour un objectif qui participe au bien commun.
« Cela m’a appris à me challenger, à connaître la dynamique de groupe, » constate Alexis Gourevitch, 20 ans. « Actuellement, la structure de l’enseignement à HEC est conçue pour les managers d’équipes, » observe quant à lui Philippe Dugarreau. « Mais comment ? Pourquoi ? Ce séminaire nous oblige à nous poser ces questions, et c’est une bonne chose. Et par ailleurs les contraintes physiques du séminaire nous ont aidé à nous unir pour un bien commun. »
Être pour : une mission
« Ce qui saute aux yeux à Chamonix, c’est le défi du réchauffement mondial » remarque Bénédicte Faivre-Tavignot, directrice exécutive du Centre S&O, qui a accompagné 130 étudiants au cœur de la vallée alpine. « Ces quatre jours ici ont vocation à répondre à plusieurs questions : comment les entreprises peuvent-elles contribuer à la limitation du réchauffement climatique ? Et quel est leur rôle dans la réduction des inégalités, au moment même où le G7 se tient autour de cette question ? ». Pour aider les étudiants à se confronter à ces questions, des guides de montagne, des dirigeants d’entreprises et d’associations de la vallée, des climatologues, des économistes, des anciens diplômés d'HEC, des sauveteurs, ont partagé des moments forts avec les jeunes. Lors d’une marche difficile en direction de la Mer de Glace par exemple, ils ont réfléchi tous ensemble aux questions écologiques et éthiques posées par la fonte du glacier, de 4 à 6 mètres par an actuellement.
« Cela m’a ouvert les yeux sur ce qu’un acteur économique doit faire pour gérer ces défis, et les solutions que les acteurs locaux peuvent apporter », dit Victoire Dumon. « Face à cette urgence, le programme Purposeful Leadership me paraît cohérent, » ajoute Eléonore Fontaine. « Il est adapté au monde moderne et à ses problématiques. On a bien vu l’engagement des anciens diplômés d’HEC, ce sont des leaders qui cherchent à creuser la quête de sens. Il y a vraiment un retour, pour changer l’école et l’aider à s’adapter à ces valeurs. Il y a donc une vraie cohérence dans ce programme. »
Prendre du recul
Pour l’ensemble de la nouvelle promotion, cette expérience de quatre jours au Mont Saint-Michel, à Saint-Cyr et à Chamonix a été suivie, une semaine plus tard, par quatre jours d'ateliers, de débats et de conférences avec des dirigeants d'entreprise. Il a été lancé par un atelier de développement personnel animé par le cabinet de conseil Korn Ferry. « Une initiative formidable », conclut Alice Risetti (H95) de Korn Ferry. « C’est tellement différent de ce que j’ai pu vivre il y a 20 ans. En sortant de prépa, j'avais été très déçue par ma première semaine ici, qui m’avait semblé principalement consacrée à faire la fête et à décompresser. Aujourd’hui, les étudiants sont immédiatement confrontés aux VRAIES questions sur un plan individuel et collectif, pour savoir ce qu’ils veulent devenir. »
Durant ces quatre jours, les étudiants se sont vu proposer de très nombreux témoignages de PDG qui ont ainsi pu partager leurs trajectoires, très personnelles, sur la quête du sens. Antoine Frérot (PDG Veolia Environnement), Christopher Guérin (DG de Nexans), Hubert de Boisredon (PDG Armor), le général Bernard Barrera (Major-Général de l’Armée), Antoine Lemarchand (PDG de Nature et Découvertes), Laurence Méhaignerie (Présidente de Citizen Capital), Emery Jacquillat (PDG de Camif Matelsom) ou Valérie Mas (PDG de WeNow), entre autres, ont offert aux étudiantsleurs témoignages captivants sur leur propre quête de sens, parfois compliquée. « Aujourd'hui, nous devons réinventer le monde des affaires », souligne Emery Jacquillat. « Votre génération est responsable. Et le levier d'action le plus puissant sera le lien entre votre entreprise et vos clients. »
Approfondir
Ces quatre jours comprenaient également des échanges entre les étudiants et leurs directeurs de mémoires, afin qu’ils puissent tirer de leurs expériences respectives durant les 3 séminaires la question relative à la quête du sens qu’ils souhaitaient approfondir. Les 400 étudiants se sont donc répartis en une centaine de groupes de quatre pour formuler des questions ou des hypothèses inspirées par les séminaires et témoignages. Celles-ci ont ensuite été testées sur le terrain, au sein des entreprises partenaires du programme. « Enfin, vous pouvez tester ces questions dans le monde du travail ! », se réjouit Xavier Boute devant l’ensemble de la promotion L3 rassemblée pour l’occasion. « Maintenant vous allez interviewer des collaborateurs d’une entreprise, dirigeant ou ouvrier, sur le sens de leur travail pour eux et la mission de leur entreprise. Vous allez pouvoir expérimenter vos idées, observer la dynamique d'une entreprise, d'une ONG ou d'une association, lancer des enquêtes et en analyser les résultats, tout cela pour mieux comprendre comment s’incarne le sens dans ces organisations. »
Les meilleurs mémoires, d’une très grande qualité, ont été récompensés lors de la cérémonie de clôture du programme avec Denis Machuel, PDG de Sodexo, fin novembre. Parmi ceux-ci, se trouvent des sujets tels que « Laisser entrevoir notre vulnérabilité et prendre en compte celle d’autrui, est-il un signe de faiblesse ou bien une force ? », « Fédérer pour ou fédérer contre : le groupe et le sens auquel il adhère sont-ils formés par processus de coalescence antagoniste ou de coalescence assimilationniste ? » ou encore « Inverser ponctuellement la hiérarchie permet-il de gagner en efficacité ? ».
Depuis la création en 2018 de la Joly Family Endowed Chair in Purposeful Leadership, Rodolphe Durand et Cécile de Lisle se sont mobilisés pour développer une nouvelle conception du leadership, fondée sur le savoir-être du leader. Le programme pédagogique qu’ils développent et qui a été lancé cette année pour la nouvelle promotion est obligatoire pour tous les étudiants de la grande école et leur permet de s’interroger sur leur futur mode de management de leur entrée à leur sortie d’HEC. Il s’agit d’une une véritable immersion destinée à les guider dans l’exercice de leurs responsabilités, tout en étudiant leurs rôles et leurs devoirs envers la société et les entreprises. « Notre objectif est d'aider l’étudiant à approfondir sa connaissance de soi, sa relation aux autres et sa mission, grâce à l’expérience et aux sciences humaines et sociales », explique Cécile de Lisle. « Les étudiants utilisent les apports d'un large éventail de disciplines et confrontent leurs hypothèses aux réalités du terrain pour grandir dans leur vocation ». Ainsi les étudiants ont-ils été invités à réfléchir aux questions « Pourquoi travaillons-nous ? Quels sont les objectifs d'une entreprise ? Comment pouvons-nous trouver un sens au travail ? » en se familiarisant avec les écrits d’Hannah Arendt, Aristote, Emile Durkheim, Karl Marx ou Paul Ricœur. « Nous souhaitons favoriser les questionnements qui aident à se construire en vérité, en donnant toute leur place aux sciences humaines et sociales et en incitant les étudiants à se confronter aux injonctions contradictoires du monde du travail. » conclut Cécile de Lisle, alors que Rodolphe Durand insiste sur l'approche long terme du programme : « nous les guiderons tout au long des trois prochaines années. Tout en réfléchissant à leur projet professionnel, ils exploreront leurs vulnérabilités, leurs points forts, leurs responsabilités et leurs personnalités individuelles. »
Hubert Joly (H.81), Executive Board Chairman of Best Buy and Major Donor of HEC’s Foundation, created in July 2018, along with HEC Paris and the HEC Foundation, the Joly Family Chair in Purposeful Leadership.
Hubert Joly's exceptional gift and the commitment of Nicolas Giauque (H.93), Pascal Stefani (H.88) and Laure Fau (H.93) on this topic made it possible to set up a path on purposeful leadership for all the students of HEC throughout their studies.
This program was launched at the beginning of the academic year of September 2019 and is followed by the entire new graduating class. Read more about the HEC Foundation