Associer nouveauté et utilité nuit à l’efficacité du financement participatif
Une récente étude dédiée au financement participatif menée conjointement par HEC Paris, University of Technology Sydney, Singapore Management University et INSEAD a démontré qu’une campagne de financement est moins efficace si les idées qui sous-tendent le projet sont considérées à la fois comme pionnières et utiles.
Les chercheurs se sont intéressés au comportement de la communauté Kickstarter – la première plate-forme mondiale de financement participatif – qui valorise en premier lieu les projets qui favorisent l'innovation.
« Nous avons constaté que le caractère innovant et l'utilité, pris séparément, augmentent le potentiel de financement, mais que lorsque ces deux idées sont associées dans le même projet, cela provoque une diminution notable des financements. » déclare Cathy Yang, professeure à HEC Paris. « Ces résultats sont à la fois surprenants et décevants, car la nouveauté et l'utilité sont les deux éléments fondamentaux de l'innovation. »
« Lorsque les projets associent les deux notions, la communauté suppose instantanément que les avantages du produit sont surévalués, que celui-ci comporte un risque élevé d'échec, ou encore qu'il sera susceptible de créer des adeptes d’une part et des sceptiques de l’autre. Ces facteurs conduisent les donateurs à hésiter » ajoute Amitava Chattopadhyay, professeur de marketing à INSEAD.
« Nos découvertes sont importantes pour les entrepreneurs qui utilisent le crowdfunding, car elles incitent à la prudence dans l'élaboration d'idées qui seraient à la fois novatrices et utiles. Il est préférable de définir un projet soit uniquement novateur, soit uniquement utile » souligne Anirban Mukherjee, professeur de marketing à Singapore Management University.
A travers cette étude, les chercheurs visent à combler une lacune dans la recherche existante, car peu de choses sont encore connues sur les comportements des individus, regroupés au sein de communautés larges et anonymes, face à l'innovation.
Les chercheurs ont adopté la méthodologie suivante : ils ont d’abord examiné les projets de financement hébergés par la plateforme Kickstarter pour déterminer si les projets innovants étaient porteurs ou pas de succès. Ils ont ensuite cherché à évaluer l'effet de l’association de la nouveauté et de l'utilité dans un même projet, ses conséquences sur le montant promis par les donateurs, pour établir quels facteurs impactent le plus le financement de projets.
Les données analysées concernent 50 130 projets, répartis en neuf catégories de produits, et ce, depuis le lancement de Kickstarter en 2009 et jusqu'en février 2017.
Pour mieux comprendre les résultats obtenus au cours de cette étude, le professeur Yang indique : « d’abord, il arrive parfois qu’un projet n’atteigne pas ses objectifs de financement. Dans ce cas, les investisseurs sont remboursés mais le produit n’est pas développé. Il est ensuite possible que les utilisateurs de Kickstarter mettent en cause la capacité du créateur d’un projet à délivrer le produit dans le délai imparti. Une étude récente a révélé par exemple que plus des 75% des projets financés avec succès sur Kickstarter avaient été retardés ou avaient échoué. »
« Sur Kickstarter les projets sont décrits sous forme de plans détaillés plus que sous forme de descriptions précises du produit final. Au fur et à mesure qu'un projet évolue, le créateur peut donc apporter des changements importants, sans l'assentiment des donateurs. »
L’article de recherche intitulé « Does the Crowd Support Innovation? Innovation Claims and Success on Kickstarter » a été co-rédigé par Anirban Mukherjee, professeur de marketing à Singapore Management University, Cathy Yang, professeur de marketing à HEC Paris, Ping Xiao, maître de conférence à University of Technology Sydney et Amitava Chattopadhyay, professeur de marketing à INSEAD.
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HEC Paris : Leyla Douci-Habane, +33 1 39 67 94 23, douci@hec.fr