Le découplage économique deviendra-t-il la norme après la crise du coronavirus ?
Les craintes liées à la démondialisation et au découplage économique ne sont pas nouvelles, et elles se sont accrues suite à l'apparition du coronavirus. Jeremy Ghez, professeur d’économie et d’affaires internationales, explique comment l'épidémie de Covid-19 pourrait influencer l'environnement international des affaires*.
Le coronavirus a des répercussions considérables sur l'économie mondiale. Comment remet-il en cause notre vision de la mondialisation ?
Le coronavirus remet en question quatre grands principes de la mondialisation et de l’environnement international des affaires :
- La liberté de circulation des biens et des personnes sera toujours garantie ;
- Nous aurons toujours le droit d'accès aux informations nécessaires pour prendre des décisions fondées sur des données précises ;
- Les gouvernements auront toujours la légitimité d'agir, notamment à la suite d'une crise sanitaire ;
- Nous passerons à un nouveau modèle de manière linéaire et progressive.
Quels sont les potentiels impacts sur le secteur commercial ? Et quel type d'entreprise survit le mieux à une telle crise ?
Si l'une de ces hypothèses s'avère fausse, c’est l’avenir de la mondialisation qui serait en question. Cela ne veut pas dire que le statu quo, le business as usual, est impossible. Il s'agit toujours d'un scénario plausible. Toutefois, cela signifie que l’environnement international pourrait lui aussi subir des mutations profondes. Seules les rares entreprises ayant anticipé ce nouveau contexte pourraient être en mesure de se reconstruire. Mon analyse montre que les entreprises ayant des activités locales et investissant dans des écosystèmes locaux pourraient créer plus de richesse que ce que les experts suggèrent. Cela pourrait remettre en question la légitimité de la délocalisation - on peut s'attendre à un débat sur cette question, d'autant plus qu'un tournant a déjà été amorcé, avant même le début de la crise du coronavirus.
Dans ce nouveau contexte de crise, peut-on toujours parler de stratégie internationale gagnante ?
Il faut tout d’abord s’accorder sur la définition d’une stratégie globale gagnante dans ce nouveau contexte. Il peut s'agir d'une stratégie dans laquelle les différents acteurs investissent leurs ressources dans des produits, des services et des marques uniques et différenciés qu’ils peuvent mettre en valeur dans le monde entier. Elle peut aussi nous amener à réfléchir sur la diversité, qui ne peut pas uniquement servir à faire le buzz, mais qui doit aussi permettre de générer de nouvelles idées - ce dont nous avons désespérément besoin.
Le coronavirus a aussi montré que la notion de valeur partagée, l’idée selon laquelle il n'y a pas de contradiction inhérente entre l'intérêt privé des entreprises et celui de la société dans son ensemble - n'est pas illusoire. Les entreprises s'empressent de participer aux efforts visant à remédier aux défaillances du marché, lorsqu'il s'agit du manque de gel hydro-alcoolique ou même de ventilateurs. Elles n'étaient pas toutes forcées à le faire par les pouvoirs publics, mais elles savent que si leur écosystème pourrit de l'intérieur, il se peut très bien qu'il n'y ait pas de marché ou de classe moyenne à qui vendre à terme. Les efforts visant à accélérer la sortie de la crise sont d'autant plus significatifs.
*HEC Paris Executive Education organise une série de webinaires gratuits pour mieux faire face à la crise provoquée par le Covid-19. Les professeurs présentent leur analyse sur la situation actuelle et donnent des conseils sur la manière de s'en sortir. Cet article est tiré du premier webinaire, « Le découplage économique deviendra-t-il la nouvelle norme face au coronavirus ? »