Économie et climat : le temps des tensions
Économie et climat : le temps des tensionsAprès une première partie d’année marquée par la hausse continue de l’inflation et une séquence retraites particulièrement houleuse, l'édition de juillet 2023 du Baromètre des décideurs Viavoice – HEC Paris – Le Figaro - BFM Business s’inscrit, pour la première fois depuis plusieurs mois, dans un contexte de relative stabilité économique et sociale. Concernant la question climatique, notre enquête révèle des tensions entre modération et décroissance d'un côté et adaptation ou mutations de l'autre.
Le moral des cadres : une embellie stabilisée
Alors que l’édition du mois de mai présentait un indice synthétique du moral des décideurs en hausse de 16 points depuis la précédente prise de température, soit son score le plus haut depuis près d’une année, cette nouvelle livraison du baromètre confirme une embellie qui se stabilise.
Le moral des cadres Français s’établit en ce mois de juillet à -24, soit son score le plus haut depuis le printemps 2022 (- 23). La période estivale étant désormais suffisamment ouverte pour éclaircir les anticipations et insuffisamment intense, même si cela ne saurait tarder, pour intensifier l’inquiétude des opinions sur le dérèglement climatique, la période est à une forme d’accalmie et de transition.
- Un quart des décideurs et 17 % de la population française estiment que le niveau de vie s’améliorera en France dans les prochains mois ;
- Si seuls 39 % des cadres craignent une augmentation du nombre de chômeurs en France dans les mois qui viennent, plus de la moitié de la population française partagent cette crainte (+ 5 points depuis le mois de mai 2023)
- Un quart des cadres et 17 % du grand public estime que leur situation financière va s’améliorer dans les mois qui viennent
- S’agissant de la motivation perçue des collaborateurs, elle reste stable, 43 % s’agissant des cadres et 36 % des actifs
- Concernant enfin l’évolution anticipée des opportunités de progression de carrière, 27 % des cadres et 1 actif sur 4 estiment qu’elles seront plus importantes dans les mois à venir
Une stabilité propre à un moment de l’année qui offre une période de répit à des cadres et une opinion souvent éloignés de leur environnement professionnel, ainsi qu’à une conjoncture d’actualité relativement moins secouée d’annonces et de débats socio-économiques que ce fut le cas les mois et semaines précédents.
La croissance économique et l’urgence climatique : l’avènement de tensions structurantes
Les résultats de cette nouvelle édition du Baromètre des Décideurs soulignent certes une opinion de plus en réceptive au principe de sobriété et de mise en cause de la seule croissance comme critère d’évaluation du progrès :
- Plus de 6 cadres et 6 Français sur 10 estiment que l’urgence climatique remet en cause la pertinence de la croissance comme seule indicateur de santé économique. Enseignement frappant qui témoigne d’une perméabilité de plus en plus marquée de l’opinion vis-à-vis de ces positions : seuls 6 % d’entre eux se déclarent « pas du tout » en phase avec cette proposition.
- En ligne avec ces enseignements, 60 % des cadres et près de 6 Français sur 10 estiment que le réchauffement climatique doit inciter les acteurs économiques et les ménages à aller vers une stagnation, voire une réduction de la richesse économique produite. Un signal d’une opinion publique là-aussi moins réfractaire qu’on ne pourrait l’imaginer quant à l’idée de modération de la croissance.
Climat : les comportements individuels changent mais les efforts des entreprises tardent
Cette dimension, à la fois collectivement engageante et « de principe », accompagne une déclaration de mutations des comportements :
Un Français sur deux déclare avoir renoncé à certaines pratiques de consommation, ces dernières années, en raison du changement climatique. Si ce résultat doit être entendu avec précaution s’agissant d’un mode d’expression strictement déclaratif, il est au moins éloquent s’agissant du lien établi entre initiatives collectives et responsabilités individuelles.
Point noir s’agissant des efforts collectifs : seuls 37 % des cadres et 27 % des actifs déclarent que leur entreprise ou organisation a mis en place des transformations ou adaptations pour faire face au réchauffement climatique. De quoi tempérer les velléités de bouleversement d’évaluation de la santé économique du pays…
Modération ou décroissance ? Adaptations ou mutations ?
Ainsi sur ce défi cardinal "économie et climat", ce qui se dessine aujourd’hui sont deux tensions structurantes majeures en termes d’opinion :
- Une tension entre un désir de « modération » de la richesse produite (sur l’autel du climat), et par ailleurs des aspirations majeures à progresser en termes de pouvoir d’achat et de prestations de toutes natures ;
- Pour les entreprises, une tension entre « adaptations » face au climat (réduction de la consommation d’énergie, des déchets, etc. sont les principales actions citées), et réelle mutation des business models.
Si ni la décroissance générale, ni les adaptations marginales des entreprises ne constituent probablement des solutions d’avenir viables, cela signifie que les temps qui viennent appellent des solutions en matière d’innovations, de croissances vertes, et de nouveaux business models. À la lecture des résultats de cette étude, cet été 2023 n’est peut-être que l’aube d’une nouvelle ère économique et climatique.
Synthèse par Adrien Broche et François Miquet-Marty, Viavoice