« L’égalité femmes-hommes générerait 28 000 milliards de dollars dans le monde »

Le 29 novembre 2023, les 50 ans de la mixité à HEC Paris ont été célébrés par l’école, l’association des diplômés et le club alumni HEC We&Men en présence de trois ministres français, devant plus de 300 diplômés, étudiants et membres du personnel au Pavillon Dauphine. L’occasion de faire le point sur les initiatives passées, le potentiel économique que représente l’égalité femmes-hommes et les actions concrètes à mettre en place pour une approche plus équitable et durable de la parité.   

^{Auteur/Author of this article: Frédéric Voirin}

28 000 milliards de dollars dans le monde ! C’est le chiffre que générerait l’égalité femmes-hommes selon le collectif d’entrepreneuses Sista et que le président de l’association HEC Alumni, Adrien Couret, a repris à son compte lors du discours qu’il a tenu à l’occasion de la soirée des 50 ans de mixité à HEC. Une statistique qui n’a pas laissé insensible l’audience : « ça y est, on a trouvé la solution pour avoir plus de croissance : il faut plus de femmes ! », rebondit Hedwige Chevrillon (MBA 84), rédactrice en chef de BFM Business et modératrice du panel.

28 000 milliards de dollars, cela nous indique également le chemin à parcourir. Moins de 4% de femmes occupent des postes de direction dans une entreprises du CAC 40 et l’on ne compte qu’une seule femme à la tête d'une entreprise du Next40 2023 publié par la French Tech. Autre fossé à combler, seulement 2% des fonds mondiaux investis dans les start-ups vont à celles fondées par des femmes.

C’est pour engager un changement que le collectif Sista avait menée une opération choc le 8 mars 2023 sur LinkedIn en proposant à des personnalités masculines très suivie, dont Eloïc Peyrache, de confier leur profil à une femme entrepreneure afin de donner davantage de visibilité aux femmes dans la tech.  

La mixité, source de compétitivité pour les entreprises 

Présente sur scène lors de cet anniversaire de la mixité à HEC, Agnès Pannier-Runacher (H.95), ministre de la Transition énergétique, est très claire sur l’avantage compétitif d’une économie inclusive. « La macroéconomie dit sans aucune ambiguïté que l’inclusion est un facteur de compétitivité d’un pays. Donc oui, la place des femmes est à développer pour porter une croissance nationale et internationale ». 

A ses côtés, Bérengère Couillard, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, s’inquiète de la pénurie de profils féminins dans le secteur de la technologie – où les salariées européennes ne représentent que 22% des emplois - et renchérit : « la France ne sera pas compétitive, notamment à l’international, sans femmes dans la Tech. » Ses propos font écho à la récente conférence incitative WomenInTech du centre Hi!Paris et divers témoignages de professionnelles de la Tech venues à HEC Paris lors de la Digital & Tech Fair 2023.

« La place des femmes est à développer pour porter une croissance nationale et internationale »

Plus de femmes à des postes de direction et dans toute l’économie

Côté microéconomie, même constat. Agnès Pannier-Runacher précise que « des comités exécutifs diversifiés par le genre, les origines sociales, mais aussi par des personnes issues d’études différentes – faculté, école privée, apprentissage ou parcours pro – ont des performances bien meilleures que ceux composés dans l’entre-soi. »

Exemple à la clé, Valérie Baudson (H.95), dirigeante d’Amundi, seconde plus grande société de gestion d'actifs en Europe qui gère près de 2000 milliards d’euros dans le monde, rappelle que « la diversité en général, et la mixité en particulier, sont une source de performance pour les entreprises. Notre comité stratégique vote systématiquement contre les renouvellements des conseils d’administration dans les sociétés qui ne prônent pas la mixité. » 

« Les comités exécutifs diversifiés ont des performances bien meilleures que ceux composés dans l’entre-soi. » 

« En France, on est bon pour faire des lois pour les femmes, mais moins pour leur faire une véritable place » rappelle son collègue Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, également invité sur scène pour l’événement. A la suite de sa réflexion, l’audience rebondit sur le facteur d’action légale pour l’intérêt général.

La possibilité d’élargissement de la loi Copé-Zimmerman au-delà des conseils d’administration pour rééquilibrer de manière paritaire les comités de directions, mais également l’ensemble des salariés des secteurs publics et privés est légitimement proposée dans l’assistance.  

Egalité salariale, mentorat et réduction des biais, 3 facteurs sur lesquels agir pour l’égalité femmes-hommes

Egalité salariale

Le premier indicateur objectif sur lequel on peut agir en entreprises, selon Bérengère Couillard, est l’égalité salariale. En effet, malgré la loi Roudy sur l’égalité professionnelle promulguée en 1983 en France, « un écart de 4,2% persiste entre les salaires des hommes et des femmes » encore en 2023. Il faut donc encourager les entreprises à pallier cet écart.  

« Un écart de 4,2% persiste entre les salaires des hommes et des femmes encore en 2023 » 

Mentorat

Deuxième facteur concret d’engagement en faveur des femmes, le développement du mentorat est encouragé. Via divers collectifs de soutien professionnel (IndustriElles, Les femmes de la Tech, Elles Bougent), le gouvernement espère atteindre 100.000 femmes mentorées d’ici 2027 en France. Les trois ministres présents invitent d’ailleurs l’ensemble des alumnis et personnels présents lors de cette cérémonie à venir partager leur expérience auprès des femmes mentorées.   

Troisième facteur d’influence : la réduction des biais cognitifs.

Comme confirmation du temps long nécessaire encore aujourd’hui pour mettre en place des initiatives d’égalité femmes-hommes en entreprises, on citera Éric Lombard (H.81). Le patron de la Caisse des dépôts et acteur du changement des modes de nomination des grands dirigeants annonce avoir effectué un travail sur les biais lors des entretiens d’embauche. « La Caisse des dépôts a décidé de faire de l’année 2024 l’année des parités », lance-t-il en soulignant que son Comex est entièrement paritaire. « Et je peux vous dire que ça, c’est six ans de boulot ! » 

Des biais de genre encore persistants à grande échelle

Selon les récentes conclusions du baromètre des stéréotypes de genres de l’association française des managers de la diversité et de la Conférence des Grandes Ecoles, 80,1% des étudiants sondés considèrent que "les hommes et les femmes possèdent des compétences et des qualités professionnelles identiques", pourtant encore « 60,5% citent au moins une compétence comme plus féminine ou plus masculine. » 

Même problème de biais genrés dans la génération précédente : selon l’étude IPSOS-Epitech consacrée aux modalités d’orientation des filles et des garçons vers les métiers du numérique « seulement 33% des filles sont encouragées par leurs parents à s’orienter vers les métiers du numérique contre 61% des garçons ». Cela confirme donc que des biais de genre s’infiltrent dans les projections que nous faisons pour nos enfants et dans nos façons d’accompagner leur orientation.  

« Seulement 33% des filles sont encouragées par leurs parents à s’orienter vers les métiers du numérique contre 61% des garçons »

Cette même étude nous apprend que « si 56% des lycéennes s’intéressent à l’informatique, seulement 37% pensent s’orienter vers des études d’ingénieurs ou d’informatique ». En cause, le fameux syndrome de l’imposteur, ce sentiment de ne pas être à la hauteur : « parmi les lycéennes ayant une moyenne générale d’au moins 14/20, 43% se pensent capables de faire des études d’informatique, contre 78% des garçons ayant un même niveau scolaire ».

Marguerite Gallant (H.03), directrice de l’association HEC Alumni, donne d’ailleurs un conseil très avisé à toutes les jeunes filles qui voudraient plus tard se lancer dans une carrière d’ingénieure, dans la tech ou dans le commerce : « Faites des Maths ! C’est une matière objectivement évaluée qui vous servira toute votre vie. »  

« Message à toutes les jeunes filles : faites des Maths ! C’est une matière objectivement évaluée qui vous servira toute votre vie. »  

Vers encore plus de solidarité à HEC pour les femmes défavorisées

Un principe plus général de responsabilité collective est partagé par l’audience présente à cette soirée des 50 ans de la mixité à HEC, pour retisser du lien social, donner leur chance à des profils défavorisés et resouder les talents tous horizons confondus. 

Agnès Pannier-Runacher indique que ce dernier point est fondamental. « On a une responsabilité, en tant que privilégiés, car actuellement dans le monde 70% des personnes pauvres sont des femmes. Comment faire en sorte que les femmes aient confiance en elles et qu'elles accèdent à des postes opérationnels, des postes dans des secteurs qui sont présumés masculins comme l'industrie, les sciences ou les technologies mais aussi à des postes de direction ?  Cet anniversaire de la mixité est une invitation à réfléchir au rôle que les HEC peuvent avoir en tant que personnes de pouvoir, qui pilotent des activités économiques et peuvent permettre à d'autres qui ont moins de pouvoir - et en particulier les femmes – d’avoir une main tendue, d’avoir confiance en elles, d'accéder à un emploi alors qu'elles n'ont pas forcément le CV le mieux calibré, de se voir redonner une chance de connaître leur propre développement. Je crois aussi que cela passe par le mentoring, par l'accompagnement des jeunes. Chacun peut le faire à sa manière, mais je crois que nous avons toutes et tous une responsabilité, hommes et femmes à HEC. » 

« Cet anniversaire de la mixité est une invitation à réfléchir au rôle que les HEC peuvent avoir en tant que personnes de pouvoir, pour aider des personnes défavorisées - et en particulier les femmes – d’avoir une main tendue, d’avoir confiance en elles, de se voir redonner une chance de connaître leur propre développement »

Cet anniversaire de la mixité a donc aussi permis l’annonce officielle d’un nouveau programme annuel de bourse d’études offert par la Fondation Laidlaw à 10 femmes issues de milieu défavorisé pour financer leur MBA à HEC Paris. Susanna Kempe, directrice générale de la fondation Laidlaw, a livré un témoignage sincère sur ses motivations. « Nous savons que des femmes exceptionnelles pourront acquérir les compétences, les connaissances et le réseau nécessaires pour se construire une belle carrière grâce à HEC. Nous pensons que ces bourses vont changer les vies de ces femmes et les préparer à être de meilleures leadeuses. Cela va changer leurs vies, mais aussi le monde des affaires : la mixité dans le business assure de meilleures affaires, plus profitables mais aussi plus équitables. »  

A ses côtés, Eloïc Peyrache rappelle que « HEC est tournée vers des sujets d’impact, notamment avec l’ascenseur social que représente le programme StandUp. Cet accompagnement gratuit a déjà aidé 350 femmes entrepreneuses issues de quartiers défavorisés à s’insérer professionnellement et on souhaite atteindre 600 femmes aidées prochainement. » 

" La mixité dans le business assure de meilleures affaires, plus profitables mais aussi plus équitables."

Au-delà de la célébration de cet anniversaire, cette soirée aura permis de maximiser les forces de la communauté HEC pour la sensibilisation et la poursuite d’actions concrètes en faveur de l’égalité femmes-hommes. De quoi être optimiste pour les cinquante prochaines années ? L’avenir le dira car comme l’a souligné la maîtresse de cette cérémonie, Hélène Bourbouloux, présidente du club alumni HEC We&Men et administratrice juidiciaire à la tête du cabinet FHB, en saluant l’engagement collectif et féministe des ministres présents et de l’équipe HEC : « plus on se projette dans un futur avec des valeurs communes, plus on a de chances de le voir advenir. »  

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