Durabilité, nouvelles technologies, éthique, talents : les défis de la finance dans un monde qui change
Durabilité, nouvelles technologies, éthique, talents : les défis de la finance dans un monde qui changeA l'occasion du renouvellement de la Chaire d'enseignement BNP Paribas avec HEC Paris en janvier 2024, et désormais intitulée "Le future de la finance", nous avons interrogé Sophie Javary (H.80), vice-présidente de la banque d’investissement BNP Paribas et Pascal Quiry, professeur de finance à HEC Paris, directeur de la chaire et co-auteur du Vernimmen. Ils nous livrent un regard croisé sur les transformations du secteur financier et comment la pédagogie et la formation se renouvellent aussi.
Initialement intitulée "Finance d'entreprise" lors de sa création en 2012, la chaire d’enseignement BNP Paribas - HEC Paris a adopté le thème du "Future de la finance". Pourquoi ce changement ?
Sophie Javary: Nous avons décidé de renommer la chaire d'enseignement BNP Paribas-HEC Paris « The Future of Finance » compte tenu de la volonté de l’inscrire dans un cadre plus général et incorporant des sujets de “sustainability” de façon plus fournie. Le renouvellement de la chaire inclura la création d’un cours électif « Ethics & Compliance » et le soutien à la recherche grâce au HEC Paris Center for Impact Finance.
Le secteur financier se mobilise de plus en plus autour des enjeux de durabilité et promeut l’utilisation des capitaux au profit des activités plus durables. Cette évolution est motivée par une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance parmi les investisseurs, les clients, les employés et le grand public.
Former les étudiants à ces sujets les prépare à ce paysage en constante évolution régi par de nouvelles réglementations et normes internationales. Comprendre ces enjeux est clé pour identifier et gérer les risques associés mais également pour ouvrir de nouvelles voies vers l’innovation et l’investissement et permettre à la finance de jouer son rôle dans les mutations en cours et la nécessité de financer la transition vers un monde plus durable.
Pascal Quiry: Parce que BNP Paribas est la banque d’un monde qui change ! Lorsque la chaire a été créée à mon départ de BNP Paribas en 2012, la finance d’entreprise comme son axe central initial, était naturelle compte tenu de ce qui avait été mon métier principal (les fusions-acquisitions) et de mes cours à HEC. Depuis, d’autres entités de BNP Paribas comme la gestion d’actifs pour compte de tiers ou la compliance ont trouvé un intérêt à cette chaire à HEC Paris. Il est donc normal d'en tirer les conséquences et de réadapter son nom.
Pouvez-vous nous rappeler les objectifs pédagogiques de cette chaire ?
Sophie Javary: BNP Paribas est associée depuis 2012 à HEC Paris au travers de cette chaire d’enseignement. De nombreux professionnels de la banque enseignent la finance à HEC Paris et nous nous engageons à maintenir cette tradition.
L’objectif principal de cette chaire est de promouvoir un lien étroit entre le monde académique et le monde des affaires. La chaire permet à BNP Paribas de soutenir les programmes académiques de l’école et d’être associé à la production de matériel pédagogique d’excellence en matière de finance d’entreprise.
Cette année nous devenons également membre du centre « Impact Finance » d’HEC Paris basé sur l’idée que la finance peut aider à résoudre les défis économiques, technologiques, climatiques et sociaux d'aujourd'hui et de demain.
Pascal Quiry: D’une certaine façon, les racines de cette chaire remonte à 1972 ! Paribas avait alors envoyé plusieurs de ses cadres dirigeants se former à HEC Executive Education (on disait à l’époque au Centre de formation Continue, le CFC) dans les cours de finance d’entreprise donné par Pierre Vernimmen, qui avait 26 ans. Puis, Paribas l’a approché pour qu’il aide la banque à créer son propre centre de formation interne. C’est ainsi que Pierre Vernimmen est devenu salarié de la RH de Paribas, puis homme de M&A jusqu’à prendre la responsabilité mondiale de cette ligne de métier, tout en continuant d’enseigner à Jouy, jusqu’en 1996.
Autour de quelles valeurs communes envisagez-vous le futur de ce partenariat entre HEC Paris et BNP Paribas ?
Sophie Javary : Je vois ce partenariat entre HEC Paris et BNP Paribas s'articuler autour de plusieurs valeurs fondamentales.
Tout d'abord, l'innovation est essentielle. Nous souhaitons encourager une culture d'innovation constante pour répondre aux défis du secteur financier.
Ensuite, l'intégrité et la responsabilité sociale doivent être au cœur de nos activités, reflétant notre engagement envers l'éthique et la durabilité.
La collaboration est également cruciale, favorisant un échange enrichissant entre théorie académique et pratique bancaire.
Enfin, l'engagement envers l'éducation et le développement professionnel continu doit être une priorité, assurant ainsi que les futurs professionnels du secteur financier soient bien préparés aux défis et opportunités à venir.
Pascal Quiry : Dans un monde financier trop souvent présenté comme froid, et en caricaturant où chacun cherche à faire triompher ses intérêts les plus étroits, le partenariat HEC - BNP Paribas montre que la fidélité dans la durée est une valeur qui n’a pas perdu de son actualité ! Merci Sophie de tes efforts incessants dans ce sens pour HEC et pour BNP Paribas.
Selon vous, quels sont les grands défis pour le futur de la finance ?
Sophie Javary : J’identifie quatre grands défis pour le futur de la finance :
- La nécessité d’aligner les activités financières avec les objectifs de développement durable, notamment en matière de changement climatique, de responsabilité sociale et de gouvernance éthique ;
- Le développement des nouvelles technologies comme l'intelligence artificielle et la blockchain ainsi que la digitalisation des services financiers avec pour objectif d’améliorer l'efficacité, la transparence et l'accessibilité, tout en gérant les risques associés tels que la sécurité des données, le risque cyber et les défis de l'inclusion financière ;
- La réglementation qui représente un défi permanent dans la mesure où le périmètre et la complexité des exigences réglementaires ont fortement cru ces dernières années ;
- L’attractivité des talents pour former en Europe dans des filières d’excellence les leaders de demain.
Pascal Quiry : J’ajoute, et c’est là le travail d’un pédagogue, de rendre les raisonnements de la finance accessible au plus grand nombre, et pas seulement aux étudiants d’HEC ou des grandes écoles. D’où par exemple mes formations digitales à la finance d’entreprise (ICCF@HEC Paris) ; ou de mes actions dans les médias pour expliquer que les dividendes ne rémunèrent pas les actionnaires comme le salaire le salarié, mais réallouent le plus souvent les capitaux de secteurs qui en ont trop vers ceux naissants qui en requièrent ; ou pour expliquer que les rachats d’actions n’ont pas pour objectifs, ni résultats, de faire monter les cours !