Adopter le leadership éclairé et porter ses équipes dans des projets qui ont du sens
Pour répondre aux grands enjeux actuels, le leader doit être en mesure de proposer à ses collaborateurs des projets en accord avec leurs aspirations personnelles et citoyennes. Il doit les préparer au fait que les grands projets d’innovation comprennent des phases d’échec qu’il faut apprendre à gérer. Christopher Hogg, professeur affilié d’HEC Paris, nous parle de ce nouveau leadership éclairé qui occupe une place centrale dans le Global Executive Master in Management (GEMM) d’HEC Paris Executive Education.
Penser collectif et bien comprendre ses équipes
Le rôle du leader a beaucoup évolué ces dernières années. Loin de la figure archaïque du chef autoritaire et parfois despotique enfermé dans sa tour d’ivoire, les nouveaux dirigeants ont intégré les notions de communauté et d’interaction. « L’image de l’entrepreneur solitaire, brillant et omniscient des années 90 s’est encornée avec le temps, confirme Christopher Hogg. Dans un monde qui bouge plus vite, il faut avancer de manière collective. Aujourd’hui, les investisseurs ne misent plus sur une personnalité mais avant tout sur une équipe. »
Dans ce nouveau paradigme entrepreneurial, le leader doit comprendre de quelle manière chaque collaborateur est utile à la réussite du groupe. Le professeur rappelle que l’exigence de diversité, souvent mise en avant par les services des ressources humaines (autant d’un point de vue social qu’au regard de l’expérience et des compétences) s’accompagne impérativement d’un effort d’ouverture du dirigeant sur les différents métiers et le fonctionnement de l’ensemble des équipes.
Dorénavant, on attend du leader qu’il soit un pilote avant d’être un patron, qu’il anime ses équipes, qu’il les challenge, qu’il interagisse avec les salariés et qu’il créée les conditions nécessaires à l’émergence d’une intelligence collective.
« La créativité requiert un mélange de profils complémentaires, assure Christopher Hogg. Par exemple, pour faire du design thinking, on réunit des ingénieurs, des designers et des commerciaux d’âges et de cultures différentes. » Or, pour composer des pools performants, il est nécessaire d’avoir une bonne connaissance du parcours, des compétences et des activités de chacun. C’est la qualité première du leader éclairé.
Concilier l’inventivité, l’agilité et la responsabilité
En tant que pilote, le leader donne le cap. Et c’est encore mieux si la destination finale suscite l’émulation. « Pour être suivi, il faut que le leader parvienne à inspirer ses équipes », ajoute le professeur Hogg. Pour motiver ses troupes, il se tourne de plus en plus vers des solutions soutenables qui répondent aux grandes problématiques du moment comme la transition énergétique. Le prestige d’une entreprise et les salaires qu’elle propose ne suffisent plus à recruter les meilleurs talents et à les fidéliser.
« Il doit y avoir un alignement entre l’entrepreneuriat et le sens », précise l’enseignant. Un besoin qui a évidemment été amplifié et qui s’est accéléré avec les prises de consciences engendrées par la pandémie de Covid-19. Si l’établissement de « valeurs communes » au sein d’une entreprise est évidemment fédérateur, il estime qu’il est nécessaire de ne pas les surinvestir et qu’il est prudent de les relativiser (car il y voit un risque de dérive de type totalitaire). Christopher Hogg est convaincu de la nécessité, pour le leader, de partager sa vision avec ses équipes. « Même si la finalité du projet commun n’est pas la même pour tout le monde, il faut qu’il ait une signification personnelle pour l’ensemble des salariés. »
L’éthique et la responsabilité sociale et environnementale figurent en bonne place parmi les aspirations des collaborateurs, notamment les jeunes diplômés. Or il n’est pas simple de s’engager dans un processus plus durable qui soit porteur de sens pour tout le monde. Christopher Hogg donne l’exemple de la restructuration de l’industrie automobile. Comment passer à la construction de véhicules électriques, moins polluants et donc plus écologiques, sans fragiliser une partie du corps social de l’entreprise ? D’un côté, cette évolution entraine des créations de postes dans la technologie mais, inévitablement, les métiers qui étaient liés au moteur à explosion vont disparaître et de nombreux emplois seront détruits.
Il insiste sur le fait que « les changements profonds dans la chaîne de valeur demandent au leader d’avoir à la fois une conscience écologique et une conscience sociale fortes. » Pour relever un défi de cette envergure, il faut une bonne dose d’inventivité et de flexibilité.
Se préparer à échouer pour mieux innover
Mais Christopher Hogg pointe justement l’injonction paradoxale qui consiste à exiger du leader une capacité à s’adapter au présent en permanence (la désormais incontournable agilité), tout en s’inscrivant dans le long terme via des projets durables.
« L’agilité ne doit pas être un facteur d’insécurité sociale » souligne-t-il. « Sinon, cela crée un décalage entre le discours du leader et les difficultés vécues dans ses équipes. L’impératif de changement suppose d’embarquer l’ensemble des salariés dans une nouvelle aventure. »
D’autre part, il rappelle que les investisseurs consacrent davantage de ressources financières à l’innovation qu’à l’amélioration continue des process existants. Le leader a donc tout intérêt à lancer de grands projets d’innovation. Mais, en amont, il doit préparer tout le monde au risque élevé d’échec. « À chaque étape du processus de développement d’une startup il y a environ 75% d’échec, précise Hogg. Ce n’est pas grave en soi car, in fine, il y aura de la création de valeur. Mais pour éviter le violent impact que peut avoir l’échec sur les salariés, il faut les préparer, renforcer leur capacité de résilience et prévoir des stratégies pour rebondir. »
Avant de se lancer dans une aventure entrepreneuriale, il est important de s’assurer que la prise de risques est bien acceptée par tous, et comprise comme étant commune. Ce qui veut dire qu’en cas de succès, le bénéfice de la réussite sera partagé. Et qu’en cas d’échec, personne ne se sentira coupable ou mis en grande fragilité professionnelle. « Il faut faire en sorte que personne ne se retrouve sans corde de rappel en cas de chute », insiste le professeur Hogg.
Le leader éclairé ne se contente pas de gérer ses équipes. Il partage ses idées avec elles, les entraine dans des projets chargés de sens et les accompagne autant dans les succès que dans les inévitables défaites. L’objectif du nouveau programme General Executive Master in Management (GEMM) est de former les dirigeants d’aujourd’hui et de demain à tous ces aspects du leadership moderne.