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Le nouveau plan ambitieux de l'Office chérifien des phosphates (OCP) promet des avancées significatives. Prévoyant notamment une augmentation des capacités de production d'engrais, cet engagement se traduit également par la promesse de parvenir à la neutralité carbone avant 2040. De plus, ce projet d'envergure devrait créer pas moins de 25 000 emplois. Anne Frisch, directrice académique du certificat Business Performance Management, examine en détail cette stratégie dans le cadre d'une analyse minutieuse de la performance ESG du groupe.

Une professionnelle parlant au microphone pendant la réunion.

ESG, un voyage aux sources et sa distinction avec la RSE


Dans le tumulte des acronymes qui jalonnent le paysage des affaires, l'ESG a pris une place de choix. Mais d'où vient cette appellation et en quoi se distingue-t-elle de la RSE ? C'est en plongeant dans les méandres des années 2000-2004 que l'on découvre les racines de ce concept, semées par l'ONU à travers le Pacte Mondial, également connu sous le nom d'UN Global Compact dans les arcanes de la diplomatie anglophone.

Cette initiative monumentale a marqué un tournant dans la sensibilisation aux enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance. Sous l'égide de Kofi Annan, alors Secrétaire Général des Nations Unies, elle a donné naissance, en 2006, aux principes de l'investissement responsable. 

Aujourd'hui, en juillet 2023, pas moins de 5300 investisseurs ont signé ces principes, témoignant ainsi de l'ancrage international de l'ESG.

 

Mais quelles sont les nuances entre l'ESG et la RSE ? La RSE, ou Responsabilité Sociale des Entreprises, fait écho à des préoccupations internes à l'entreprise, tandis que l'ESG s'articule autour des attentes des investisseurs et des fluctuations des marchés financiers. Deux perspectives pour un même objectif : la durabilité


L’Office chérifien des phosphates, leader mondial du secteur 


L'Office chérifien des phosphates (OCP), une figure de proue mondiale du secteur de l'agrochimie, orchestre l'intégralité de la chaîne de valeur des phosphates. Quelques chiffres clés éclairent l'ampleur de son influence : premier exportateur mondial de phosphates, il détient une part de marché mondiale de 25%.

Capture d'écrans d'une présentation des chiffres clés du groupe OCP
Quelques chiffres clés en 2022

Fondé au Maroc en 1920, l'OCP est aujourd'hui en grande partie détenu par l'État marocain, à hauteur de 95%. Doté d'une intégration verticale exemplaire, le groupe emploie près de 18 000 personnes, majoritairement au Maroc, et enregistre un chiffre d'affaires colossal de 11 milliards de dollars, dont 64% proviennent de la vente d'engrais.

Profitable, l'OCP a généré un EBITDA de 4,9 milliards de dollars en 2022, représentant 44% de son chiffre d'affaires. En 2022, ses investissements se sont élevés à 1,9 milliard de dollars US.

Ses concurrents, disséminés à travers le globe, comprennent des acteurs de renom tels que Maaden en Arabie Saoudite, Mosaic aux États-Unis, Yara en Norvège, ainsi que plusieurs entreprises basées en Chine, dont Wengfu. En effet, l'OCP ne se limite pas aux frontières marocaines : il incarne une entreprise de stature internationale, façonnant de manière significative la production d'engrais phosphatés à l'échelle mondiale.


Un nouveau plan d'investissement vert pour OCP Group


Plongeons dans les profondeurs du nouveau plan d’investissement vert du Groupe OCP, dévoilé fin 2022.

Capture d'écran d'une présentation des chiffres clés du groupe OCP
Feuille de route 2022-2027

Ce programme colossal, chiffré à 13 milliards de dollars sur 5 ans, vise avant tout à décupler les capacités de production de l'entreprise. Les objectifs fixés pour l'horizon 2027 sont impressionnants :

  •  Une augmentation de la production d'engrais, passant de 12 à 20 millions de tonnes d'ici 2027.
  • Un essor dans la production de roche, visant à la hisser de 44 à 70 millions de tonnes.
  • Une expansion significative de la capacité de production d'énergie renouvelable, atteignant 5 GW.
  • Un bond dans la capacité de production d'eau, grimpant de 35 millions m3 à 560 millions m3.
  • La production d'ammoniac vert est prévue à 1 Mt.
  • Un engagement ferme envers une utilisation à 100% d'eau non conventionnelle.
  • L'adoption résolue d'une électricité propre à 100%, exempte de carbone.

Cependant, ce plan d'investissement ne vise pas seulement à accroître les capacités de production, mais également à inscrire l'OCP dans une démarche de durabilité environnementale et sociale. En effet, l'entreprise s'est engagée à atteindre la neutralité carbone pour les scopes 1 et 2 d'ici 2030, et pour le scope 3 d'ici 2040. Ce projet devrait également donner naissance à 25 000 emplois directs et indirects, dessinant ainsi une feuille de route ambitieuse conjuguant croissance industrielle et responsabilité sociétale.


Démystifions le bilan carbone : comprendre l'empreinte carbone d'une entreprise


Mais qu'est-ce exactement qu'un bilan carbone ? C'est une sorte de photographie, un instantané des émissions de gaz à effet de serre (GES) émises directement ou indirectement par une entreprise. Ces émissions sont exprimées en tonnes d'équivalent CO2, l'unité standard pour comparer les émissions de différents gaz à effet de serre.

Capture d'écran d'un exemple de bilan de carbone
Schéma bilan carbone. Source : Wikipedia


Comment établit-on un tel bilan ? Eh bien, c'est un processus complexe qui commence par mesurer les émissions directes, aussi appelées émissions de scope 1.

Cela comprend tout ce qui provient des installations et des équipements de l'entreprise, ainsi que de sa flotte de véhicules. Mais ce n'est là que le début. Ensuite, on remonte la chaîne de valeur pour évaluer les émissions indirectes, qui sont divisées en deux catégories : les émissions de scope 2 et de scope 3.


Les émissions de scope 2 correspondent à l'énergie achetée par l'entreprise pour ses activités, comme l'électricité ou la chaleur. En fonction du type d'énergie utilisée, les émissions de CO2 varient : une énergie renouvelable en émettra moins qu'une énergie fossile.


Enfin, les émissions de scope 3 sont les plus difficiles à évaluer, car elles englobent toutes les autres émissions indirectes liées aux activités de l'entreprise. Cela comprend par exemple les émissions liées à la production des matières premières utilisées, le transport des marchandises, ou encore la gestion de la fin de vie des produits.


Un bilan carbone complet tient donc compte de l'ensemble de la chaîne de valeur d'un produit ou d'une organisation, depuis l'extraction des matières premières jusqu'à la fin de vie du produit.

C'est un outil précieux pour comprendre l'impact environnemental d'une entreprise et pour identifier les opportunités de réduction des émissions. En d'autres termes, c'est une boussole indispensable pour naviguer dans le dédale complexe de la durabilité environnementale.


Le bilan carbone du groupe OCP dans la pratique 

Le bilan carbone du groupe OCP révèle une réalité saisissante : plus de 80% de leurs émissions de gaz à effet de serre proviennent du scope 3, qui englobe les émissions indirectes liées à leurs activités. Sur les 21 millions de tonnes de CO2 équivalent émises en 2022, 17,8 millions proviennent de ce scope.

Les scopes 1 et 2, qui concernent respectivement les émissions directes liées à la production et celles liées à l'énergie achetée, représentent une part moins importante.

Cependant, le scope 3 englobe les émissions liées aux matières premières utilisées dans la production, comme l'ammoniaque, ainsi que celles générées par l'utilisation des engrais produits par l'OCP.

Capture d'écran d'une présentation de bilan de carbone du groupe OCP
L'empreinte carbone du groupe OCP

L'objectif audacieux du groupe est d'atteindre la neutralité carbone pour les scopes 1 et 2 d'ici 2030, et pour le scope 3 d'ici 2040. Un défi de taille, compte tenu de l'ampleur des émissions à traiter dans ce dernier scope.

Il est également crucial de souligner la distinction entre la neutralité carbone et le concept de "net zéro" : alors que la neutralité carbone implique l'absence totale d'émissions de GES, le "net zéro" inclut la compensation des émissions par des puits de carbone, comme les forêts.

Des considérations stratégiques à la fois nationales et commerciales


Sur le plan national, l'entreprise marocaine s'inscrit dans une dynamique gouvernementale axée sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Maroc, confronté à des défis environnementaux majeurs tels que le stress hydrique, met en œuvre une stratégie bas carbone en accord avec les objectifs de l'accord de Paris.

Cette orientation revêt une importance particulière pour un pays où le secteur agricole joue un rôle essentiel et est fortement impacté par la sécheresse récurrente.

Quant au plan commercial, l'OCP déploie ses activités à l'échelle mondiale, avec une part de marché de 25%. L'Europe représente un marché clé pour l'entreprise, mais l'introduction du mécanisme d'ajustement du carbone par l'Union européenne crée une pression commerciale significative. Ce mécanisme, visant à taxer les importations de produits intensifs en carbone, oblige l'OCP à s'adapter pour éviter de perdre l'accès à ce marché crucial.

Dans ce contexte, l'entreprise se doit d'identifier ses principaux enjeux ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) afin de développer une stratégie durable en phase avec les attentes de ses parties prenantes.

Une approche basée sur l'analyse en double matérialité permet d'évaluer à la fois les risques et les impacts externes sur l'entreprise, ainsi que les retombées de ses activités sur son environnement. Cette méthodologie, de plus en plus adoptée par les entreprises européennes, s'avère essentielle pour une gestion responsable et durable, en accord avec les normes de durabilité telles que la CSRD.


Identifier les parties prenantes 

En travaillant en collaboration avec ces parties prenantes et en obtenant des scores ESG élevés, l'OCP se positionne comme un acteur majeur et engagé dans la transition vers une économie plus durable.


Le groupe OCP se distingue par son approche collaborative avec ses parties prenantes, un aspect crucial de sa démarche de durabilité.

Dans son rapport de durabilité, l'OCP a minutieusement identifié et cartographié pas moins de 12 parties prenantes clés. Parmi celles-ci figurent des acteurs de premier plan tels que l'État marocain, les salariés, le gouvernement, les fournisseurs, les clients et les communautés locales des sites de production. Les fermiers occupent également une place centrale, étant à la fois les utilisateurs finaux des engrais de l'OCP et des acteurs essentiels de l'industrie alimentaire.


Soulignons l'importance cruciale des scores ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) pour les investisseurs, qui évaluent la performance des entreprises dans ces domaines.

Des agences de notation extra-financières telles que Standard & Poor's, Moody's, Sustainalytics, CDP et World Benchmarking Alliance sont chargées de cette évaluation.

Dans le secteur agrochimique, l'OCP se classe quatrième sur 65 entreprises, et parmi les entreprises de la chaîne de valeur alimentaire, il occupe la quatrième place mondiale, après des géants tels qu'UNILEVER, Nestlé et Danone. Ces excellents classements témoignent de l'engagement remarquable de l'OCP en matière de durabilité.

En collaborant étroitement avec ses parties prenantes et en obtenant des scores ESG élevés, l'OCP se positionne résolument comme un leader engagé dans la transition vers une économie plus durable.

Se former aux enjeux ESG grâce au certificat Business Performance Management 


Pour les cadres internationaux désireux de plonger dans les arcanes du management de la performance, avec une focalisation particulière sur les critères ESG, le certificat Business Performance Management offre une formation exhaustive et pratique.

Accessible à des entreprises de toutes tailles, ce certificat constitue une opportunité essentielle pour adopter une approche plus durable et responsable. Une des caractéristiques majeures de ce programme réside dans la possibilité d'élaborer un projet d'action concret, accompagné d'un mentorat personnalisé.

Cette approche favorise également le travail d'équipe et l'intelligence collective, permettant ainsi aux participants de collaborer avec d'autres professionnels pour trouver des solutions novatrices. Si vous aspirez à devenir un leader dans le domaine du management de la performance durable et à maîtriser les enjeux ESG, le certificat Business Performance Management vous est destiné.