L’analyse financière des groupes cotés de l'Afrique de l'Ouest
Quarante-cinq entreprises de l'Afrique de l'Ouest sont cotées sur la Bourse Régionale des Valeurs mobilières (BVRM) d'Abidjan, établies principalement en Côte d'Ivoire (34), au Sénégal (3), Burkina Faso (3), Togo (2), Bénin (1), Mali (1) et Niger (1).
La capitalisation boursière moyenne est de 140 M €, mais ce chiffre est moins significatif que celui de la médiane (31M €), en raison du poids très important de Sonatel, filiale de Orange, opérateur téléphonique du Sénégal, de la Guinée, de la Guinée Bissau et de la Sierra Leone, qui fait 38 % de la capitalisation boursière de la BRVM et 60 % de celle de notre échantillon.
Création de richesses
Le chiffre d'affaires cumulé des entreprises de l'échantillon est de 6,35 Md € en 2018 (dont un quart pour Sonatel), en croissance annuelle de 5,5 % depuis 2013.
Les sociétés cotées sont donc plutôt à maturité, plutôt qu'en forte croissance.
Les entreprises cotées de l'Afrique de l'Ouest font apparaître une très grande diversité de taille : les 20 % les plus grandes (par les ventes) font 71 % du chiffre d'affaires, 79 % du résultat d'exploitation et regroupent 30 % des salariés avec des chiffres moyens de : 900 M €, 107 M € et 2 220 personnes respectivement.
À l'inverse, les 20 % les plus petites font 1,1 % du chiffre d'affaires, 1 % du résultat d'exploitation et regroupent 2 % des effectifs globaux avec des chiffres moyens de : 14 M €, 1,1 M € et 131 personnes respectivement.
Mais ces dispersions ne sont pas atypiques et s'observent souvent sur telle ou telle place boursière. Leur chiffre d'affaires montre une prédominance des services et un secteur industriel quasi absent.
Investissements
L'actif économique des sociétés cotées de l'Ouest africain a crû parallèlement au chiffre d'affaires depuis 2013, ce qui montre sa bonne gestion. Son niveau inférieur de moitié au chiffre d'affaires est le témoin de la faible part tenue par l'industrie.
L'actif économique est représenté en quasi-totalité par les immobilisations, qui sont en croissance moyenne de 8 % par an depuis 2013, nourries par des investissements supérieurs en moyenne à 45 % de la dotation aux amortissements. C'est beaucoup pour une croissance en volume de l'échantillon de moins de 5 %, s'ils n'incluent pas aussi des investissements de productivité pour redresser les marges.
Le BFR connaît des fluctuations erratiques et est proche de zéro en moyenne depuis 2013 (treize jours de chiffre d'affaires). Dans le détail, les groupes ont des délais de paiements de leurs clients entre 50 et 60 jours de ventes, mais beaucoup plus longs pour les fournisseurs : 80 à 100 jours de ventes. Il n'y a pas qu'en Europe que les gros sont durs avec les petits dans les conditions de paiement.
Les stocks sont, quant à eux, stables à un peu plus d'un mois de chiffre d'affaires, témoins d'un échantillon fortement orienté vers les services et l'industrie légère.
Financement
Les entreprises cotées de l'Ouest africain sont peu endettées avec des dettes nettes (1 074 M €) qui représentent 0,9 fois l'excédent brut d'exploitation 2018. 30% de cette dette est de la dette à court terme nette des disponibilités de trésorerie, ce qui n'est pas petit.
Malgré la croissance en volume, et des marges d'exploitation qui n'ont rien d'exceptionnel, les flux de trésorerie disponibles après frais financiers sont largement positifs en raison de la faiblesse du BFR dont la baisse sur la période a même permis de financer 15 % des investissements en immobilisations.
Ces flux de trésorerie disponibles sont essentiellement utilisés pour verser des dividendes, ce que permet le faible niveau d'endettement de ces entreprises. Aussi, en agrégé, les capitaux propres sont stables.
Rentabilité
Avec une rentabilité économique (après impôt apparent, compris selon les années entre 28 % et 33 %) en baisse de 20 % en début de période, à environ 15 % en 2017 et 2018, les sociétés cotées sur la BRVM gagnent néanmoins plus que leur coût du capital, qui est de l'ordre de 12 %.
Le surcroît de rentabilité économique obtenu par rapport au coût du capital moyen (environ 12 %) n'est pas très différent de celui obtenu par les sociétés européennes cotées, environ 2 % en 2019. Par contre, ce qui est très différent, c'est la dispersion des taux de rentabilité obtenus : assez faible en Europe, forte en Afrique de l'Ouest, où la moitié de l'échantillon ne gagne pas son coût du capital, et où le quart en gagne au moins deux fois plus.
Sans surprise, avec un coût moyen de la dette après impôt de 3 %, la rentabilité moyenne des capitaux propres se maintient au-dessus de 20 %. Avec des entreprises en croissance à très bonne rentabilité, même si elle est en baisse, on ne sera pas étonné de constater que ces entreprises sont valorisées à deux fois en moyenne leurs capitaux propres comptables.
Auteurs : Pascal Quiry et Yann le Fur, Professeurs Affiliés de Finance à HEC Paris
Lire en intégralité la Lettre Vernimmen