L'émergence des organisations ouvertes
Pour perdurer, les entreprises doivent se poser une question fondamentale : comment acquérir l'agilité d'une start-up dans des structures comptant des dizaines de milliers de salariés ? Pour Albert Meige, PDG de PRESANS et Directeur académique du programme Leading Digital Transformation à HEC Paris, il faut développer une nouvelle forme d'entreprise, qu'il appelle « l’Organisation Ouverte ».
Trois grandes tendances de rupture
Dans un livre blanc récemment publié par PRESANS, Albert Meige et son équipe d'experts examinent trois tendances fondamentales qui transforment nos sociétés et nos économies. Dans un monde où la concurrence est rude, ces tendances rendent l'innovation de plus en plus complexe et ont conduit à l'émergence des organisations ouvertes.
Tendance 1 : Inflation et fragmentation des connaissances
Albert Meige affirme que la fragmentation et l'inflation des connaissances ont transformé notre façon de gérer l'innovation. Les connaissances ont toujours été au cœur de l'innovation - pour rester compétitives, les entreprises doivent être innovantes. Encore récemment, les connaissances étaient rares et elles émanaient principalement des grandes entreprises et des universités. Cependant, au cours des dernières décennies, la prolifération des connaissances et l'accès aux connaissances en ont fait une richesse créée par de plus en plus d'acteurs. Il est maintenant moins coûteux, moins risqué et plus rapide d'utiliser les connaissances produites par d'autres.
Tendance 2 : Accélération de la "banalisation"
Le rythme auquel un nouveau produit devient une banalité progresse à un rythme rapide. Alors qu'il fallait autrefois huit ans à une société pétrolière et gazière pour mettre au point une nouvelle molécule, aujourd’hui, le même processus ne prend plus que quatre ou cinq ans. De plus, l'accélération de la banalisation a conduit à un glissement vers la « servicisation ». Le développement de produits devient de plus en plus complexe et, afin de se différencier de la concurrence, les entreprises doivent maintenant offrir un ensemble complet de services à valeur ajoutée. Michelin et Rolls-Royce, par exemple, ne vendent plus seulement des pneus ou des réacteurs, mais aussi des kilomètres sur la route ou dans les airs. L'art de l'innovation ne consiste pas tant à générer de nouvelles connaissances mais plutôt à assembler judicieusement les pièces du puzzle.
Tendance 3 : Transformation numérique
Les « barbares » du numérique créent de nouvelles règles qui posent de véritables défis aux entreprises traditionnelles. Parmi eux, citons Apple, qui a transformé et révolutionné l'industrie de la musique. En plus de concevoir des lecteurs MP3, Apple a créé une expérience intégrée pour écouter de la musique où que vous soyez. En utilisant les bons ingrédients – une approche centrée sur l'utilisateur, la bonne technologie et le talent des experts – Apple a réussi à remodeler l'industrie.
Aujourd'hui, les grands acteurs du monde numérique adoptent des stratégies similaires. En plus d'analyser les chaînes de valeur et de trouver les sources d'inefficacité, ils restent aussi près que possible de l'utilisateur final. Albert Meige souligne que les barbares du numérique offrent des services précieux (comme par exemple la possibilité de rechercher, de comparer et de réserver des hôtels en quelques clics sur Booking.com) qui leur permettent de renforcer leurs relations clients et d'accroître leurs profits.
Ces tendances disruptives et transformatrices sont liées entre elles. L'accélération de la banalisation et la tendance à la servicisation ont poussé les entreprises à chercher des connaissances ailleurs, loin des sources traditionnelles de connaissances de base. La transformation numérique accélère également cette évolution vers la servicisation. Saisir les opportunités offertes par les organisations ouvertes peut non seulement permettre aux entreprises d'accroître leur avantage concurrentiel, mais aussi d'assurer leur survie à long terme.
Albert Meige