Rodolphe Durand : "La clarté de la raison d'être fait toute la différence"
Dans un monde des affaires en perpétuelle transformation, se contenter de parler de "raison d'être" sans l'incarner ne suffit plus. Mais comment les leaders transforment-ils ces mots en actions concrètes pour booster les résultats ? Lors d'une masterclass Reskill, Rodolphe Durand, titulaire de la chaire Joly "Purposeful Leadership" à HEC Paris et directeur académique du programme exécutif "Aligner raison d'être et performance d'entreprise", a approfondi cette question. Il a démontré comment les entreprises qui misent sur l'authenticité, la clarté et la cohérence de leur raison d'être peuvent augmenter leur performance.
Comprendre la raison d'être au-delà des mots
« Définissons la raison d'être. Que signifie-t-elle pour une organisation ? La raison d'être est la raison d'exister de cette organisation. C'est le pourquoi de l'organisation », explique Rodolphe Durand, posant ainsi les bases d'une réflexion plus approfondie. Il souligne que si de nombreuses entreprises ont articulé leur raison d'être ces dernières années, il est crucial d'aller au-delà des simples déclarations.
« Il n'y a aucune corrélation entre une déclaration de mission et la performance d'une entreprise. En soi, le simple énoncé de la mission n'affecte pas de manière significative la performance de la société. ».
Ce qui compte, c’est « la manière dont les employés ressentent la raison d'être, la clarté de cette raison d'être ».
De la déclaration à l'expérience : construire une culture axée sur la raison d'être
Rodolphe Durand plaide pour le développement d'une culture axée sur la raison d'être au sein des organisations. Il explique,
"La raison d'être ne consiste pas à faire des profits. Il s'agit de réfléchir à la raison d'être et de l'intégrer dans les pratiques organisationnelles."
Ce passage d'une simple déclaration à une expérience tangible marque une étape cruciale pour améliorer la performance. Dans un monde où les organisations cherchent toutes à trouver leur propre place, la manière dont elles expriment leur raison d'être varie considérablement. Prenons l'exemple de Veolia, encapsulée succinctement dans la phrase "ressourcer le monde". Cette déclaration concise ouvre la voie à une histoire détaillée que tout le monde, y compris les employés et les parties prenantes, peut comprendre. Elle est déclinée en 18 indicateurs, mettant en lumière les nombreux aspects du succès de l'entreprise, connus sous le nom de "performance plurielle".
L'expression de la mission d'une organisation peut prendre des formes diverses. Certaines optent pour la négation pour souligner leur éthique. Google a initialement adopté "don't be evil", une directive ancrée dans la négation. De même, le mantra de The Body Shop, "enrichir sans exploiter", suit ce schéma, mettant en avant ce contre quoi l'entreprise s'oppose. L'inclusion d'une négation dans la raison d'être d'une organisation tend à imposer des attentes plus rigoureuses à ses employés et à ses opérations globales.
À l'inverse, une raison d'être vague ou trop large peut saper la croyance et l'engagement collectifs.
Par exemple, une déclaration telle que "fournir le meilleur produit pour nos clients" peut sembler bien intentionnée, mais elle manque de profondeur et de spécificité nécessaires pour vraiment ancrer la raison d'être d'une organisation.
Les trois clés pour faire de la raison d'être un moteur de la performance
Rodolphe Durand énumère trois niveaux essentiels : garantir que tous les dirigeants à chaque niveau adhèrent pleinement à la raison d'être, favoriser l'autonomie et valoriser les individus.
Adhérer à la raison d'être
Adhérer à la raison d'être d'une entreprise, c'est comme allumer une torche dans une pièce sombre : cela devrait éclairer chaque recoin. Pourtant, comme le souligne Rodolphe Durand, garantir que tous les dirigeants adhèrent pleinement à cette raison d'être n'est pas une mince affaire.
Bien que 80 % à 90 % des cadres supérieurs articulent habilement la raison d'être de l'entreprise, l'intégrant parfaitement dans son récit et ses choix stratégiques, cette clarté tend à se dissiper à mesure qu'elle descend dans la hiérarchie organisationnelle. De manière étonnante, 60 % à 80 % des employés se trouvent dans l'obscurité quant à la mission fondamentale de leur organisation.
Même avec des déclarations de mission affichées sur des écrans et des murs, l'essence véritable de la raison d'être peine à se diffuser au sein de l'organisation. Selon Durand, cette déconnexion découle souvent d'un manque d'engagement sincère envers ces valeurs chez les dirigeants, ou peut-être d'un scepticisme quant à leur authenticité et leur praticité.
Le cœur du problème réside dans la culture organisationnelle et dans la mesure où ses dirigeants incarnent ses valeurs.
Lorsque les pratiques quotidiennes contredisent la mission proclamée—lorsque des raccourcis sont pris et des exceptions accordées—la raison d'être supposée perd de sa crédibilité, érodant la confiance et la cohésion au sein de l'équipe. De plus, l'incarnation de la raison d'être nécessite des sacrifices—un témoignage de l'engagement de l'organisation envers ses valeurs fondamentales.
Lush, renommée pour son positionnement éthique contre les tests sur les animaux, a volontairement sacrifié des opportunités de marché pour défendre ses valeurs.
De même, la décision de CVS Health de cesser la vente de tabac s'aligne avec sa raison d'être de promouvoir une meilleure santé, malgré les pertes de revenus potentielles.
Comme le souligne Rodolphe Durand, ces sacrifices illustrent un engagement à mettre en pratique ses discours, influençant le comportement organisationnel à tous les niveaux.
En outre, affronter les défis de front est primordial pour vraiment ancrer la raison d'être au sein d'une organisation. La réponse rapide d'Airbnb à la discrimination raciale sur sa plateforme en est un exemple. En traitant des problèmes qui contredisent sa raison d'être d'inclusivité, Airbnb renforce son engagement envers l'équité et l'égalité.
Cependant, incarner la raison d'être va au-delà de la simple rhétorique—cela nécessite de rendre la raison d'être tangible et inspirante au sein de l'organisation. Christophe Durand souligne l'importance de créer des espaces de dialogue et de formation où la raison d'être n'est pas seulement discutée, mais pratiquée. Sans de telles initiatives, la raison d'être proclamée risque de rester une simple intention, échouant à guider la prise de décision et à inspirer l'action parmi les membres de l'équipe.
Favoriser l'autonomie
Rodolphe Durand exprime parfaitement ce sentiment, soulignant le pouvoir transformateur de la raison d'être dans la promotion d'une culture de confiance et d'autonomisation :
"Avoir une raison d'être vous rend plus à l'aise avec l'idée d'autonomie, sans voir l'autre comme quelqu'un qui cherche à esquiver ou à bâcler son travail."
Cette philosophie d'action, fondée sur l'autonomie de chaque membre et dirigeant de l'équipe, présuppose un certain niveau de confiance et de respect mutuel. Elle suggère que lorsque les individus sont guidés par une finalité commune, ils sont plus enclins à innover, à prendre des initiatives et à contribuer positivement aux objectifs de l'organisation. Cependant, cette approche reconnaît également les risques inhérents—les erreurs sont inévitables. Pourtant, c'est précisément cette tolérance à l'erreur, soutenue par une culture organisationnelle bienveillante, qui peut conduire à des innovations et des solutions révolutionnaires.
Une démonstration illustrative de cette approche provient du leadership d'Hubert Joly chez Best Buy.
Cet alumni d’HEC Paris a mis en place une stratégie unique sur le principe d’un « passe-droit » pour les cadres supérieurs, symbolisant l'encouragement à l'expérimentation et à l'apprentissage des erreurs. Son initiative a facilité la prise de risques calculés, créant un environnement où les idées innovantes pouvaient être explorées, évaluées, et soit développées davantage, soit abandonnées sans répercussions.
Valoriser les individus
Dans la danse complexe du leadership et de la croissance organisationnelle, la reconnaissance et les incitations jouent un rôle central, servant de puissants catalyseurs pour l'adhésion à la raison d'être de l'entreprise. Comme le dit si bien Rodolphe Durand,
"Ce sont les personnes du collectif qui donnent vie à l'organisation et l'aident à se développer et à prospérer."
Cette déclaration souligne un passage des modèles de leadership traditionnels de type top-down à un modèle où chaque membre de l'organisation est reconnu comme un ambassadeur vital de ses valeurs et de sa mission.
Prenons par exemple la stratégie de communication multicanal exceptionnelle de Lush, où les employés eux-mêmes sont des porte-parole de l'organisation, ou les histoires des Trailblazers de Salesforce, mettant en avant des employés qui surmontent des défis, renforçant ainsi le rôle crucial de la reconnaissance des individus en tant que moteurs clés du succès organisationnel.
Cependant, la simple reconnaissance ne suffit pas. Les incitations jouent également un rôle crucial, mais elles doivent être soigneusement élaborées pour ne pas saper la motivation intrinsèque. Rodolphe Durand insiste sur la nécessité d'incitations qui récompensent les initiatives authentiques et sincères tout en s'alignant sur la raison d'être globale de l'organisation.
De plus, ancrer la raison d'être à tous les niveaux d'une organisation présente un attrait significatif pour les talents. Les recherches indiquent que les cultures axées sur la raison d'être peuvent attirer et retenir les talents sur des périodes plus longues, souvent à un coût inférieur à la moyenne du marché. Cela souligne la valeur ajoutée que la raison d'être apporte à l'équation de la rémunération, agissant comme une incitation non financière qui complète les récompenses monétaires et guide l'organisation vers la réalisation de ses objectifs tout en restant alignée sur sa mission fondamentale.
En donnant la priorité à la reconnaissance, en concevant des incitations efficaces et en favorisant une culture où la raison d'être imprègne chaque aspect de l'organisation, les entreprises peuvent exploiter tout le potentiel de leur personnel. Cette approche holistique non seulement accélère l'atteinte des objectifs organisationnels, mais améliore également la performance financière, prouvant que la véritable valeur de la raison d'être va bien au-delà du simple résultat financier.
Aligner raison d'être et performance de l'entreprise
Prêt à diriger avec sens et à transformer votre carrière ? Dans un monde où la clarté de la raison d'être devient un levier essentiel de performance, ne restez pas à la traîne. Si les idées de Rodolphe Durand vous ont inspiré et que vous souhaitez approfondir vos compétences en leadership et performance d'entreprise, il est temps de passer à l'action.
Rejoignez le programme exécutif "Aligner raison d'être et performance de l'entreprise" à HEC Paris.
Ce programme court et intensif vous fournira les outils nécessaires pour :
- Comprendre en profondeur la raison d'être et son impact sur la performance.
- Incarner et diffuser cette raison d'être à tous les niveaux de votre organisation.
- Développer une culture organisationnelle axée sur l'authenticité, la clarté et la cohérence
- Favoriser l'autonomie et valoriser les individus, créant ainsi un environnement propice à l'innovation et à l'engagement
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