Si la diversité est une question d’effectifs, l’inclusion, elle, consiste à faire en sorte que chacun compte
La diversité et l’inclusion (D&I), ou «l’inclusivité », comme préfère dire Matteo Winkler, professeur à HEC Paris, font partie des valeurs fondamentales de l’école, que ce soit pendant les cours ou sur le campus. Les étudiants d’aujourd’hui sont les dirigeants de demain, explique-t-il, et ils ont la possibilité d’induire des changements positifs.
La diversité et l’inclusion ont sans nul doute gagné en importance au sein des entreprises ces dernières années, mais pour Matteo Winkler, qui préside le Comité Diversité de HEC Paris, il est important de commencer par une définition claire de ces deux termes.
« La diversité est une question d’effectifs, alors que l’inclusivité, elle, consiste à faire en sorte que chacun compte. Je préfère parler d’« inclusivité » car certaines de nos entreprises partenaires utilisent cette expression pour souligner qu’être inclusif nécessite une action, une composante qui semble faire défaut au terme « inclusion ». Je pense que la diversité est déjà présente partout, mais nous devons travailler de façon plus intensive pour garantir davantage d’inclusivité. »
Selon lui, toutes les entreprises devraient s’efforcer de créer un lieu de travail inclusif.
« C’est un lieu de travail dans lequel tous les employés ressentent un sentiment d’appartenance, un lieu de travail où chacun peut apporter sa contribution et s’exprimer sans craindre d’être « démoli.e » ou de mettre sa carrière en danger. Et c’est un lieu où le management - de fait chacun, depuis la base jusqu’au sommet - est au courant des questions relatives à la diversité et à l’inclusion.
Si l’on considère les progrès réalisés dans le monde, nous sommes de façon générale bien placés en matière de diversité et d’inclusion, mais il reste encore beaucoup à faire. Il est difficile d’avoir une vision globale à l’échelle internationale, car nous avons tendance à analyser le sujet par segments ou par branches d’activités, or la diversité est plus présente dans certains secteurs que dans d’autres. »
Le professeur Winkler souligne en outre que le monde des affaires enregistre de meilleurs résultats sur certains aspects de la diversité et de l’inclusion que sur d'autres.
« Si l’on parle de diversité des genres, alors c’est certain, il existe une grande diversité, mais beaucoup moins de pratiques inclusives. En matière de neurodiversité par contre, nous n’en sommes vraiment qu’au tout début sur le plan de l’inclusivité, car le sujet ne s’est imposé dans le discours public que ces dernières années. »
La neurodiversité, explique-t-il, n’est pas simple à définir, mais il n’est pas moins important de l’inclure dans les débats sur la diversité.
« Nous avons tous un éventail de comportements qui reflètent notre caractère neurologique, et certains ont été pathologisés par le passé. C’est le cas, par exemple, des troubles du spectre autistique et du syndrome d'Asperger.
Ces dernières décennies toutefois, la science a révélé l’existence d’une grande variété d’états dans ce l’on appelait autrefois les « troubles neurologiques », et le langage a évolué pour se faire plus inclusif. Le terme « troubles » est très stigmatisant, et c’est pour cela que l’on parle maintenant de neurodiversité. Si nous voulons vraiment être inclusifs, nous devons considérer que chaque individu se comporte différemment des autres. »
Matteo Winkler
Mais les choses se compliquent encore, affirme-t-il, lorsque différents types de diversité se chevauchent.
« Il existe des individus différents, mais il y a également des « diversités » multiples qui s’additionnent au sein d’un même individu. Pour les identifier, nous devons avoir une approche intersectionnelle de l’individu. Ainsi, une personne peut être discriminée parce qu’elle est une femme ou parce qu’elle est homosexuelle, ou les deux, et peut-être aussi parce qu’elle est Asperger. Et qu’elle est noire. De ce fait, lorsque l’on se demande où en est le monde en matière de diversité et d’inclusion, cela dépend vraiment beaucoup du type de diversité qui est pris en compte, car dans certains domaines, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. »
À HEC Paris, confirme-t-il, le sujet de la diversité et de l’inclusion fait partie de l’ADN de l’école, et est présent aussi bien au niveau de la formation que dans la vie quotidienne sur le campus.
« J’ai commencé à enseigner la diversité et l’inclusion il y a trois ans avec beaucoup de succès. Les étudiants sont très ouverts à ce sujet : ils veulent écouter et apprendre. La diversité et l’inclusion empruntent différentes voies, elles nous aident à établir des liens avec un plus grand nombre de partenaires, parce que c’est un sujet qui intéresse beaucoup les entreprises. Et en tant qu’école, nous devons nous adapter et être toujours plus proches de nos entreprises partenaires.
Il faut dire aussi qu’avec plus de 110 nationalités représentées, notre école réunit la communauté d’étudiants la plus diverse que l’on puisse imaginer : l’inclusion est donc une composante essentielle pour nous. Il existe un lien très fort entre les étudiants. Ils partagent des valeurs, des espaces et des impressions, et les dynamiques de diversité et d’inclusion au sein de la classe ne sont donc pas les seules à être importantes : celles qui impactent l’ensemble du campus comptent aussi.
Si vous dites que vous faites partie du personnel de HEC Paris ou que vous êtes étudiant ici, vous témoignez alors de votre appartenance à une communauté très diverse et vous affirmez que vous êtes inclusif dans tous vos actes, du matin au soir, aussi bien lorsque vous assistez aux cours que quand vous participez aux événements sportifs et sociaux. »
En tant que président du Comité Diversité, Matteo Winkler souligne que ses priorités sont étroitement alignées sur celles de l’école elle-même.
« Mes priorités actuelles sont de lutter contre le sexisme, en particulier le sexisme ordinaire, et aussi d’aider les différentes populations à travailler ensemble, en renforçant l’acceptation de toutes les diversités culturelles et en développant un sentiment d’appartenance et de sécurité sur le campus.
Mon objectif est en outre de diffuser cette culture de l’inclusivité au sein des classes. Certains élèves, par exemple, ont tendance à ne pas se mêler aux autres, or nous avons besoin qu’ils se sentent pleinement intégrés. »
L’inclusion sociale est l’un des aspects de la diversité et de l’inclusion qui lui tient particulièrement à cœur.
« Oui, nous sommes une école d’élite, mais nous ne devons pas être une école exclusive accessible seulement aux riches. Le talent n’est pas lié au patrimoine de votre famille. Nous devons donc être en mesure d’accueillir des étudiants talentueux venant de tous les milieux, ce qui nécessite davantage de bourses d’études et de diversité sociale. C’est ce à quoi les responsables de l’école œuvrent intensivement en ce moment. »
En résumé, pour Matteo Winkler, mener une politique de diversité et d’inclusion forte est non seulement « la bonne chose » à faire, mais cela répond aussi à une multitude d’impératifs économiques déterminants.
« L’un des avantages évidents est qu’elle peut contribuer à transformer la culture d’entreprise. Nous passons environ les deux tiers de notre vie sur notre lieu de travail. Il est donc essentiel d’impliquer dans cet espace tout ce que nous sommes intrinsèquement, ce qui n’inclut pas seulement nos connaissances, nos compétences et nos façons de faire, mais aussi notre identité.
Les conséquences économiques d’une plus grande inclusivité ne doivent en aucun cas être le seul objectif. Le deuxième avantage est qu’être plus inclusif rend tout simplement les gens plus heureux. Et cela ne profite pas qu’à l’entreprise, mais permet à chacun de travailler mieux et d’améliorer son bien-être personnel. Le travail est un moyen pour l’individu de se sentir utile, et d’enrichir sa vie. »
Matteo Winkler est professeur associé en Droit et Fiscalité à HEC Paris, et préside également le Comité Diversité qui a été créé en 2019 au sein de l’école.