Un enjeu planétaire : état des lieux des ressources énergétiques
De nouvelles politiques en matière de climat et d’énergie visant à réduire les émissions de CO2 émergent partout dans le monde, et notamment dans l’Union européenne. Ancien économiste en chef de Deloitte à Paris en charge des ressources énergétiques et professeur affilié en Finance à HEC Paris, Jean-Michel Gauthier, expert en économie de l’énergie, discute de ces changements et de leur impact.
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Avec une volonté affichée de réduire les émissions de carbone, l’Union européenne a pour projet de « décarboniser » le secteur de l’industrie et de l’énergie jusqu’à 95 % d’ici 2050. « Si l’on compare les politiques de l’énergie dans le monde, cet objectif est l’un des plus ambitieux », explique le professeur Gauthier. « La question est : comment y parvenir ? » Même si l’objectif est commun, les nations individuelles ont leurs propres politiques ; ce qui crée des divergences quant au but à atteindre.
La Chine, qui travaille également au développement d’une économie sobre en carbone, ambitionne de réduire les émissions de CO2 de 60 à 65 %. « Du côté européen comme chinois, on note un certain degré d’ambition, » affirme Jean-Michel Gauthier. « Des réformes majeures ont été conçues dans le cadre du 13e plan quinquennal chinois, avec un déploiement global des énergies renouvelables. C’est un grand pas, mais également un défi de taille si de l’autre côté, la Chine souhaite mettre un frein à sa politique de « croissance à n’importe quel prix. »
DEUX GÉANTS DU PÉTROLE EN PLEINE MÉTAMORPHOSE
Les objectifs de réduction des émissions de CO2 sont également élevés en Arabie Saoudite. Le Royaume présente le prix d’énergie solaire le plus compétitif au monde. La publication de son plan « Vision 2030 », vise à réduire l’importance du secteur du pétrole dans l’économie du pays.
« Avec la proposition de la vente directe ou de l’introduction partielle en bourse de Saudi Aramco, il s’agit d’envoyer un message fort plutôt que de changer la donne… La vision d’une nouvelle Arabie Saoudite qui se développe à partir de l’ancienne. » Et l’Arabie Saoudite est bien consciente du dommage causé par l’augmentation de sa production pétrolière, notamment lors de la chute du cours du pétrole en 2014, au lieu de protéger son marché contre l’Irak, l’Iran et l’industrie américaine du fracking.
L’essor du gaz de schiste en Amérique du Nord a atteint un nouveau sommet, que l’on peut comparer à la découverte du pétrole en Arabie Saoudite dans les années 1940 et 1950. En substance, les États-Unis ont réalisé qu’ils pouvaient rivaliser avec les exportations de pétrole saoudien en extrayant jusqu’à 7 millions de barils par jour. En 2004-2005, les États-Unis s’attendaient à être un importateur net d’énergie, mais, soudainement, le vent a tourné. « D’importateurs net de pétrole, ils sont arrivés à une position de quasi-autosuffisance et devraient devenir un pays exportateur net dans un futur proche… »
OBJECTIF : RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE CO2
Avec un excédent de l’offre pétrolière et un niveau élevé des stocks pétroliers dans le monde, les prix du pétrole ont chuté. La situation ne justifie plus l’investissement dans de multiples projets d’infrastructures pétrolières.
« Aujourd’hui, de nombreux projets de développement d’hydrocarbures n’ont plus vraiment lieu d’être. Cela ne signifie pas la fin de l’ère pétrolière, mais cette transition énergétique va avoir des répercussions mondiales, notamment dans l’Union européenne. » - Jean-Michael Gauthier, professeur affilié en Finance à HEC Paris
« Nous avons observé des efforts gouvernementaux concertés pour passer à une économie produisant moins d'émissions de CO2. Cela signifie réduire les capacités en énergies fossiles et augmenter la production d’énergies renouvelables comme l’énergie éolienne ou solaire. Dans un scénario où les émissions de CO2 sont faibles, la demande en pétrole en 2040 serait 25 % plus basse qu’aujourd’hui. De nombreux projets datant des années 2000, notamment ceux liés au pétrole et au gaz, risquent de tarder à être implémentés. »
Réalisé à partir d’une interview de Jean-Michel Gauthier, ancien économiste en chef de Deloitte à Paris en charge des ressources énergétiques et professeur affilié en Finance à HEC Paris.