« Purpose & Sustainability » : une expérience au cœur des Alpes pour les étudiants d’HEC
Pour la deuxième fois, les étudiants en première année (L3) d’HEC ont commencé leur cursus par un séminaire hors campus, intitulé « Purpose & Sustainability ». 370 étudiants se sont réunis pendant trois jours à Chamonix pour un séminaire, physiquement et intellectuellement intense, consacré aux principaux défis environnementaux et sociaux à l’échelle mondiale. Quels impacts peuvent-ils avoir sur les objectifs fondamentaux des entreprises, et sur l'avenir professionnel des étudiants ?
(© Quentin Iglésis - Mountain Path)
« Territoires de hautes expériences ». Le slogan figurant sur tous les forfaits de ski de Chamonix reflète bien l'état d’esprit de l'équipe qui a organisé le séminaire d'ouverture de l'année académique, Purpose & Sustainability. Ce séminaire est la première étape d'un parcours supervisé par l’Institut Society & Organizations de l’école. De la première à la dernière année, les étudiants bénéficient de 200 heures de cours obligatoires qui comptent pour 10 % de leur diplôme. Alors que la plus grande partie des équipes d’HEC profitaient d’une pause estivale bien méritée, Xavier Boute, Catherine Viglione et Cécile de Lisle ont donc veillé à ce que, dès le 22 août, 370 étudiants de première année puissent vivre une expérience inoubliable.
« Ces trois jours dans les Alpes sont les premiers pas d'un parcours qui accompagnera les étudiants tout au long de leurs quatre années à HEC », précise Cécile de Lisle, directrice exécutive de la chaire Purposeful Leadership. « Six semaines seulement après leur admission, ils sont invités à réfléchir aux grands défis mondiaux en matière de transition écologique et d'inclusion, au rôle que les entreprises devraient jouer pour relever ces défis, ainsi qu'à leur propre raison d'être dans le choix d'une voie professionnelle spécifique. »
Tout sauf une colonie de vacances
Ce deuxième séminaire inaugural hors campus souligne l'engagement d’HEC en faveur du leadership et du développement durable, une mission inscrite dans ses nouvelles valeurs fondamentales en juin dernier. « Le leadership est souvent mal compris en France », poursuit Cécile de Lisle. « Le leadership, c'est donner le meilleur de soi pour permettre aux autres de donner le meilleur d'eux-mêmes, une forme de leadership pour le bien commun. Nous avons choisi Chamonix comme point de départ parce que nous souhaitons aller ensemble vers cet objectif, atteindre les sommets, tant sur le plan physique que métaphysique. Au cours de ce séminaire, nous proposons aux étudiants de travailler sur trois dimensions : être soi, être avec et être pour. »
Les résultats se font ressentir dès la première journée. « Honnêtement, avant d’arriver, je pensais que Chamonix serait une sorte de colonie de vacances », admet Alexandre Degrave, étudiant de L3. « Mais ça m’a transformé. Tous les exercices — les randonnées en montagne, l'escalade, les compétences en matière de premiers secours — nous donnent des leçons de vie : comment réagir aux crises, être agile, être innovant, trouver la force dans le nombre ? Ce sont des outils que nous pourrons utiliser comme managers pour réagir, en première ligne, en temps de crise. » Pour Nina Boissin, 19 ans, l’humilité domine face à la puissance et à la fragilité de l’environnement immédiat : « Nous avons vu le glacier se fissurer, se briser, faire trembler la terre sous nos pieds. Cela nous fait prendre conscience à la fois de la puissance et de la fragilité de la montagne. Notre guide nous a dit qu’auparavant, Chamonix ne connaissait pas de températures de 30 °C, mais que c’était courant désormais. Cela souligne à quel point nous devons réagir rapidement à cette catastrophe écologique. » L'étudiant parisien Géraud Baudet regarde déjà au-delà de ces trois jours passés dans les Alpes : « Voir les glaciers fondre nous a fait un choc. On a eu le nez dans les livres ces deux dernières années et le fait d'assister à la dégradation de la situation ici nous a plongé dans le monde réel. C'est pourquoi nous rédigeons un mémoire à l’issue des deux mois du parcours Purpose & Sustainability. Ce travail a pour but de nous permettre de se souvenir, de garder cette expérience en mémoire. »
Concilier écologie et économie
Pour Xavier Boute, directeur pédagogique du parcours, l’expérience à Chamonix doit permettre de sortir des sentiers battus : « Nous avons totalement bouleversé notre approche pédagogique. Nous commençons par la partie empirique, en immergeant les 370 étudiants dans un paysage magnifique pendant trois jours et trois nuits. Mais c'est un paysage qui suscite des questions, qui provoque la surprise et l'introspection. Sur la base de ces questions, les étudiants commencent leurs recherches, pendant 10 semaines, ce qui, nous l'espérons, forgera leur vision à long terme. Ces montagnes incarnent à la fois la beauté et les atteintes à l’environnement. Nous espérons que cet impact physique incitera les étudiants de première année à chercher des réponses, à concevoir des théories qu'ils transposeront ensuite dans la vie des entreprises. » Blaise Agresti est le cofondateur de Mountain Path et sa devise tient en trois mots : « frugalité, engagement, authenticité ». Son agence de conseil spécialisée dans la haute montagne est partenaire d’HEC pour ce séminaire. Il rejoint les propos de Xavier Boute : « La montagne apprend aux étudiants à adopter des attitudes responsables, à faire preuve de solidarité, à développer une forme de travail en équipe qui doit être sincère et puissante. Ces étudiants de première année repartent avec un trésor caché : un esprit intérieur fort qu'ils devront conserver précieusement et utiliser au cours de leur carrière professionnelle. »
Les élèves sont répartis en une douzaine de groupes. Nous retrouvons le groupe Q qui progresse difficilement en direction du refuge Albert 1er, guidé par Patrick Duvillard, alpiniste chevronné. Il décrit à une douzaine d'étudiants essoufflés les dangers qui menacent les glaciers en face d’eux et leur désigne un réservoir au loin : « Si ces glaciers disparaissent, il en sera de même pour ce barrage, qui fournit de l'électricité non seulement à la France, mais aussi à la Suisse. L'équilibre entre l'écologie et l’économie est donc une question essentielle, que vous devrez prendre à bras-le-corps lorsque vous entrerez dans le monde professionnel. » Plus tard, Patrick fait part de son inquiétude grandissante face à un monde qui fond littéralement sous ses yeux : « Tout le monde ici est inquiet. Depuis trois ans, tous les visiteurs que nous recevons à la montagne nous parlent de l’environnement : comment lutter contre le changement climatique ? Que faire de nos déchets ? Comment promouvoir les énergies renouvelables ? La plus grande préoccupation pour nous est la pollution de l'air. Le trafic qui passe par ces vallées réchauffe tout, accélère la fonte des glaces. Mais c'est un problème compliqué à aborder. » Patrick pose son regard sur les étudiants qui reviennent : « Ils sont notre espoir. Ces jeunes deviendront les décideurs de demain. Les citoyens ne peuvent pas tout faire, ce sont les futurs dirigeants qui peuvent vraiment déplacer des montagnes et peser dans l'équation. »
Pour un nouvel avenir : la design fiction
Ce sentiment trouve un écho chez la consultante Anne Gallienne. Les élèves ont pu entendre un discours inspirant de la cofondatrice de la société Poprock. Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, Poprock est un cabinet de conseil qui aide les dirigeants à transformer leurs organisations. Spécialisée dans la stratégie de la montagne, Anne Gallienne n'a aucun doute sur le tournant que le monde a pris, ni sur le rôle que les étudiants peuvent jouer : « Vous allez tous être des acteurs plus importants que moi dans la résolution de ces défis », dit-elle à la centaine d'élèves réunis à l'Ecole militaire de haute montagne de Chamonix. « Vous avez les clés pour répondre à la demande croissante de la société civile. Les attentes évoluent beaucoup plus vite que les stratégies des entreprises et les politiques gouvernementales. Les gens sont de plus en plus frustrés à mesure qu'ils voient les enjeux progresser. C'est un sentiment d'impuissance qui peut laisser place à de la colère. Leur impuissance est nourrie par les conclusions du dernier rapport du GIEC. » Anne Gallienne encourage les élèves à rêver avec elle. Elle brandit le premier numéro du magazine Les Passeurs, confectionné dans un « fab lab » et consacré à ce qu'elle appelle la « design fiction ». Anne Gallienne et ses co-rédacteurs y ont imaginé des collectifs qui s’engagent sur différentes perspectives pour la montagne. « Nous étudions de nouvelles formes d'économie, la modification des modèles économiques pour répondre à la disparition des stations de ski, par exemple. Nous imaginons la transformation des stations de ski en entreprises pouvant répondre à la très forte demande en eau. Avec la fonte des glaces, ces montagnes pourraient devenir d'énormes réservoirs d'eau pouvant être vendue au reste de l'Europe. Vous pouvez nous aider à élaborer de tels scénarios. »
Faire entrer les sciences humaines dans les écoles de commerce
« Nous agissons pour révéler tous les talents », indique le nouvel énoncé des missions d’HEC, qui précise les contours des trois piliers fondamentaux sur lesquels repose ce nouvel engagement. C'est précisément le message porté par le Directeur Général d’HEC, Eloïc Peyrache, dans un discours d'encouragement devant les étudiants réunis pour une séance d’escalade. Eloïc Peyrache a interrompu ses vacances pour être à leurs côtés, dans cette première expérience de la vie à HEC. « Ils vivent ici un moment inoubliable », confie-t-il en regardant les groupes d’étudiants escalader le flanc de la montagne. « Je voulais vraiment être là, les encourager à vivre pleinement ce séminaire. Et aussi insister sur le fait qu'il s'agit de questions intergénérationnelles. Nous devons tous nous poser des questions sur la développement durable, l'impact à long terme, la dégradation de l'environnement. Ces questions seront abordées tout au long du parcours académique des étudiants à HEC. Le séminaire de Chamonix contribue à structurer leur vision. Mais en leur offrant ce moment, nous nous faisons aussi un cadeau à nous-mêmes : ce n'est pas seulement une expérience de vie commune et de cohésion d'équipe, c'est un moment formidable, qui marquera leur expérience à HEC. Et cette énergie se répercutera inévitablement sur leurs résultats académiques. »
Cécile de Lisle rappelle que le séminaire est le début d'un long parcours de réflexion, étalé sur quatre ans : « Chamonix est le début d'une réflexion pragmatique sur la quête de sens en entreprise. Les étudiants feront l'expérience des contradictions inhérentes à tout environnement économique au cours de leur vie professionnelle : le programme Purpose & Sustainability a pour but de les encourager à rester fidèles à leurs valeurs. De retour sur le campus, ils prendront du recul, écouteront des dirigeants d’entreprise attachés à cette quête de sens et approfondiront des questions clés dans un secteur d'activité. Cela leur permettra d'explorer davantage qui ils sont, comment interagir avec les autres, quelle direction ils souhaitent prendre et pourquoi ils veulent travailler dans tel ou tel domaine. »
« En outre, » ajoute-t-elle, « ils utiliseront également les sciences humaines pour approfondir cette quête de sens. Cela implique d'approfondir leurs connaissances en philosophie, en sociologie, en histoire et en psychologie, pour permettre aux étudiants de s'épanouir. Nous espérons ainsi les accompagner dans la construction d'une économie plus humaine, plus respectueuse de l'environnement social et physique de notre monde. »
Trois étudiants de L3 témoignent
Géraud Baudet : « Être ici démontre qu’HEC Paris n'est pas seulement une école de commerce. C'est une école de la vie. Nous sommes dans cette vallée pour transcender nos peurs dans les moments d'adversité, tant sur le plan physique qu'émotionnel. Cela a fait naître un esprit de fraternité lors du travail en petits groupes, cela nous a montré que nos vies ne sont pas seulement les nôtres, mais qu'elles appartiennent à un plus grand ensemble. Nous devons accepter les conséquences de nos actes. Nous pouvons clairement voir ce que certains de nos actes collectifs ont entraîné jusqu'à présent, la fonte des glaciers, la disparition de la mer de Glace... C'est bouleversant. »
Nina Boissin : « C'est bien de nous sensibiliser aux enjeux liés au changement climatique. Les managers de demain doivent être conscients de ces questions, c'est d'une importance capitale. Ce séminaire a aussi créé un fort sentiment de solidarité entre nous : en 24 heures, nous avons pu voir apparaître des gestes qui comptent : un étudiant qui en aide un autre ayant des problèmes respiratoires à porter un gros sac à dos, un groupe qui unit ses forces pour hisser quelqu'un en haut d'une falaise, … »
Alexandre Degrave : « Je dois admettre qu’HEC n'a pas spontanément la réputation d'être en pointe sur ces sujets. Et pourtant elle a osé intégrer un engagement fort en faveur de l'environnement, car les entreprises n'intègrent pas toujours les objectifs de développement durable dans leurs activités. Il suffit de voir ce qui est arrivé récemment à (l'ancien PDG de Danone, Emmanuel) Faber. Et puis constater de nos propres yeux les conséquences de l'activité industrielle ici... cela en dit long. Nous pouvons voir qu'il y a eu un changement profond, à une échelle naturelle gigantesque. »
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