Le programme Egalité des chances : « un dépassement de soi »
Pour Elias Kari, aucun doute : ses nombreuses visites au campus d’HEC à Jouy-en-Josas, il y a six ans, font très certainement partie des moments forts de son parcours. Ces visites ont été organisées dans le cadre des actions de l’école en matière d’égalité des chances : Elias Kari a en effet suivi le programme PACE HEC pendant son année de terminale, en 2015. Six ans plus tard, il nous livre son témoignage.
Vous êtes ancien élève du lycée François Villon, situé aux Mureaux, à 39 kilomètres à l’ouest de Paris. Pourriez-vous décrire ce contexte ?
La commune des Mureaux souffre tout d’abord d’une réputation négative et ancienne qui n’a pas lieu d’être. J’ai connu beaucoup de bons moments dans cette ville, d’excellents professeurs, un dispositif de grande qualité dans les domaines de la culture et du sport, une vie associative riche, … Dans ce contexte, j’ai connu le programme PACE au lycée, et cela m’a ouvert tout un monde. Car il faut dire que l'idée n'est pas très répandue aux Mureaux, car les élèves peuvent s'autocensurer ou ne pas avoir accès à toutes les informations. Je suis d'ailleurs le premier de ma famille à réaliser un tel parcours.
Notre lycée avait construit ce partenariat avec HEC, ce qui a permis ce genre d’ouverture. On se retrouvait tous les quinze jours, un car prenait une quarantaine d’élèves de lycées différents et nous emmenait sur le campus, pour une vraie immersion de plusieurs heures. Ces après-midis nous ont permis de nous imprégner de l’ambiance d’une grande école, de découvrir ses locaux, la nature qui l’entoure, une visite qui nous donnait cette notion que l’on pouvait y accéder. On était divisés en groupes et quelques étudiants HEC nous encadraient. Je me souviens en particulier d’une étudiante, Salomé, qui était exemplaire dans son accueil, un contact très généreux, jamais de préjugés négatifs liés à nos origines sociales.
On travaillait sur des questions de société, économiques ou environnementales, on passait des heures à débattre des sujets d’actualité. A l’époque, la France connaissait les élections régionales, les débats étaient vifs ! Mais tout le monde y trouvait son compte. J’avais une fascination pour le Japon, qui date de mon enfance, et une passion pour les mangas. Je me souviens avoir présenté un exposé sur le Japon qui avait eu un bon écho. Ce n’est peut-être pas pour rien que je me suis retrouvé plus tard au Japon, pour ma troisième année de fac.
La ville des Mureaux a souvent été associée à la fracture sociale, le président Emmanuel Macron a d’ailleurs évoqué, dans son discours prononcé dans cette même ville le 2 octobre dernier, une « ghettoïsation que la République a laissé faire ». Pourtant ce programme semble montrer un fort potentiel parmi les jeunes, qu’en pensez-vous ?
Il y a des talents partout, le problème c’est que des villes comme les Mureaux manquent de mixité et de moyens. Il faut donner sa chance à tout le monde, pour créer une dynamique vertueuse, cela permet à des personnes de circuler d’un milieu à un autre, et donc de balayer les caricatures. Tout le monde peut réussir, c’est une question de moyens, de chances, de ressources. Mon message à ceux qui sont stigmatisés, c’est qu’il ne faut pas se dévaluer, il faut croire en ses chances, en ses capacités.
Les programmes en faveur de l’égalité des chances sont très utiles, il en faut, mais il y a une question beaucoup plus large qui englobe la question de l’inégalité, de la politique sociale et économique, de l’accès aux connaissances. C’est un milieu qui vit dans la précarité et tout ça joue, il reste beaucoup de choses à faire pour que tout le monde ait un accès au meilleur conditions d’apprentissage possible.
Après le programme PACE, vous êtes allé à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Racontez-nous votre expérience.
Oui, PACE a révélé en moi une motivation à aller vers la politique. Pendant les repas au campus, on parlait d’autre chose (le bac, les prépas, la vision des Grandes écoles…), et je me suis vite rendu compte que je m’intéressais encore plus à la politique qu’à l’économie. HEC Paris était mon deuxième choix, mais j’ai tout de suite réussi les concours Sciences Po, et je n’ai pas hésité à accepter cette invitation. Mais j’ai toujours été soutenu dans mes choix par l’équipe de PACE et surtout par Hélène Bermond, la déléguée à l’égalité des chances d’HEC. Elle a toujours été à l’écoute et a soutenu mes choix. A Saint-Germain-en-Laye, j’ai trouvé un intérêt particulier à travailler sur la démocratie participative, qui donne plus de place aux citoyens pour s’exprimer.
Pour votre Master 2 à Sciences Po, vous avez décidé de revenir aux sources en acceptant un stage en alternance à la mairie des Mureaux. Pourquoi ?
Je me suis intéressé au travail d’une collectivité territoriale. Je collabore avec des élus locaux ou des techniciens de la politique publique. J’aime le concret, répondre aux demandes des habitants de ma ville. Pourquoi les Mureaux ? Il y a évidemment un lien avec la ville où j’ai grandi. Elle m’a apporté tant de choses, je voulais rendre ses bienfaits à cette ville et la porter vers le haut, surtout pour sa prochaine génération de jeunes.
J’ai lu que vous aviez aussi un engagement fort en faveur des droits des femmes…
Oui, je constate qu’elles subissent des inégalités terribles. Pour moi, il est important que les hommes puissent aussi en parler, exprimer leur révolte contre ces iniquités. J’ai eu plusieurs occasions d’en parler. Cela m’a amené à faire un stage à Women Safe (un lieu d’accueil et de prise en charge des femmes et enfants victimes de toutes formes de violence, NDLR). Il y a beaucoup trop d’abus contre les femmes et j’espère intégrer la lutte contre ce fléau dans le travail que je ferai.
D’ailleurs, j’ai été récemment élu représentant des étudiants à Sciences Po Saint-Germain, et nous sommes actuellement en train de travailler sur des projets qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles envers les femmes, ainsi que des programmes sur la prévention de ces abus. Nous avons été très impactés par l’affaire dite « Duhamel » qui continue, même si cela ne concerne pas directement notre école. On a voulu mettre tout ça à plat car nous sommes tous solidaires avec les victimes, c’est un des grands dossiers du moment.
Un dernier mot sur ce que vous retenez votre expérience PACE, six ans après l’avoir vécue…
Je retiens cette volonté de se dépasser et cette quête de l’excellence. Et, comme avec Sciences Po, je constate que les grandes écoles permettent des débouchés très épanouissants.