Un long parcours, des Cévennes à Jouy-en-Josas
Notre série sur les parcours remarquables d’étudiants ayant bénéficié des initiatives d’HEC en faveur de l’égalité des chances se poursuit avec le portrait de Justin Martin. Avec détermination, équilibre et obstination, ce sportif doué a su surmonter les défis géographiques et sociaux pour franchir les portes d’HEC Paris et de l’Université de Versailles cette année.
« J’avoue que je suis très fier de mon parcours jusqu’ici. Il montre que l’on peut venir d’un petit village, suivre un chemin semé d’embûches et néanmoins faire un beau parcours et arriver à HEC. » Le « petit village » qu’évoque Justin Martin s’appelle Bez-et-Esparon et se situe au fin fond des Cévennes, dans le sud de la France. Ce village de 328 habitants, lové au confluent d’un ruisseau (le Merlanson) et d’une rivière (l’Arre), est connu pour sa culture de la soie, son patrimoine naturel remarquable… et l’exode rural qui a touché une bonne partie de cette région de l’Occitanie. « Mes grands-parents viennent de là, mais il y a une tradition de maçonnerie dans la famille ». L’enfance de Justin et de son frère aîné Léo s’équilibre agréablement entre une scolarité exemplaire, une grande liberté utilisée à explorer les nids d’aigles du Mont Aigoual et les chemins des montagnes du Pays Viganais… et, surtout, à pratiquer le sport. « J’ai commencé le BMX Race très tôt, c’était une forme d’évasion et je suis arrivé à un bon niveau, les Trophées de France, etc. Mais les blessures se sont succédé, mes os, mes cartilages et mes coudes en ont pris pour leur grade, j’ai été opéré et, au bout du compte, même après une longue rééducation, j’ai dû renoncer à un parcours qui avait pourtant bien commencé. »
Cet échec sportif a été de courte durée, car Justin s’est ensuite trouvé une passion pour le basket. « Depuis mes premiers entraînements en 2016, elle ne m’a jamais quitté. Je continue à HEC, et d’ailleurs on a un tournoi demain pour la Coupe de l’X. J’ai toujours pensé que le sport me permettrait de me dépasser, et de construire aussi un esprit de solidarité avec les camarades dans l’équipe. » Cette volonté de se dépasser s’est aussi manifestée pendant ses études, au cours desquelles Justin a sauté une classe, et brillé régulièrement par ses moyennes générales obtenues au sein de la Cité Scolaire André Chamson au Vigan, dans le Gard. « Les enseignants m’ont donné de bonnes bases, certains étaient ce qu’on appelle des "khôlleurs", qui nous aidaient pour la suite et la prépa, surtout en maths. Ils nous encourageaient à viser loin, et plusieurs d’entre nous se sont lancés dans des classes préparatoires à Montpellier, à plus de 60 kilomètres de la maison. J’ai été inspiré par le succès de mon frère qui avait réussi sa prépa 2 ans avant que j’y entre. Il m’a fait découvrir ce monde intense, et j’ai adoré son côté pluridisciplinaire et dynamique. Pour nous deux, c’était un univers qui nous était inconnu, nos parents n’étaient pas allés très loin dans leurs études : mon père, maçon, avait seulement un BEP, et ma mère, secrétaire de mairie, n’avait pas fait d’études supérieures. »
Mais en classe de seconde, en 2018, Justin a dû surmonter un drame, la mort inattendue de son père, âgé de 49 ans. « C’était une épreuve terrible. Mon frère allait passer les concours des Grandes Écoles, et avec ma mère et moi, nous avons dû nous adapter à une nouvelle vie. Les années suivant la mort de mon père, j’ai décuplé mes efforts, je me suis surpassé, trouvant des forces chez mes proches et mes amis, qui m’ont soutenus et me soutiennent encore moi et ma famille. ». Une période très difficile, mais que Justin et sa famille Martin et ses proches ont su surmonter ensemble pour avancer. Son frère a réussi ses concours et a continué son parcours dans le supérieur, qu’il est en train de terminer. Sa mère a repris les études et a réussi le concours catégorie B de la Fonction publique. Elle a continué d’évoluer dans son travail et s’est rapprochée de Montpellier, où elle travaille maintenant comme gestionnaire. Justin, lui, a poursuivi ses années de lycée au Vigan en travaillant encore plus dur qu’avant, motivé par la réussite de son frère et, désormais, par la volonté de se dépasser et se donner toutes les chances de réussir.
Le soutien d’HEC dans son parcours
Juste avant son entrée en classe préparatoire au lycée Joffre de Montpellier, Justin a découvert le dispositif Egalité des Chances d’HEC Paris. « L’été après ma Terminale, j’ai pu bénéficier du séminaire PREPHEC fin août, puis du programme « Accompagnement à distance » avant le début de ma prépa. Grâce au programme PREP’HEC, au cours duquel j’ai échangé une fois toutes les deux semaines en visio avec ma tutrice à HEC, Irène Rodriguez. Irène est formidable, et m’a fourni conseils, méthodologie et soutien général. En deuxième année, j’ai eu la chance d’intégrer le programme PREP Etoile* et de continuer mon accompagnement avec Irène. Nos échanges étaient axés sur les concours, les épreuves orales, mais aussi sur la vie à HEC et les programmes que l’Ecole propose. Elle m’a beaucoup aidé, notamment pour les épreuves de culture générale, et m’a permis de mieux me projeter dans l’après-prépa. »
Faire bénéficier les autres
Les résultats ne se font pas attendre, Justin est admis dans la promotion 2022 de la Grande Ecole. Mais il tient à souligner qu’il s’agit d’un engagement de longue haleine : « Je n’étais pas seul dans cette réussite. Ma mère, mon frère, mes amis, mais aussi mes professeurs et mes proches, on a tous été soudés dans cette tentative. Ils m’ont aidé à y croire, et à rendre cela possible. »
Aujourd’hui, confortablement installé dans le bâtiment M1 du campus, Justin a la volonté de partager avec d’autres les atouts des programmes d’égalité des chances qui lui ont permis de d’entrer à HEC. « Je suis en contact avec une élève à Lille, au lycée Saint Paul, en tant que tuteur. J’aide dans la préparation aux concours, mais j’essaie de faire comprendre que, même si on vient d’un autre milieu, il ne faut pas le renier, cela fait partie de nous et c’est une force, mais ce qui importe le plus est de mettre toutes les chances de son côté, d’avoir envie. Même si beaucoup d’autres élèves de l’école viennent d’un tout autre monde, il n’y a pas eu de décalage, et je me sens bien là où je suis aujourd’hui. »
Et son avenir ? Pour l’instant Justin se concentre sur sa double licence, à HEC et à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), où il continue son exploration des maths qui lui demandent, concède-t-il, un travail intense et exigeant. Mais il réfléchit déjà à son avenir professionnel : « Je pense que je vais m’orienter vers le sport et le management dans ce milieu. Les J.O. de Paris pointent déjà leur nez, j’aimerais m’engager dans cet événement unique. Les opportunités proposées par HEC me permettraient de continuer de tracer mon chemin et de faire vivre mes rêves. »