Les étudiants ivoiriens trouvent leur place à HEC Paris

Au mois de septembre 2020, HEC Paris a vu un nombre record d'étudiants ivoiriens intégrer son programme Grande Ecole : il s’agit là d’un élément-clé de sa stratégie « Afrique 2015-2025 », qui vise à attirer les jeunes talents de l'Afrique subsaharienne. Malgré la crise sanitaire et économique mondiale qui frappe une grande partie du monde, ces étudiants venus de Côte d’Ivoire se montrent aussi déterminés qu’exemplaires pour contribuer au développement de leur continent.

« C’est grâce à l’éducation que la fille d’un paysan peut devenir médecin, que le fils d’un mineur peut devenir le chef de la mine, que l’enfant d’ouvriers agricoles peut devenir Président d’une grande nation. »

Nelson Mandela - Un long chemin vers la liberté (1995)

Si Nelson Mandela décrivait aujourd’hui le pouvoir de l'éducation, il pourrait s’inspirer des huit bénéficiaires du programme d'égalité des chances mis en place par HEC Paris en Côte d'Ivoire. « J'ai grandi à Mampleu, un petit village, où les années étaient rythmées par les semailles, le travail du sol et les récoltes », confie Munkapé Bla qui, comme plusieurs des huit étudiants, est déjà ingénieur. A la demande de l'équipe de communication d'HEC, Munkapé et ses camarades ont suspendu un moment ce qu'ils décrivent comme des « études intenses » pour partager leur expérience. « Malgré la difficulté de leur travail et le stress lié à des revenus fluctuants et incertains, mes parents ont pu assurer un avenir à mes trois frères, mes trois sœurs et moi-même. Grâce à eux, j'ai pu faire mes études dans le meilleur lycée et la meilleure université de mon pays. »

Munkapé est l'un des cinq étudiants du programme PACT Afrique d'HEC Paris, qui cherche à attirer les talents des plus prestigieuses institutions de Côte d'Ivoire dans son programme Grande Ecole (les trois autres étudiants ont postulé avec succès, de manière indépendante, ou ont bénéficié du programme Join a School in France). PACT s'inscrit également dans une démarche visant à doubler la représentation des étudiants subsahariens au sein de la population internationale de l'école, d'ici cinq ans. Il est mené grâce à l’important soutien des donateurs et de la Fondation HEC. Le projet-pilote de cette année a été mené par le bureau HEC d'Abidjan, en partenariat avec l'Institut National Polytechnique Houphouët-Boigny (INP-HB). « Mais ce n'est pas seulement une question de philanthropie », souligne l’Abidjanaise Kiyalie Kemien, une des rares femmes de Côte d'Ivoire à être diplômée de l'INP-HB, en tant que technicienne des mines et de la géologie. « A HEC, on se rend compte qu'il y a un nombre croissant d'esprits talentueux en Afrique, il s’agit de développer encore davantage notre potentiel. Et si ces trois années nous sont bénéfiques, nous serons plus susceptibles de rendre la pareille et d'investir dans la communauté HEC de notre pays, en recrutant de nouvelles générations d'étudiants ouest-africains. »

Des objectifs ambitieux

Aucun candidat potentiel ne doit cependant avoir l'illusion qu’accéder au campus de Jouy n’est qu’un jeu d'enfant, tiennent à remarquer les huit étudiants qui ont dû se mesurer à 150 autres candidats pour intégrer l'école. « C'était une véritable épreuve, à bien des égards », reconnaît ainsi Lucien Kouakou, « mais chaque minute valait la peine ». Et Lucien est bien placé pour le savoir : il vient du village d'Irateke, près de la capitale ivoirienne Yamoussoukro, où 2000 habitants vivent sans électricité ni eau courante, et où l'éducation reste un luxe impossible pour beaucoup. « J'ai eu le soutien de toute la communauté dès le début. Lorsque j'ai su en août que j’avais décroché une place à HEC, mon village s'est uni pour m’aider à verser l'acompte initial nécessaire pour confirmer ma venue ! »

HEC Paris espère que la réussite de PACT Afrique en 2020 incitera des sponsors à soutenir aussi son projet de création de deux autres programmes, l'un pour l'Afrique de l'Est, l'autre pour l'Afrique australe. « L'Afrique se développe », affirme Joël N'Guessan. « Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à venir s’installer sur notre continent. Nous avons donc besoin de managers pour construire quelque chose ensemble ». Pour en prendre conscience, Joël a planifié très clairement sa carrière : « A HEC, je compte me spécialiser dans le management stratégique. J'aimerais ensuite rejoindre une grande entreprise comme Bain & Company et devenir manager, avant de passer chez McKinsey. Après avoir travaillé pendant vingt ans environ pour ces entreprises internationales, j'envisage de retourner en Côte d'Ivoire pour fonder une société de conseil en stratégie et management consacrée au développement des PME. Les PME constituent le poumon de l'économie ivoirienne. »

Croissance et développement durable

Marie Allidjinou veut combiner économie et impact sociétal dans son pays natal. Son engagement remonte à un stage effectué dans une entreprise canadienne d'extraction d'or dans le nord de la Côte d'Ivoire. « J'ai vu les conséquences négatives que leurs stratégies entraînent sur les communautés locales », explique Marie. « En embauchant de la main-d'œuvre locale à un salaire cinq fois plus élevé que les salaires habituels, ils ont créé une nouvelle structure de classes, divisé les gens entre eux et encouragé une hyperconsommation malsaine parmi les "happy few". Je pense que des politiques d'intégration plus intelligentes peuvent éviter ces pièges ». L'étudiante est impatiente d'intégrer le MSc Sustainability and Social innovation d'HEC, précisément conçu pour étudier les moyens de convertir la société et les entreprises à des pratiques plus durables.

Habib Ouattara entend lui aussi participer à une révolution : elle permettrait d’abord d’apporter l'eau potable aux 340 millions d'Africains qui n'y ont pas accès et, ensuite, de fournir un toit aux 500.000 Abidjanais privés de logements. « En tant que PDG, j'ai l'intention de gérer plusieurs projets de manière transversale, » précise-t-il, « car le secteur des infrastructures va se développer pour combler ces différents déficits. »

Dylan N'zi a d’ores et déjà lancé, chez lui, un projet lié au développement durable. Il a créé, il y a trois ans, une société de conseil pour mettre son expertise d'ingénieur agronome au service de la résolution des problèmes des entreprises appartenant au secteur agro-industriel de la Côte d'Ivoire. « Cela m'a fait prendre conscience des défis que nos entreprises doivent relever pour concurrencer les grandes multinationales qui dominent l'économie. Je suis déterminé à développer mes compétences à HEC pour gérer nos entreprises et faire face de façon plus efficace à la concurrence. Mais mon entreprise agroalimentaire aura aussi pour objectif de franchir les frontières et de se développer dans le reste de l'Afrique. »

S’adapter à de nouvelles méthodes pédagogiques

Les huit nouveaux arrivants ont créé entre eux des liens de solidarité solides depuis leur arrivée sur le campus de Jouy, début septembre. Leur intégration à la vie quotidienne et aux cultures pédagogiques très différentes d’HEC Paris a été facilitée par le travail de Gabriella Mazzini et de Philippe Oster, de la direction des Affaires internationales de l'école. Ils ont également été guidés par l’expériences de leurs proches prédécesseurs, trois étudiants ivoiriens qui sont parvenus à traverser l'expérience du confinement sur le campus, au début de cette année. « Avant même notre arrivée, ils nous ont fait part de leur vision du quotidien ici et nous ont également avertis que l'approche pédagogique à HEC est très différente de celle à laquelle nous étions habitués à l'INP-HB », rappelle Jean-Laurent Aïouo. Tous les étudiants ivoiriens ont su insister sur la motivation personnelle et la préparation du travail, particulièrement importante à HEC. « La préparation des cours représente 80% de notre travail », précise Marie Allidjinou. « Une fois avec le professeur, nous discutons des lectures, des analyses et des conclusions que nous avons pu préparer à l’avance ». Une grande partie de ce travail s’effectue par ailleurs au sein de petits groupes d'étudiants très cosmopolites. « J'ai travaillé avec des gens du Liban et de la Tunisie, par exemple », poursuit Marie Allidjinou. « C'est une raison essentielle pour venir ici, et cela nous permet de confronter nos différentes cultures sur des sujets comme le marketing stratégique. Ces échanges ne peuvent que conforter les connaissances que nous transmettent les professeurs d'HEC. »

HEC Paris va poursuivre son travail commun avec le directeur général de l'INP-HB, Koffi N'Guessan, pour développer son programme de recrutement d’étudiants de Côte d'Ivoire. Ce programme continuera d'être piloté par le bureau d'HEC Paris à Abidjan, dirigé par Alexis John Ahyee. Malgré les défis posés par la crise sanitaire, son équipe est optimiste : le succès de cette année n'est qu'un début.