Persévérance et légèreté, au cœur de l’Egalité des Chances d’Amandine Ayrem
Amandine Ayrem s’est engagée dans le social dès qu’elle est arrivée à HEC Paris en 2003, en œuvrant au sein de l’association humanitaire Fleur de Bitume. 20 ans plus tard, l’investisseuse et Managing Director d’Eurazeo devient marraine de la 2ème promo PREP Etoile* avec l’objectif de rendre, un peu, ce qu’on lui a donné. « C’est une valeur qui m’est chère, cet esprit de solidarité - une valeur qui est fondamentale dans le monde dans lequel on vit.
« Avec le recul, je crois que mes parents appréciaient ma pugnacité et je leur en sais gré. C’était une flamme qui brûlait en moi et qu’ils s’employaient à entretenir. » Ces mots, écrits par une certaine Michelle Obama dans son autobiographie « Devenir », Amandine Ayrem aurait pu en faire les siens lorsqu’elle évoque à la fois son parcours et le soutien infaillible de ses parents. Lors de notre entretien d’une heure, le mot « pugnacité » sort avec régularité et insistance. Non pas la pugnacité qui tend vers le terme « belliqueux » ou le Latin pugnus, « poing ». Plutôt celle utilisée par la poétesse américaine Gretel Ehrlich qui évoque ainsi ce mot : « pour être dur il faut être fragile. La douceur est la véritable pugnacité. »
Amandine Ayrem est née dans la petite ville de Mont-de-Marsan qui, selon elle, se trouve dans une des régions les plus cachées de la France : « les Landes sont mal connues, oui, et tant mieux parce que ceux qui connaissent en profitent. » Elle grandit dans l’ambiance paisible de ce lieu charmant surnommé « la Ville aux Trois Rivières », elle qui revendique la confluence de cultures, de milieux et de racines : « Ma famille est issue de l’immigration polonaise du côté de ma mère. Mon père, lui, a été contraint d’arrêter ses études plus tôt qu’il ne l’aurait souhaité. Aussi, il me disait toujours : ‘Il n’y a que ceux qui ne font rien qui n’échouent pas – donc fonce !’ J’ai gardé cette philosophie toute ma vie. Mais quand j’ai finalement quitté mes parents pour entrer en prépa, je me suis sentie différente. J’avais ce fort accent dont il reste encore quelques traces aujourd’hui, un style vestimentaire particulier… J’étais certainement moins sophistiquée que mes camarades des grandes villes ! » Elle rit aux éclats même si elle admet que ces années au lycée Pierre-de-Fermat (Toulouse) étaient difficiles au début : « Une expérience assez inédite pour moi, une remise en question fondamentale. » Elle, une des meilleures élèves dans son lycée qui se trouvait face à des élèves « d’un excellent niveau » ayant déjà fait la moitié du programme de maths de Prépa en arrivant en première année.
Solidarité et positivisme
Malgré les difficultés, Amandine Ayrem retient aussi la solidarité qui s’est construite entre élèves : « L’entraide dans notre classe m’a portée. C’est ce qui fait écho à mon soutien à PREP Etoile* aujourd’hui. Rendre un peu ce qu’on m’a donné. On travaillait beaucoup en équipe au sein de la classe. » De l’intensité de ses deux années de Prépa, elle tire des leçons pour la vie : « J’ai réussi à naviguer dans mon écosystème professionnel, aidée par cette même solidarité, et par une culture du positivisme. En effet, j’ai dû gérer des crises et dépasser des épreuves, sans lâcher devant les échecs. »
L’entraide dans notre classe m’a portée. C’est ce qui fait écho à mon soutien à PREP Etoile* aujourd’hui. Rendre un peu ce qu’on m’a donné.
Le hasard lui a aussi donné un coup de pouce. Un des amis de famille était le père d’un jeune étudiant HEC, Edouard Cazaugade (H.02). Les conseils et les encouragements de ce dernier ont poussé Amandine à tenter une école de commerce dont ni elle, ni ses parents, ne connaissaient l’existence auparavant. Son admission aux concours d’HEC l’a projetée dans un monde où elle se démarquait à nouveau par ses origines. « Il y avait énormément de Parisiens sur le campus à Jouy. » Plus tard, dans le monde professionnel, cette singularité a perduré. Lors d’entretiens pour un nouveau poste, un interviewer regarde son CV et la questionne sur son parcours : « Mais, comment vous retrouvez vous aujourd’hui en face de moi ? ». Amandine répondra en toute candeur : « J’ai pris le TGV ? » L’humour pour déplacer les montagnes… Et les idées reçues.
Entrée dans le monde de la finance
Depuis, son esprit de combativité a permis à Amandine Ayrem de gravir les échelons du monde de la finance. Une fois son MSc en Finance en poche, elle s’est lancée dans le secteur des fusions-acquisitions à la Deutsche Bank. En 2010, un chasseur de têtes la convainc d’entrer chez Eurazeo comme chargée d’affaires. Cette plateforme d’investissement est en pleine ascension et Amandine se retrouve impliquée sur des projets aussi stratégiques que variés (Foncia, Iberchem, DORC, etc.). Elle participe à l’acquisition de sociétés européennes dans les secteurs des biens de consommation et de la santé, dont Eurazeo devient actionnaire, et accompagne les équipes dirigeantes dans leur développement notamment à l’international.
Mais elle n’oublie jamais ses racines, ni les valeurs qu’elle s’est forgées en Prépa et à HEC. Celles-ci l’amènent à s’intéresser de près à une société familiale du sud-est de la France, Aroma-Zone, qui propose, en ligne, des produits naturels pour des particuliers enclins à concocter eux-mêmes leurs soins d’hygiène de beauté. « Les sœurs fondatrices ont créé cette société il y a 20 ans. Elles ont été extrêmement avant-gardistes et courageuses, car loin de la cosmétique traditionnelle, elles sont restées fidèles à leurs convictions de bien-être et de santé au naturel. Elles ont créé une société en dehors des codes marketing traditionnels, avec une intuition et une écoute des clients inédites. J’ai retrouvé dans cette société provinciale des valeurs qui me sont chères, et notamment une conscience de l’impact de notre consommation sur le monde dans lequel nous vivons. »
Être différent, c’est une chance, et il faut savoir s’en rendre compte. Ce qui prime ce sont les compétences. »
Ce parcours atypique est au cœur de l’engagement professionnel d’Amandine Ayrem. « Dans notre métier, nous sommes confrontés à des dirigeants de toutes formations. Nous rencontrons une diversité de profils qui sont tous extrêmement compétents et engagés. Être différent, c’est une chance, et il faut savoir s’en rendre compte. Ce qui prime ce sont les compétences. »
La méritocratie au-delà des beaux discours
A partir de là, un seul pas de plus lui aura suffi pour s’engager auprès des programmes Egalité des Chances. « Être marraine de la promo 2 PREP Etoile* est un grand honneur et me permet de partager des valeurs qui ont jalonné tout mon parcours. Lors de ma première rencontre avec les élèves, j’ai été marquée par ce patchwork de visages, plein d’une lumière dans les regards qui m’a replongée dans ces beaux moments d’un passé pas si lointain. » Et ses objectifs avec les élèves ? « Les aider à garder confiance en eux et leur donner une idée de l’avenir qu’ils peuvent envisager. J’aimerais qu’ils considèrent que la méritocratie ce n'est pas seulement dans les beaux discours. Je veux être là pour eux, présente dans certains moments charnières de l’année pour, si besoin, les remettre en selle. »
Déjà, à l’occasion de leur première rencontre, Amandine Ayrem note des différences générationnelles : « les objectifs de vie sont très différents. Ils sont tous très concernés par le monde dans lequel ils se projettent. La quête de sens dans leur future carrière est plus prononcée. A l’époque, nous étions beaucoup plus naïfs sur ces sujets-là et, d’une certaine façon, plus dociles. Eux, ils nous challengent, ce qui est une bonne chose. Ils sont courageux et… » Elle hésite. « … plus sévères ? J’espère qu’ils sauront néanmoins garder un peu d’optimisme et de légèreté.
« Nourrir ses rêves, et considérer qu’aucun n’est trop grand pour ne pas être poursuivi, oser, là est le vrai moteur. »
Nourrir ses rêves, et considérer qu’aucun n’est trop grand pour ne pas être poursuivi, oser, là est le vrai moteur. » Elle espère que les élèves gardent le même niveau d’énergie pour la rentrée 2023, avec le soutien des mentors HEC : « HEC est une des seules écoles qui est aussi engagée et qui fait son travail d’égalité des chances avec un tel sérieux et une telle efficacité. Parce que, si on veut de la diversité demain dans les équipes, dans les profils des prochains dirigeants, on doit prendre les défis à la racine : avant de rentrer dans la Grande Ecole. Et c’est là où PREP Etoile* prend tout son sens. »
Apprendre de ses échecs
Pour terminer, cette trentenaire, mère de deux jeunes enfants, insiste sur le principe d’apprendre de ses échecs. « Ça commence là, non ? Ils ont 3 et 6 ans, mes enfants, et je vois comment ils réagissent aux échecs. Accepter d’échouer pour refaire, et ré-échouer, refaire, jusqu’à ce qu’on y arrive. Ce n’est pas toujours facile. Je n’avais jamais vécu d’échec dans le cadre scolaire avant d’arriver en Prépa. J’ai appris ! Je me suis relevée et je suis repartie, même pendant des moments compliqués. »
Et quelle ascension ! Au sein d’Eurazeo, elle a pu contribuer à la transformation de la société d’investissement, la voyant évoluer et passer de €3 milliards d’actifs sous gestion à son arrivée en 2010, à plus de €32 milliards aujourd’hui, dans une compétition du monde du private equity toujours plus intense. La persévérance, vous dis-je !